Le Quai de Paul Duvaux et Simon Guillemot, mise en scène de Celia Kourt

Le Quai de Paul Duvaux et Simon Guillemot, mise en scène de Celia Kourt

Cela se passe en un temps que certains spectateurs ont connu mais cela fait déjà soixante ans… En juillet 1962, après dix ans de «pacification» comme on disait, la guerre d’Algérie est terminée à la suite des accords d’Evian. Mais avec ses multiples conséquences économiques et familiales pour les Algériens et une population française partie en catastrophe pour  un pays inconnu d’eux. Des Français exilés en métropole.

Sur un quai d’une petite gare française, le sergent Romain Mira (Paul Duvaux) rentre en France comme Rachel Duval (Marie Iasci) et Souâd Belkacem (Sara Syr). Ils attendent tous un train à une époque où les TGV n’étaient pas nés et où on mettait plus de quinze heures en changeant plusieurs fois, pour aller de Marseille en Bretagne. Les trains vont moins vite et les voyageurs ont le temps de faire connaissance et de partager des souvenirs parfois douloureux quand ils vivaient en Algérie.
Certains travaillaient pour l’armée française et de jeunes appelés du contingent allaient aussitôt dans le bled, traumatisés par une guerre qui ne porte pas son nom et absolument pas entraînés. Paul Duvaux, un jeune sergent, meurtri, refuse qu’on lui parle encore d’Algérie. Rachel Duval, née à Oran dans une riche famille juive a fait des études de psycho, ne connaît pas d’autre pays et en veut à l’armée française qui n’est pas vraiment intervenue quand eut lieu le
 massacre d’Oran trois mois et demi après la signature des  accords d’Evian deux jours après la reconnaissance officielle de l’indépendance. Il y eut alors plus de trois cent Européens et une centaine d’Algériens pro-Français morts et disparus. Charles Meursault, grand ami de Romain, rencontrera Rachel qui l’aidera à entrer au service des renseignements d’Oran Souad Belkacem est l’amie d’enfance de Rachel. Elle avait épousé un membre actif du Front de Libération Nationale et sera torturée par l’armée française. Elle a perdu fils mari et pays et va se réfugier en France.. Robert (Arthur Toullet) fait la manche dans la gare et se pense libre comme l’air et maître de lui-même. Il y a aussi le chef de gare (Valentin Guilbot) chernchant les contacts avec les clients et un cheminot (Arthur Toullet) qui passe de temps en temps sur le quai.

«Le Quai, disent ses auteurs, vous plongera au sein d’un conflit chaotique et de ses conséquences sur les hommes et les femmes qui l’ont traversé. Un débat philosophique se dessine alors à travers un spectacle haut en couleurs, regroupant de nombreux personnages apportant chacun leur pierre à l’édifice. » Mais a-t-on vu un conflit non chaotique? Quant au débat philosophique?  Haut en couleurs ?.. Et ces petites scènes mises bout à bout ne font pas vraiment une pièce! Les jeunes acteurs: Paul Duvaux, Simon Guillemot, Marie Iasci, Sara Syr, Arthur Toullet, Valentin Guilbot et Camille Helbeïe -anciens élèves de Raymond Acquaviva- ont tous une excellente diction et une bonne gestuelle.
Le personnage du chef de gare absolument pas crédible aurait pu être éliminé. Il y a quelques scènes émouvantes entre Rachel et Paul mais la dramaturgie, une fois de plus,  est aux abonnés absents. Célia Kourt fait ce qu’elle peut pour diriger ses camarades mais les dialogues sont pauvrets et à l’impossible, nul n’est tenu… Les auteurs se sont lancés dans une pièce à structure « classique » avec quelques moments drôles pour l’alléger (mais c’est raté). Et un th^étre documentaire exige recherches et mise en scène ad hoc. Ils  auraient sans doute mieux fait de choisir des extraits de documents, lettres, extraits de presse, témoignages sur cette époque douloureuse *. Bref, il y a encore du pain sur la planche mais ces jeunes acteurs font preuve de qualités indéniables pour un jour construire avec leur metteuse en scène, un véritable spectacle sur le même thème… A suivre.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 14 janvier, Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 33 42 03.

* Il suffit de demander:  nous pouvons sans doute fournir au moins un document laissé par un jeune officier sorti de Saint-Cyr et aussitôt embarqué pour l’Algérie. Ayant échappé de peu à une embuscade, meurtri, écœuré, il finira par déserter, vivra en Afrique de petits boulots avant de revenir en France des années plus tard après une amnistie… 

 

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