Festival Bruits Blancs: treizième édition

Festival Bruits Blancs: treizième édition…

Avec un programme fourni, d’abord à Anis gras à Arcueil-Le Lieu de l’Autre (Val-de-Marne), avec Nacht, une création musicale de Frank Vigroux, Loïc Varanguien de Villepin et Antoine Schmitt. Et Deeat Palace, une performance de Marion Camy-Palou.

©x Noëlle Renaude

©x Noëlle Renaude

Puis, au Centre Georges Pompidou à Paris, quatre duos proches d’une performance, fondés sur un texte non édité ou parfois même en cours d’écriture d’un écrivain ou écrivaine, et d’autre part un interprète sur un instrument de musique classique ou électronique. Ainsi Noëlle Renaude, dramaturge qui a dit un beau texte sur le théâtre/Odile Auboin (alto); Antoine Mouton, photographe et animateur d’ateliers d’écriture, passionné de théâtre et cinéma et qui publie des écrits poétiques dans des revues/Vincent Courtois ( violoncelle).
Mais aussi Claude Favre, poète et performeuse qui aime dézinguer la syntaxe dominante avec des phrases lapidaires et superposées, des voix d’hommes et femmes/Pierre Jodlowski (console de musique électronique). Et Dorothée Zumstein qui poursuit l’écriture du texte sur Riace, un village de Calabre, symbole de la cause migratoire et dont le maire Mimmo Lucano fut condamné en 2017 à treize ans de prison pour délit d’hospitalité mais qui avait été relaxé en appel après un combat judiciaire et de solidarité. Un duo avec Hélène Breschand (harpe expérimentale).

©x Claude Favre

©x Claude Favre

Le 13 décembre à la M.A.C. de Créteil, Mariette Navaro/Franck Vigroux, Philippe Malone/Nadia Ratsimandredsy, Ismaël Jude/Bruno Chevillon. Des dialogues cette fois aux ondes Martenot-l’ancêtre du synthé créé il y a déjà plus d’un siècle par Maurice Martenot et pour lequel écrivirent aussitôt-excusez du peu!-Arthur Honegger, Darius Milhaud, Olivier Messiaen et le musicologue Jacques Chailley  pour Les Perses au Groupe de Théâtre Antique de la Sorbonne créé par Roland Barthes, des morceaux pour les ondes Martenot. Ces ondes qui accompagnaient aussi  entre les années cinquante et soixante-dix Édith Piaf, Catherine Sauvage, Léo Ferré ou Jacques Brel. Il y avait aussi à Pompidou, un dispositif électronique et une contrebasse.

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Trois jours après à Lanéjuols (Lozère), la Fabrique du Viala a reçu Juliette/Mezenc/ M. Loïc Varanguien de Villepin et Marine Bedon/Matthieu Guillin, pour croiser les textes avec des voix et une musique électronique. »C’est sûrement le signe de notre temps de préférer les fracas médiatiques au travail des artistes, dit Michel Simonot, aux manettes de ce festival avec le compositeur Frank Vigroux. Comme tous les autres services publics, celui de la culture est dans le collimateur. Au profit de l’industrie du spectacle. Cela renforce l’attention à porter, nous qui voulons changer le monde, à ceux qui en font leur matière. En déplaçant les regards. En créant des univers, des imaginaires nouveaux. »

Ici, pas de mise en scène, ni dialogue oral mais loin du bruit et de la fureur des micros H.F., fumigènes, lumières stroboscopiques et autres gadgets… un travail en deux heures sur la langue et sur l’expression musicale improvisée sur des instruments classiques ou électroniques générée par des machines et instruments. Avec, entre autres, des auteurs et autrices de tout âge, bien connus Noëlle Renaude (voir Le Théâtre du Blog) ou pas encore, Marine Bedon, une agrégée de philo qui écrit des monologues (Premier Amour) et de petites pièces comme Les belles Images.
Cette expérience aux résultats inégaux mais qui a déjà une histoire, mérite d’être poursuivie…

 Philippe du Vignal

Festival Bruits Blancs, soirée du 11 décembre, Centre Georges Pompidou, Paris ( III ème). 


