19.5 – Le dix-neuvième en cinq actes de et par Christophe Delessart, mis en scène de Johanna Boyer-Dilolo

19.5 – Le dix-neuvième en cinq actes de et par Christophe Delessart, mis en scène de Johanna Boyer-Dilolo  

«31 décembre 1900. La foule célèbre déjà mon départ en grande pompe mais avant de tomber, dit Christophe Delessart, j’ai envie de vous raconter celles et ceux que j’ai croisés et aimés,. « Cela se passe dans la belle mais très petite cave voûtée de l’Essaïon où l’acteur seul, costume noir et chemise blanche, va dire ou jouer des textes et poèmes de neuf écrivains et trois écrivaines du XIX ème siècle: Charles Baudelaire, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Gustave Flaubert, George Sand, Louise Michel, Arthur Rimbaud, Emile Zola, Jeanne Deroin, Alfred de Musset, Thoreau, Edmond Rostand et Marie Nizet, une poétesse belge (1859-1922) clamant dans un poème à l’écriture assez conventionnelle, sa passion érotique pour son amant, un officier disparu à la guerre.
Mais Jeanne Deroin (1805-1894), candidate aux élections législatives  a écrit un texte formidable que ne désavouerait aucune mitouiste actuelle: «L’homme seul a jusqu’à présent, réglé les destinées du genre humain et presque toutes les lois sont injustes, oppressives et imprévoyantes. La répartition inique des produits du travail, l’esclavage, le servage et le prolétariat produisent partout la corruption, l’ignorance et la misère. »

© Rachel Ruello

© Rachel Ruello

Christophe Delessart a une belle présence, une excellente diction (cela fait toujours du bien par les temps qui courent) et il n’a pas besoin de micro H.F. !. Et on sent chez lui une véritable passion pour cette langue française écrite du XIX ème, à la fois toujours identique et jamais la même. Mais elle est encore la nôtre, ou presque.
Er pourtant, quelle diversité! Celle de Charles Baudelaire n’est pas du tout celle de Victor Hugo, et celle d’Emile Zola n’est pas non plus celle de George Sand. Quant à la langue poétique du très jeune homme de Charleville-Mézières qui n’a plus rien écrit après ses vingt ans, elle est restée unique… et tout aussi merveilleuse, un siècle et demi après.
Et nous écoutons avec gourmandise, nombre de ces écrits en cinq «actes», imaginés par Christophe Delessart: La Mort, La Nature, Les Révoltes, Les Combattantes et L’Amour. Et il y a une belle surprise, le célèbre Walden de l’Américain Henri-David James Thoreau, grand précurseur de la défense de l’environnement. Tous très bien dits par cet acteur, toujours juste et qui n’en fait jamais trop.
Malheureusement, la direction d’acteur est aux abonnés absents, la mise en scène sans intérêt et très amateur, les lumières colorées éblouissent les spectateurs placés sur le côté et frisent sans arrêt le pléonasme, la «scénographie» non signée, avec grands caillebotis qui se transforment en pupitre, la fois encombrants et casse-gueule sur un aussi petit espace, n’est pas du bois dont on fait les flûtes. Et les vidéos projetées sur un store blanc : le film mythique de Louis et Auguste Lumière (1896) du train arrivant en gare de la Ciotat, des vues d’usines, etc. ne font ici jamais sens.

Quant aux textes et aux poèmes, le choix est maladroit. Pourquoi être allé chercher la scène du balcon assez conventionnelle de Cyrano de Bergerac, plutôt que celle, sublime de la fin où le vieux poète amoureux blessé se meurt aux côtés de Roxane? Pourquoi nous resservir la scène ultra-usée entre Perdican et Camille dans On ne badine pas avec l’amour de Musset ? Pourquoi l’avoir privilégié avec Vigny, et même pas consacré une minute à l’immense poète que fut Gérard de Nerval, lui aussi boudé dans leurs recueils scolaires par les trop fameux profs Lagarde et Michard de nos années de lycée? Cela fait quand même beaucoup d’erreurs pour une heure de spectacle!
Enfin, cadeau de consolation, on peut découvrir ou retrouver le texte d’Henri David Thoreau, sûrement inconnu de ce public où il n’y avait aucun jeune. Alors à voir? Peut-être mais à condition de n’être vraiment pas exigeant! Le jeu de Christophe Delessart mérite vraiment mieux… Donc à suivre.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 8 février, les mercredis à 19 h 00, Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris (IV ème).


Archive pour 6 décembre, 2023

West Side Story, livret d’Arthur Laurents, musique de Leonard Bernstein, paroles de Stephen Sondheim

West Side Story, livret d’Arthur Laurents, musique de Leonard Bernstein, paroles de Stephen Sondheim, mise en scène de Lonny Price

Cette comédie musicale créée à Broadway en 1957, chorégraphie de Jerome Robbins et mise en scène de Lonny Price, a été jouée pour la première fois à Paris en 1981 au Théâtre du Châtelet, dans sa version originale. Comme aujourd’hui pour notre plus grand plaisir. Et Lonny Price a scrupuleusement recréé cette œuvre qui pourrait entrer au patrimoine mondial de l’humanité !

