Festival Théâtre et musique au Théâtre de l’Aquarium La Nuit sera blanche d’après La Douce de Fédor Dostoïevski,

Festival Bruit Théâtre et musique, au Théâtre de l’Aquarium

La Nuit sera blanche d’après La Douce, une nouvelle de Fédor Dostoïevski, direction artistique de Lionel González, conception de Jeanne Candel, Lionel González, Thibault Perriard

 Actrice issue du Conservatoire national, Jeanne Candel est aussi metteuse en scène. Elle a suivi un stage du metteur en scène hongrois Arpad Schilling et a été influencée, dit-elle, par le théâtre du metteur en scène polonais Krystian Lupa. A la base de ses spectacles: une sorte de collage musique, gestuelle, et texte. Depuis 2019, Jeanne Candel, Elaine Meric et Marion Bois, dirigent avec la compagnie La Vie brève, le Théâtre de l’Aquarium. On pense parfois à Tadeusz Kantor, avec la présence/absence de ce cette femme muette à jamais et une forte tendance à l’onirisme sur fond de réalité.

Ici, est mise en scène  par les trois interprètes, une adaptation d’une nouvelle de Fédor Dostoïevski (1876) que, sous le titre Une Femme douce (1969), Robert Bresson avait portée au cinéma. Une jeune femme vient de se suicider. Désemparé son mari, un prêteur sur gages raconte, ou plutôt ressasse ses souvenirs: comment il l’a rencontrée: elle était venue dans sa boutique, essayer de lui vendre un camé qui ne valait rien mais qu’il avait acheté pour l’aider financièrement car elle était dans une grande précarité. Comment il était tombé amoureux d’elle et lui avait proposé de se marier avec lui. Comment cette union sentimentale n’avait pas duré et il l’avait surprise avec une autre homme dans une chambre louée. Mais il va nous dire son amertume et sa culpabilité  de n’avoir su anticiper ce geste fatal. Le spectacle créé en 2017 avait aussi été joué au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis il y a deux ans

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Lionel Gonzalez joue avec calme ce personnage désemparé ambigu, en proie à une extrême solitude, pas loin d’un désespoir absolu. Et il parle sans arrêt pour combler en lui le vide que lui a causé la brutale disparition de cette femme qui restera une énigme, que lui ni personne, n’arrivera à résoudre.
Thibault Perriard, l’accompagne à la guitare et avec des instruments bricolés à partir d’objets de récupération,comme un petit frigo qui sert de percussion. A la fin, il traversera le plateau et ira jouer sur un piano droit.
Jeanne Candel, apparaît quelques secondes puis disparaît. Avant de revenir pour se laver les cheveux dans une grande bassine, jeter du sang sur le sol qu’elle lavera ensuite. Une allusion claire à celui de la jeune femme qui s’est jetée par la fenêtre… Devant un mur gris où sont accrochés des instruments de cuisine, elle épluche ensuite un oignon et le hache, déchire un choux vert  en feuilles qu’elle fera cuire dans une marmite sur un réchaud électrique. Le quotidien banal d’une femme russe autrefois…
Puis, elle allume de grosses bougies et les placera dans une pièce dont le mur est tendu d’un beau tissu rouge, balade sur le plateau un vieux bougeoir où brûle de l’encens, et à la fin, enveloppe dans des torchons blancs, de petites icônes

Un cérémonial qui fait penser à celui de Tadeusz Kantor repliant cérémonieusement une impeccable et grande nappe blanche à la fin de Wielopole, Wielopole, (du nom de son village natal près de Cracovie). Un spectacle créé après La Classe morte qui avait tellement comme tous ceux qui l’ont vu, impressionné Krystian Lupa, notamment dans ses Emigrants à l’Odéon (voir Le Théâtre du Blog). Jeanne Candel a sans doute imaginé un cérémonial pouvant aussi correspondre aux émotions que ressent  du héros de Fédor Dostoïevski.

Mais ces univers: textuel, musical et performatif, arrivent-ils à fonctionner ensemble? Pas vraiment et c’est un euphémisme! Malgré une scénographie intéressante de Lisa Navarro, Lionel González, toujours debout, sauf quand il va se reposer deux minutes sur un lit d’enfant, nous raconte l’histoire d’une catastrophe existentielle. Il est absolument crédible et réussit à imposer ce personnage égaré dans ce long (trop long ?) monologue de presque deux heures. Une véritable performance- diction et gestuelle impeccables-et il s’adresse au public avec une grande virtuosité.

Jeanne Candel fait, elle, dans un silence total,un travail tout proche aussi de ce qu’on appelle « performance» en arts plastiques. Avec un oignon qu’elle coupe: un geste devenu quasi-stéréotype, sans doute lancé par Marina Abramovic… Mais après tout pourquoi pas ? La marmite avec les feuilles de choux (s’en vont-elles après à la poubelle ?) évoque le chaudron de soupe d‘Oncle Vania à la campagne, mise en scène du Théâtre de l’Unité.  Cette soupe était cuite juste à la fin du spectacle, quand la nuit tombait sur le pré d’une ferme à Porentruy en Suisse. Et que les acteurs servaient ensuite au public. Ici, que nenni…
L’ensemble des gestes et petites actions ne fait pas vraiment sens, entre autres, cet inutile enrubannage de mètres de papier cuisine blanc que met sur son corps Jeanne Candel. Une belle image. Vous avez dit pas très écolo?

Quant à la musique, Thibaut Perriard improvise avec ses percussions à base de récupération mais là aussi, sans qu’on voit très bien, sauf à de rares moments, la relation avec cette adaptation du texte de Fédor Dostoïevski.
Bref, nous n’avons pas été convaincus par ce projet, finalement assez prétentieux et qui a du mal à décoller.  Et on se dit que Lionel González, seul en scène, aurait, disons en une heure et quelque, bien mieux réussi son coup. Il y a ici, une fois de plus, un mariage raté entre performance et texte littéraire adapté à la scène… Dommage!

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 27 janvier, Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite. T. : 01 43 74 99 61.

Le festival Bruit Théâtre et Musique se poursuit jusqu’au 24 mars.

 

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