Archive pour 18 décembre, 2023

Gilles ou qu’est-ce qu’un samouraï ? d’après Gilles Deleuze, conception et mise en scène de Margaux Eskenazi

Gilles ou qu’est-ce qu’un samouraï ? d’après Gilles Deleuze, conception et mise en scène de Margaux Eskenazi

« L’art, c’est ce qui résiste. » dit Gilles Deleuze à une conférence donnée à la F.E.M.I.S. en 1987. Paroles de consolation pour Margaux Ezkenazi qui avait perdu sa foi dans le théâtre pendant le confinement. Cette allocution « sauveuse de foi » lui a permis de renouer avec la mise en scène. Elle en a fait un spectacle, entrant ainsi en dialogue avec Gilles sous les traits de  Lazare Herson-Macarel et Malik Soarès, au chant et à la guitare. 
Qu’y a-t-il de commun entre un samouraï et le philosophe ? Cité dans sa conférence comme œuvre de création exemplaire, Les sept Samouraï (1954) d’Akira Kurosawa la résistance de villageois. Il réussissent, à chasser les brigands qui ravageaient les campagnes environnantes. en embauchant des samouraïs errants, en quête de travail. Ils se battront pour trois bols de riz par jour…

«A quoi sert encore un samouraï ?», demande le plus jeune de ces guerriers à son chef, une fois les assaillants déguerpis. « Je crois que cette question m’a interpellée, dit Margaux Eskenazi. Je me sentais comme un samouraï qui se demande à quoi il sert en temps de crise.» Présente sur scène, elle nous raconte la genèse du spectacle.

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© Loïc Nys

Lazare Herson-Macarel ne singe pas le philosophe qui, pendant toute sa conférence* reste derrière son micro, tout à ses pensées. L’acteur impose une présence mobile, jusqu’à revêtir l’habit de samouraï et armé d’un bâton,  à participer  à la bataille décisive, en écho aux extraits du film, projetés sur des stores en bambou.
La scénographie zen de Julie Boillot-Savarin, dans un dispositif bi-frontal, reprend le décor rustique des Sept Samouraïs: des troncs d’arbres suspendus figurent les colonnes des maisons, des cordes délimitent le carrefour où les brigands sont piégés, des fleurs saluent le printemps revenu …

 Au fil de la conférence, Margaux Eskenazi fait part de ses questions et réflexions, en dialogue et en interaction avec un « Gilles » devenu une figure familière.  Elle revendique une écriture « rhizomique », à l’instar de la parole deleuzienne. Cela dit-elle, «nous permet aussi un lâcher-prise: la compréhension n’est pas uniquement intellectuelle, elle est sensible et physique. »

Elle prend donc la liberté de digressions comme La Ballade des pendus de François Villon entonnée en duo par Lazare Herson-Macarel et Malik Soarès,. Un poète cité par Gilles Deleuze parmi les créateurs qui, de Moïse à Kafka, Bach, Shakespeare, Dostoïevski…font acte de résistance dans une société où la communication, en ces années quatre-vingt, occupait déjà le haut du pavé.
Pour finir, le philosophe revient au cœur de son sujet, en faisant un distinguo: «L’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’art est irréductible à toute communication.» L’occasion d’égratigner la société de contrôle qu’en visionnaire, il pressent: selon lui,  communiquer, c’est transmettre une information et donc faire circuler un mot d’ordre. Et il prédit qu’aujourd’hui, plus besoin de «surveiller et punir » comme l’analysait Michel Foucault. Plus besoin d’enfermer: l’information met en place un système de contrôle, avec, notamment, les soins à domicile, et bientôt, le travail aussi à domicile…Tout ce que nous avons pu vivre pendant la pandémie de covid.

 Margaux Eskenazi voit alors en Gilles Deleuze: « le roi Lear de l’acte III, seul sur la lande ». A la fin de sa conférence, le philisophe citait  le peintre Paul Klee :  «Le peuple manque» et, sibyllin, il conclut: «Toute œuvre d’art est un appel à un peuple qui n’existe pas encore. » Gilles ou qu’est-ce qu’un samouraï ? devient alors une sorte de manifeste où chacun se reconnaîtra. Il faut souhaiter qu’après la création de la pièce à Lilas en scène, cette reprise  au Théâre de la Tempête soit un tremplin pour une tournée…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 15 décembre. Et joué jusqu’au 17 décembre, au Théâtre de la Tempête, route du Champ de manœuvre. Cartoucherie de Vincennes. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.

 * :https://www.youtube.com/watch?v=2OyuMJMrCRw  

 A lire in Deux régimes de fous et autres textes (éditions de Minuit).