Connue du grand public par une adaptation cinématographique (1961) aux dix Oscars, réalisée par Robert Wise et Jerome Robbins en 1961, avec Nathalie Wood et George Chakiris, West Side Story est la plus emblématique de toutes les comédies musicales du XX ème siècle.  On peut lire au troisième balcon du Théâtre du Châtelet: «pantomime, vaudeville, comédie, tragédie, drame, musique, féérie, opéra, danse». Des composantes que l’on retrouve dans West Side Story, inspiré de Roméo et Juliette.

©x

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Julio Monge, collaborateur de Jerome Robbins, a repris sa chorégraphie à la perfection. Ici, les danses initient l’action et font avancer l’histoire de cet amour contrarié entre Maria et Tony appartenant chacun à une communauté adverse, les Sharks et les Jets.  Avec des thèmes d’un actualité brûlante: communautarisme, haine raciste, expression permanente de la violence, laxisme des autorités, etc.

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© Johan Person


Cette réplique de la version de 1957 est remarquablement interprétée par une jeune troupe. Comme souvent les artistes anglo-saxons, ceux-ci savent à la fois chanter, danser et jouer. Les airs-cultes de Leonard Bernstein: Maria, Tonight, America, frappent toujours autant le public, en particulier ici les jeunes. Scénographie très fluide d’Anna Louizos qui a recréé le New York des années cinquante, avec rapides changements de décor au rythme soutenu de l’orchestre dirigé par Grant Sturiale qui donne aussi le tempo aux chanteurs.
Nous n’avons pas vu passer les deux heures quarante avec entracte de ce spectacle total et nous en sommes sortis heureux avec des airs plein la tête. À voir donc au moins une fois dans sa vie : il reste des places…

Jean Couturier

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet, Paris (I er). T. : 01 40 28 28 28.

Orphelins de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Patrick Lerch, mise en scène de Martin Legros et Sophie Lebrun

Orphelins de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Patrick Lerch, mise en scène de Martin Legros et Sophie Lebrun

 L’auteur britannique maintenant bien connu en France (voir le Théâtre du Blog) aborde ici un de ses thèmes favoris: la violence qui mine nos sociétés. Après Oussama ce héros (2016) la compagnie La Cohue revient à une écriture qui va au-delà du naturalisme. Dany et Helen vont fêter un heureux événement quand Liam fait irruption dans leur appartement, couvert de sang. Très nerveux, le garçon livre un récit contradictoire. A la fin, nous saurons qu’il a blessé et torturé un ouvrier pakistanais ! Helen veut protéger son petit frère mais son compagnon est horrifié par ce crime odieux. Le passé d’Helen et Liam les rattrape:  orphelins à la suite de circonstances tragiques, ils ont suivi des chemins différents. Elle, a fondé une famille mais lui, zone avec des néo-nazis dans le quartier mal famé où ils habitent. Le couple et l’enfant que porte Helen survivront-ils à cette soirée tragique?

© Virginie Meigne

© Virginie Meigne

 Cela se joue en huis-clos dans une scénographie tri-frontale et nous nous sentons pris à témoin de cette terrible histoire interprétée avec énergie. Une régisseuse et narratrice en fond de scène lit les didascalies, apportant ainsi une respiration bienvenue à cette situation intenable où les personnages sont sans cesse en porte-à-faux. «Nous aimons, disent les metteurs en scène, qu’ils évoluent avec la conscience qu’ils se sentent regardés, jugés. » Pour plus de distance, Liam s’enduit de peinture rouge pour apparaître ensanglanté et s’asperge le visage d’eau quand il pleure.

Nous sommes happés par ce récit délivré au fil du rasoir. Les traducteurs ont habilement transposé ces dialogues crus et hachés où la langue hésite et parfois bégaye. Martin Legros joue un Liam ambigu, à la fois attachant et repoussant et Sophie Lebrun, une jeune femme clivée entre son désir de normalité et une culpabilité qu’elle partage avec son frère. Face à eux solidaires, Dany (Julien Girard) se débat avec sa conscience, coincé entre le désir de ne pas faire de vagues et son aversion pour l’acte de son beau-frère.

Dennis Kelly met ses personnages en tension sans relâche pendant une heure et demi. Ici, les acteurs scrutent toutes les contradictions qui habitent ces jeunes en déshérence, dans un climat de fatalité sociale. On pense à Sweet Sixteen de Ken Loach et à The Old Oak sorti récemment où il analyse les mécanismes du racisme ordinaire dans un milieu populaire défavorisé.
La Cohue réunit de jeunes artistes de Caen. Avec Orphelins (2018), Sophie Lebrun et Martin Legros signaient leur première mise en scène clôturant un triptyque autour de la violence, initié avec Visage de feu de Marius von Mayenburg en 2015 (voir le Théâtre du blog). La compagnie travaille pour l’an prochain à une adaptation des Aventures de Pinocchio de Carlo Collodi.

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 28 décembre, Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, Paris (XI ème). T. : 01 48 06 72 34.

 Le 6 février, Théâtre Charles Dullin, Grand-Quevilly (Seine-Maritime).

 

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