Together de Dennis Kelly, traduction de Philippe Lemoine, mise en scène de Mélanie Leray
Together de Dennis Kelly, traduction de Philippe Lemoine, mise en scène de Mélanie Leray
Nous passerons sur ce titre en anglais… Pour faire exotique? L’auteur britannique est maintenant bien connu en France et y est souvent mis en scène (voir Le Théâtre du Blog). Sa nouvelle pièce a trait au confinement quand est arrivé le covid, un invité-surprise il y a déjà quatre ans avec assignation à résidence et donc ennuis à la clé pour toutes les familles nombreuses, recomposées ou pas, masque obligatoire partout, enterrement à la sauvette en présence des seuls proches, hôpitaux et morgues saturés, médecins et infirmiers eux-mêmes souvent gravement touchés, voire morts, autorisation obligatoire pour aller faire un tour, même à la campagne, etc.
Ici, un couple de la grande bourgeoisie, la quarantaine. Elle a des parents intellectuels, travaille dans une O.N.G. et est bien sûr, de gauche. Lui, né dans un milieu prolétaire, a réussi à créé une entreprise de haute technologie. Tout devrait les séparer mais ils ont bien des points communs, entre autres: ne pas faire de cadeaux et avoir une certaine envie d’en découdre, même, ou justement, entre amoureux ou plutôt ex-amoureux… Le couple vit reclus comme tout le monde mais dans sa grande maison avec jardin. Canapé en cuir noir trois places et dans le fond, une table avec provisions de bière qu’ils s’envoient régulièrement, des conserves, du papier toilette… Elle et Lui annoncent tout de suite la couleur : ils vivent ensemble depuis un certain temps et ont un enfant Alfie dont à la fin, on entendra juste la voix au téléphone portable. Mais, disent-ils, ils ne s’aiment plus et se supportent difficilement! Ils expriment ici leur mal-être, à deux, ou seuls, à tour de rôle.
Mélanie Leray a monté la pièce façon presque boulevard, et l’ensemble manque singulièrement de rythme…Les petites scènes sont souvent jouées face public (la manie de Stanislas Nordey aurait-elle déteint? ) ou parfois avec Elle dans la salle et Lui sur le plateau: un procédé usé qui a plus de soixante ans et qui sonne terriblement faux!
Le théâtre de Dennis Kelly n’est pas si facile à monter et exige humour et précision. Et on ne retrouve pas ici le ton cinglant des répliques et le sous-texte de la pièce. Malgré les belles images-vidéo de forêt filmées par Cyrille Leclercq qui, par trois fois, aèrent un peu les choses, cette mise en scène ne fonctionne pas.
Mélanie Leray n’a pas su rendre la substantifique moële de Together, sauf à de rares moments, comme le récit d’une cueillette de champignons par le couple. Champignons qui l’auraient empoisonnée, elle. Ou le souvenir de sa mère qu’elle n’a pu revoir à cause du covid et morte absolument seule dans une maison de retraite. Seul lien entre la mère mourante et sa fille, les images envoyées sur son smartphone par Jonathan, un infirmier généreux mais épuisé…
Denis Kelly pointe aussi du doigt les graves erreurs politiques du gouvernement anglais qui a très mal traité la pandémie. Cela rappelle le Macron courant jusqu’à Marseille pour rencontrer le professeur de médecine Raoult, croyant avoir trouvé un traitement miraculeux mais qui était incompétent dans ce domaine.
Emmanuelle Bercot et Thomas Blanchard, très crédibles mais mal dirigés, font ce qu’ils peuvent pour sauver ce texte (sans doute pas le meilleur de Denis Kelly!) et pour interpréter ce couple tournant en rond dans sa maison et qui aurait besoin d’air… Pour enfin se réconcilier ou se séparer définitivement. La frontière est mince: jamais avec toi, jamais sans toi… «Le risque (…) concerne l’exploration de nos failles et le soulèvement de nos inhibitions, de nos barrières morales, dit Mélanie Leray. Elle et Lui sont humains, monstrueusement humains ».
Mais on ne sent pas dans cette mise en scène toute la violence qui les anime. Sur l’air bien connu de : Je t’aime moi non plus, l’un encombre la vie de l’autre et réciproquement. Elle ne veut pas entendre (et n’entend pas) le mot: mariage que Lui propose,
Echec sur toute la ligne? Non ! Vous ne devinerez jamais la fin! De toute façon, comme vous n’irez pas voir ce spectacle, nous vous la dévoilons: bien conventionnelle… Elle et Lui vont rester ensemble mais sans se marier. Ils s’embrassent fougueusement… Fin de partie pour cette réalisation qui ne marquera pas l’histoire du théâtre en 2024. Enfin, il n’y a pas comme partout, de fumigène et micros H.F. c’est déjà cela! Mais vous pouvez sans doute faire l’économie de ce Together.
Philippe du Vignal
Spectacle vu le 21 janvier, au Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin, Paris (XVIII ème). T. : 01 46 06 49 24.
Le texte de la pièce est publié à L’Arche éditions.