Le Portrait de Dorian Gray adaptation du roman d’Oscar Wilde et mise en scène de Thomas Le Douarec

Le Portrait de Dorian Gray, adaptation du roman d’Oscar Wilde et mise en scène de Thomas Le Douarec

Une cinquième version scénique par Thomas Le Douarec sept ans après sa création. Ce roman  comme Le Petit Prince aura inspiré depuis plus d’un siècle, des pièces de théâtre mais surtout des films comme en 1916, celui du grand metteur en scène russe Vsevolod Meyerhold, des chorégraphies, comédies musicales, bandes dessinées, jeu vidéo…
Dorian, jeune et beau dandy londonien fait la connaissance d’Harry, chez son ami Basil Hallward, un peintre reconnu qui vient d’achever le portrait du jeune homme, un chef-d’œuvre qu’ils contemplent… Le peintre conscient de la fascination qu’Harry pourrait exercer sur Dorian, le prie de ne pas essayer de le séduire par les théories sur la jeunesse.
Mais Harry flatte Dorian:  «Un nouvel Hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Vous pouvez en être le tangible symbole. Il n’est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. » Si c’était moi, qui toujours devais rester jeune, dit Dorian et si cette peinture pouvait vieillir !… Pour cela, pour cela je donnerais tout !… Il n’est rien dans le monde que je ne donnerais… Mon âme, même ! «

 

© L. Lot

© L. Lot

Il va tomber amoureux de Sibyl Vane, une jeune actrice et lui promet le mariage. Mais amoureuse, elle va très vite mal  incarner ses personnages. Ce que voient Basil et Harry. Dorian la quittera brutalement, la laissant effondrée. Et sur son portrait, il discerne une expression de cruauté et s’aperçoit que son souhait a peut-être été réalisé. Harry lui apprend le suicide de Sibyl mais Dorian Gray ne ressent qu’une peine superficielle… Il devient alors jaloux de son portrait et souhaite que le tableau vieillisse à sa place pour pouvoir garder lui-même sa beauté d’adolescent. Il enferme le tableau à clé et son style de vie change alors radicalement : il court les bouges de Londres mais s’entoure d’objets rares et précieux…

Le portrait s’enlaidit, à cause des signes de l’âge et du péché. De plus en plus obsédé par le tableau et inquiet, il vérifie souvent la dégradation physique  de son image avec une certaine jouissance… Il finit par révéler son secret à Harry:il lui montre le portrait et le rend responsable de ce qu’il est aujourd’hui. Fou de rage, il tuera sans état d’âme son ami avec un couteau et se débarrassera ensuite du cadavre.
Un soir, Dorian retrouve dans les bas-fonds de Londres retrouve James Vane, le frère de Sibyl qui veut le tuer mais qui hésite, trompé par son éternelle jeunesse… Dorian lui échappe et vit dans la peur… Un de ses amis tuera dans un accident de chasse ce James et Dorian alors délivré de la menace, veut devenir meilleur pour que le portrait retrouve son aspect d’innocence. Après une bonne action, il court voir la toile mais elle  a les marques du péché et du temps. Dorian y enfonce le couteau… Un homme vieux et hideux est retrouvé mort, face au tableau mais il a le visage d’un jeune garçon à la beauté sublime. On reconnaîtra en lui Dorian Gray.

« Toute création, dit Thomas Le Douarec, a sa part d’obsession ou est le fruit d’une obsession.(…) C’est maintenant la cinquième fois que j’explore l’œuvre de Wilde. (…) Je me lance à nouveau dans la quête d’en faire cette fois-ci une vraie pièce de théâtre, avec l’espoir, peut-être illusoire, d’en faire un vrai classique. Je suis persuadé que Wilde, s’il avait pu échapper à la censure et à la morale de son époque, en aurait fait sa pièce de théâtre la plus aboutie… Rares sont les romans aussi bien dialogués que celui-ci : certaines scènes sortent tout droit du livre. Et par la suite, pour écrire ses meilleures pièces de théâtre, Wilde n’a jamais cessé de piocher dans son unique roman. »

Et cela donne quoi sur un plateau de théâtre? Certes, on retrouve de nombreux dialogues du roman  mais c’est encore une fois la même chose quand ils sont portés à la scène: rares ceux qui sortent positivement de l’opération. Ici, malgré de belles images comme la mort de la jeune actrice en robe rouge et même si les acteurs font le boulot, l’ensemble reste un peu terne et cette suite de petites scènes ne « fait pas vraiment théâtre » pour reprendre l’expression d’Antoine Vitez et on ne retrouve guère le climat fantastique et le merveilleux qui ont fait le succès de cette fiction.
Bref, le spectacle qui a déjà six ans et n’est joué que deux fois par mois -ceci explique sans doute cela- ronronne un peu et ne tient pas vraiment la route sur une heure et demi. Et sans doute, est-on plus sensible à un texte théâtral d’Oscar Wilde quand il l’écrit lui-même, comme Il importe d’être constant qu’avait monté avec succès Jérôme Savary en 96, qu’à une adaptation -toujours difficile de son célèbre roman, au théâtre et on peut comprendre la méfiance des metteurs en scène.
Mieux vaut donc sans doute le relire Le Portait de Dorian Gray.  Avec ses allusions à l’apparence des choses, au mythe de la caverne et à la beauté de l’âme chez Platon, mais aussi à celui de Narcisse, cette œuvre  fascine encore ses lecteurs…depuis 1890 et a exactement le même âge que le Théâtre du Ranelagh! Mais est-ce bien une raison suffisante pour y aller?
 
