Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Jean-Yves Brignon

 Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Jean-Yves Brignon

Cette pièce fait partie avec Phèdre et Bérénice du triptyque Racine de la compagnie, À visage découvert. Dans ces œuvres emblématiques de la tragédie classique, étudiées dès le secondaire. comme les autres du grand dramaturge, l’amour est vu comme une passion fatale. Et, à ce lien ravageur, s’ajoute un enjeu politique.

Jean Racine a vingt-huit ans quand Andromaque est créée le 18 novembre 1667 à l’Hôtel de Bourgogne à Paris. Une représentation privée avait eu lieu la veille dans l’appartement de la reine. La troisième tragédie de l’auteur (il en écrivit onze) est un triomphe. Cela se passe en Épire au moment où la guerre de Troie a pris fin. Les personnages sont étroitement liés, selon le principe de le chaîne amoureuse d’une pastorale romanesque.
Mais on est ici dans une tragédie, avec faux changements de situation et enchaînement inéluctable vers la mort: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque, veuve d’Hector et restée fidèle à lui. Pyrrhus la retient prisonnière avec son fils Astyanax et pour le sauver, Andromaque accepte d’épouser Pyrrhus. Hermione, folle de jalousie, convaincra Oreste de tuer Pyrrhus. Ce qui sera fait le soir même du mariage. Hermione se donnera la mort aussitôt.

Cela fait toujours plaisir de découvrir une nouvelle mise en scène d’une pièce classique. Jean-Yves Brignon a voulu l’inscrire au cœur de la jeunesse et privilégier le thème de l’amour. Dans la splendide « Salle de bois », la représentation commence par l’entrée au fond du plateau, de jeunes gens. Ils tirent avec peine une malle. Où vont-ils ?Subitment ils s’arrêtent. Que se passe-t-il ? Avec empressement ils vident le coffre de voyage, et répandent sur le sol, vers choses et les costumes. Face à cette agitation, Les spectateurs sont désorientés, mais le calme revient et le théâtre dans le théâtre prend place. La joyeuse bande devient une troupe de saltimbanques qui s’apprête à nous offrir une représentation d’

Le metteur en scène a voulu situer cette pièce hors du temps.  Les costumes de Sévil Grégory pourraient être ceux d’aujourd’hui pour une fête  ou pour des numéros de cirque. La scénographie, aussi de Sévil Grégory tend vers le symbolique avec, au fond du plateau, une toile non figurative évoquant représentant un paysage marin; au centre, une guinde posée au sol, délimite l’aire de jeu ronde, bleue ou ses variations selon le jeu subtile des lumières (est-ce le ciel, la mer, le Styx, l’orage…) de Vincent Lemoine, comme la bande-son de Robinson Senpauroca, rock ou lyrique, produisent une modernité, une intensité dramatique, une violence, en  décalage -réussi-avec la musicalité de l’alexandrin.

Jean-Yves Brignon a extrait la pièce du contexte antique, dans un cadre neutre mais imagé. Une mise en scène, pleine de fougue et peu ordinaire pour une tragédie. Le jeu sensuel et sensible de Sophie Neveu (Hermione et Céphise) comme le visage juvénile, la précision des gestes, le jeu d’Augustin Dewinter (Pyrrhus et Pylade) répondent subtilement à cette vision de la pièce. Le spectacle parfois proche d’une atmosphère romantique, ou d’une histoire à suspens, l’énergie des acteurs, certains moments ludiques touchent le jeune public venu découvrir le théâtre de Racine. Mais… ils ne sont pas tous à la hauteur du parti-pris adopté par Jean-Yves Brignon qui revoit le genre de la tragédie et ce monument du théâtre français. À trop vouloir en faire dans l’expression des passions amoureuses, il vide le texte de sa substance poétique et superbement tragique ! Dommage…

Elisabeth Naud 

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes+ navette gratuite. T. : 01 48 08 39 74.


