Les Suppliques, conception, écriture d’après les lettres de Edith Schleifer, Gaston Lévy, Renée Haguenauer, Alice Grunebaum, Léon Kacenelenbogen et Charlotte Lewin et mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot

Les Suppliques, conception, écriture d’après les lettres de Edith Schleifer, Gaston Lévy, Renée Haguenauer, Alice Grunebaum, Léon Kacenelenbogen et Charlotte Lewin, mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot

À l’origine de ce spectacle, un documentaire de Jérôme Prieur sur la découverte par l’historien Laurent Joly qui préparait sa thèse sur le régime de Vichy, de milliers de lettres adressées au Commissariat général aux questions juives. Des suppliques bouleversantes où des familles disent leur incompréhension, leur profonde détresse mais aussi leur indignation, eux citoyens français d’être soumis à des lois clairement anti-juives, que Pétain, grand partisan d’une collaboration avec l’ennemi, n’hésita pas à promulguer. Et suppliant le maréchal qui ne les lirait jamais, d’intervenir en faveur d’un proche peut-être disparu  dans un camp d’extermination…

Julie Bertin et Jade Herbulot, depuis leur sortie il y a dix ans du Conservatoire National ont fondé le Birgit Ensemble et travaillent sur des matériaux documentaires pour en faire un théâtre non documentaire mais documenté avec entre autres: Berliner Mauer: Vestiges, Memories of Sarajevo  2017) et Dans les Ruines d’Athènes sur la crise de la dette grecque.  Les Oubliés. Alger-Paris ( 2019). Avec des fortunes diverses… (voir Le Théâtre du Blog) : «Nous ne mettons pas en scène des enquêtes, disent-elles. Et si l’on part de documents, c’est pour en faire tout autre chose : du théâtre, en mettant le jeu des acteurs au centre de nos créations. »

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Une scénographie bi-frontale pour une centaine de spectateurs avec à chaque bout d’un étroit plateau rectangulaire quelques meubles et accessoires : buffet, tables chaises,, grande photo de Pétain… Avec quatre interprètes qui vont lire quelques unes de ces lettres : Edith Schleifer, Gaston Lévy, Renée Haguenauer, Alice Grunebaum, Léon Kacenelenbogen et Charlotte Lewin.Mais aussi jouer les personnages de ces autrices et auteurs, assis à la table de leur salle à manger. Gilles Privat et Marie Bunel jouent les pères et mères qui passent du désespoir à la plus minime espérance. Salomé Ayache et Pascal Cesari interprètent ces jeunes qui ne savent rien de leur proche avenir. Présence et jeu sobre tout à fait remarquable des quatre interprètes. Comment ne pas être ému aux larmes à la lecture de ces suppliques où un mari, une femme, un jeune homme, une jeune fille bien français depuis plusieurs générations (mais de confession juive et donc écrivent sans espoir au Maréchal Pétain. Pour demander un peu d’humanité ! Il y a aussi des témoignages : des enfants et leur proches raflés par la police française. Destination Drancy vers Auschwitz… Un père refuse l’évidence de s’enfuir, alors que sa femme plus lucide le supplie de le faire. Mais ce sera trop tard .

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Mais ce spectacle est fondé sur une dramaturgie faiblarde avec des petites scènes de la vie familiale sans beaucoup de rythme et et cette scénographie bi-frontale avec tout son stock d’accessoires à chaque bout du plateau ne fait pas non plus grand sens. On repense à ce petit chef-d’œuvre ( 1975) donc il presque cinquante ans et nous nous en souvenons comme si c’était hier dont on a peut-être parlé au Conservatoire National à ces metteuses en scène : Catherine théâtre-récit d’après le roman d’Aragon, Les Cloches de Bâle, où dix solides acteurs, assis ou debout autour d’une table nappée de blanc dans un dispositif bifrontal. Ils donnaient uen ampleur magnifique à ce texte. Depuis cette scénographie a été reprise par de nombreux metteurs en scène…

La mise en scène a souvent un côté pléonastique, comme ce portait de Pétain gagesque encadré avec son visage d’un côté et sa nuque de l’autre, des accessoires souvent inutiles qu’on dévoile petit à petit , ou encore des effets faciles et stéréotypés comme ces fumigènes (le quatrième de la semaine pour nous!) transpirant du sol et envahissant régulièrement le plateau.
Ces Suppliques, un matériau exceptionnel, méritait mieux que cette réalisation correcte mais pâlichonne. Non désolé ce spectacle ne propose pas ici « une écriture singulière, espérant faire œuvre de mémoire. » comme le disent un peu vite Julie Bertin et Jade Herbulot.
Enfin, cela aura permis à quelques centaines de spectateurs de découvrir ces Suppliques et c’est une piqûre de rappel sur cette tragédie qu’ont connue des milliers de familles juives, n’est jamais inutile. A vous de décider si le voyage jusqu’à Saint-Denis vaut le coup…


Philippe du Vignal

Jusqu’au 17 décembre, Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National,  59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.  (Navette payante au retour).

Du 18 au 24 janvier Théâtre de Châtillon-Clamart (Hauts-de-Seine). Du 23 au 25 janvier Comédie de Reims-Centre Dramatique National ( Marne).

À voir : Les Suppliques, documentaire de Jérôme Prieur.

 

 

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