Philippe du Vignal
 
Théâtre du Ranelagh,  3 rue des Vignes, Paris (XVI ème). T. :  01 42 88 64 44. 

 

 

Le Petit Prince ,d’après Antoine de Saint-Exupéry mise en scène de François Ha Van


Le Petit Prince, d’après Antoine de Saint-Exupéry, mise en scène de François Ha Van (à partir de cinq ans)

Un conte poético-philosophique écrit en 1943 à New York et publié la même année puis trois ans plus tard en France après la mort de son auteur disparu à bord de son avion militaire en  Méditerranée. Vendu en des dizaines de langues à plus de 134 millions d’exemplaires! il a été adapté en chorégraphies, comédies musicales, films, bandes dessinées…et aussi un peu au théâtre. Les thèmes: pessimisme quant à la nature humaine, importance de se confier à un autre, appréhension de la différence, bonheur d’être curieux du monde mais aussi nécessité d’apprendre à être lucide  et de se protéger. »«On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». Bref, tout plein de bons sentiments.

C’est l’histoire d’un pilote dont l’avion tombe en panne et atterrit dans le désert, comme Antoine de Saint- Exupéry en avait fait l’expérience au Sahara quelques années plus tôt avec son mécanicien. Ils y survivront par miracle, grâce à l’aide de Bédouins.
L’aviateur va essayer de réparer le moteur de l’appareil quand un petit garçon  arrive et lui raconte qu’il vit seul sur une planète lointaine. Très amoureux d’une rose capricieuse, il  est parti en voyage  découvrir d’autres planètes dont notre bonne vieille Terre où il rencontre un homme d’affaires, un roi, un géographe, un allumeur de réverbères mais aussi à la fin un renard qu’il essaye d’apprivoiser pour en faire son ami.

Sur le plateau couvert de granulés, le Petit Prince (Hoël Le Corre) est le seul personnage visible, tous les autres étant interprétés par Philippe Torreton en off. Aucun décor que de belles vidéos de ciel, terre, etc…   et dessins au trait blanc sur fond noir, qui s’animent  comme entre autres, un fabuleux serpent pour illustrer et/ou accompagner la parole du petit Prince. Le tout réalisé par Moulla, un remarquable magicien (voir Le Théâtre du Blog). Sur une musique à la guitare électrique de Guillaume Aufaure, un peu trop envahissante.
La jeune actrice se sort plutôt bien de ce rôle difficile et il y a la belle voix de Philippe Torreton. Mais cela ne suffit pas et nous avons un peu l’impression d’avoir affaire à un Petit Prince au rabais. De toute façon, c’est toujours l’éternelle question: comment faire passer l’émerveillement qu’il  y a à lire un récit accompagné d’illustrations,  sur une scène?  A l’impossible, nul n’est tenu…

Thomas 0'Brien

©Thomas 0′Brien

Et le dialogue entre cette voix off permanente et  la jeune actrice  affublée d’un micro H.F. qui uniformise sa voix, ne peut pas fonctionner, même sur une petite heure. Faire du Petit Prince un spectacle pour enfants n’était pas sans doute pas une idée géniale! Et malgré les mots dithyrambiques de la note d’intention, c’est une mise en voix uniforme et assez sèche même avec quelques images réussies comme celle à la fin avec le Renard, plutôt qu’une véritable mise en scène, ne nous a pas fait rêver.  Et François Ha Van aurait pu nous épargner à la fin cet inutile jet de fumigène  (cela fera cinq dans la semaine pour nous… une véritable épidémie!)
On peut rêver d’autre chose : le grand Philippe Torreton disant seul une courte adaptation de ce conte dans une petite salle… Mais là, nous sommes resté sur notre faim et les applaudissements du public étaient assez mous. Les enfants et il y en avait beaucoup ce dimanche matin, méritent le meilleur mais ici, le meilleur était loin d’être au rendez-vous… Dommage.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 14 avril, La Scala, 13, boulevard de Strasbourg,  Paris  (X ème). T. : 01 40 03 44 30.

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