Archive pour 25 janvier, 2024

Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Jean-Yves Brignon

 Andromaque de Jean Racine, mise en scène de Jean-Yves Brignon

Cette pièce fait partie avec Phèdre et Bérénice du triptyque Racine de la compagnie, À visage découvert. Dans ces œuvres emblématiques de la tragédie classique, étudiées dès le secondaire. comme les autres du grand dramaturge, l’amour est vu comme une passion fatale. Et, à ce lien ravageur, s’ajoute un enjeu politique.

Jean Racine a vingt-huit ans quand Andromaque est créée le 18 novembre 1667 à l’Hôtel de Bourgogne à Paris. Une représentation privée avait eu lieu la veille dans l’appartement de la reine. La troisième tragédie de l’auteur (il en écrivit onze) est un triomphe. Cela se passe en Épire au moment où la guerre de Troie a pris fin. Les personnages sont étroitement liés, selon le principe de le chaîne amoureuse d’une pastorale romanesque.
Mais on est ici dans une tragédie, avec faux changements de situation et enchaînement inéluctable vers la mort: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque, veuve d’Hector et restée fidèle à lui. Pyrrhus la retient prisonnière avec son fils Astyanax et pour le sauver, Andromaque accepte d’épouser Pyrrhus. Hermione, folle de jalousie, convaincra Oreste de tuer Pyrrhus. Ce qui sera fait le soir même du mariage. Hermione se donnera la mort aussitôt.

Cela fait toujours plaisir de découvrir une nouvelle mise en scène d’une pièce classique. Jean-Yves Brignon a voulu l’inscrire au cœur de la jeunesse et privilégier le thème de l’amour. Dans la splendide « Salle de bois », la représentation commence par l’entrée au fond du plateau, de jeunes gens. Ils tirent avec peine une malle. Où vont-ils ?Subitment ils s’arrêtent. Que se passe-t-il ? Avec empressement ils vident le coffre de voyage, et répandent sur le sol, vers choses et les costumes. Face à cette agitation, Les spectateurs sont désorientés, mais le calme revient et le théâtre dans le théâtre prend place. La joyeuse bande devient une troupe de saltimbanques qui s’apprête à nous offrir une représentation d’

Le metteur en scène a voulu situer cette pièce hors du temps.  Les costumes de Sévil Grégory pourraient être ceux d’aujourd’hui pour une fête  ou pour des numéros de cirque. La scénographie, aussi de Sévil Grégory tend vers le symbolique avec, au fond du plateau, une toile non figurative évoquant représentant un paysage marin; au centre, une guinde posée au sol, délimite l’aire de jeu ronde, bleue ou ses variations selon le jeu subtile des lumières (est-ce le ciel, la mer, le Styx, l’orage…) de Vincent Lemoine, comme la bande-son de Robinson Senpauroca, rock ou lyrique, produisent une modernité, une intensité dramatique, une violence, en  décalage -réussi-avec la musicalité de l’alexandrin.

Jean-Yves Brignon a extrait la pièce du contexte antique, dans un cadre neutre mais imagé. Une mise en scène, pleine de fougue et peu ordinaire pour une tragédie. Le jeu sensuel et sensible de Sophie Neveu (Hermione et Céphise) comme le visage juvénile, la précision des gestes, le jeu d’Augustin Dewinter (Pyrrhus et Pylade) répondent subtilement à cette vision de la pièce. Le spectacle parfois proche d’une atmosphère romantique, ou d’une histoire à suspens, l’énergie des acteurs, certains moments ludiques touchent le jeune public venu découvrir le théâtre de Racine. Mais… ils ne sont pas tous à la hauteur du parti-pris adopté par Jean-Yves Brignon qui revoit le genre de la tragédie et ce monument du théâtre français. À trop vouloir en faire dans l’expression des passions amoureuses, il vide le texte de sa substance poétique et superbement tragique ! Dommage…

Elisabeth Naud 

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes+ navette gratuite. T. : 01 48 08 39 74.

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