Looking for Jaurès de Marie Sauvaneix et Patrick Bonnel

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« Jaurès n’a cessé de clamer que le capitalisme et le nationalisme menaient structurellement, logiquement et inévitablement à la guerre. Cent ans plus tard, l’histoire bafouille. Quelles formes nouvelles vont prendre les débordements du libéralisme à outrance ?», s’est demandé Patrick Bonnel, quand il est parti à la rencontre de Jean Jaurès, pour incarner ce personnage historique?

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Formé par Marcel Bluwal au Conservatoire National, l’acteur a de la bouteille mais, en préambule, il se présente comme un artiste sur le retour qui, en rage contre le système, trouve un écho dans la parole du grand homme politique: « Après bientôt cinquante ans de carrière, deux envies s’imposent à moi, dit-il, jouer pour la première fois seul sur un plateau et parler de la marche du monde. Cela s’est soudain cristallisé sur Jean Jaurès.»

Après un début laborieux où Patrick Bonnel va chercher les rires dans le registre du café-théâtre, il installe un jeu de questions avec son double mythique. Par son truchement, le fondateur du Parti Socialiste et du quotidien L’Humanité relate son itinéraire personnel et idéologique: de l’agrégation de philo, à un destin national. Surgissent des thèmes en résonance avec notre aujourd’hui. Et l’acteur en profite pour égratigner nos derniers Présidents de la République socialistes qui ont tous renoncé à combattre le capitalisme.

 D’abord badins, les échanges se densifient. On apprend comment Jean Jaurès, né en 1859 à Castres (Tarn), benjamin de la Chambre des députés à vingt-six ans, parmi les Républicains «opportunistes», favorables à Jules Ferry, en vint cependant à dénonce les «lois scélérates du patronat contre les travailleurs et la collusion entre la presse et les politiques. » Comment il finit par prendre-tardivement-la défense du capitaine Dreyfus et ensuite fonder le Parti socialiste en 1902, puis le quotidien L’Humanité.  On entend aussi ses opinions sur l’éducation, quand en 1905, il collabora à la loi de séparation des Églises et de l’État, et arracha l’enseignement, au clergé … Il donna une définition de la laïcité qu’il est aujourd’hui bon de rappeler: « Liberté vivante qui ne se refuse aucun problème et ne s’interdit aucune hauteur » .

Cet homme fascinant au verbe haut et à l’accent du Tarn, va prendre le pas sur l’acteur et finira par le phagocyter. A la fin, Patrick Bonnel devient Jean-Patrick: costume d’époque et perruque de cheveux en brosse, il nous délivre la parole, prophétiquement douloureuse, de Jean Jaurès. Ses talents de tribun, sa clairvoyance politique et sa plume incisive nous fascinent. «Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage! » clame-t-il dans son ultime discours pour la paix, à Lyon. Cinq jours plus tard, le 31 juillet 1914, il est assassiné au café du Croissant à Paris. Ses paroles essentielles n’ont pas malheureusement pas été entendues au seuil de la grande boucherie que fut la Première Guerre mondiale.

Après ce texte sublime, Patrick Bonnel conclut son solo par Le Discours à la jeunesse (1903) : « L’humanité est maudite, si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante dont on peut toujours se flatter, qu’elle éclatera sur d’autres. (…) Le courage, c’est d’être tout, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. (…) Le courage, c’est chercher la vérité et la dire, c’est ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.»

Puissent les jeunes générations entendre ces mots. Et même si son entrée en matière ne nous a pas entièrement convaincus, Patrick Bonnel nous donne accès à l’homme qui vibre derrière la figure historique avec talent, une belle générosité et sans prétention.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 2 avril, les lundi et mardi à 21 heures. Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42.


Archive pour 27 janvier, 2024

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« Jaurès n’a cessé de clamer que le capitalisme et le nationalisme menaient structurellement, logiquement et inévitablement à la guerre. Cent ans plus tard, l’histoire bafouille. Quelles formes nouvelles vont prendre les débordements du libéralisme à outrance ?», s’est demandé Patrick Bonnel, quand il est parti à la rencontre de Jean Jaurès, pour incarner ce personnage historique?

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Formé par Marcel Bluwal au Conservatoire National, l’acteur a de la bouteille mais, en préambule, il se présente comme un artiste sur le retour qui, en rage contre le système, trouve un écho dans la parole du grand homme politique: « Après bientôt cinquante ans de carrière, deux envies s’imposent à moi, dit-il, jouer pour la première fois seul sur un plateau et parler de la marche du monde. Cela s’est soudain cristallisé sur Jean Jaurès.»

Après un début laborieux où Patrick Bonnel va chercher les rires dans le registre du café-théâtre, il installe un jeu de questions avec son double mythique. Par son truchement, le fondateur du Parti Socialiste et du quotidien L’Humanité relate son itinéraire personnel et idéologique: de l’agrégation de philo, à un destin national. Surgissent des thèmes en résonance avec notre aujourd’hui. Et l’acteur en profite pour égratigner nos derniers Présidents de la République socialistes qui ont tous renoncé à combattre le capitalisme.

 D’abord badins, les échanges se densifient. On apprend comment Jean Jaurès, né en 1859 à Castres (Tarn), benjamin de la Chambre des députés à vingt-six ans, parmi les Républicains «opportunistes», favorables à Jules Ferry, en vint cependant à dénonce les «lois scélérates du patronat contre les travailleurs et la collusion entre la presse et les politiques. » Comment il finit par prendre-tardivement-la défense du capitaine Dreyfus et ensuite fonder le Parti socialiste en 1902, puis le quotidien L’Humanité.  On entend aussi ses opinions sur l’éducation, quand en 1905, il collabora à la loi de séparation des Églises et de l’État, et arracha l’enseignement, au clergé … Il donna une définition de la laïcité qu’il est aujourd’hui bon de rappeler: « Liberté vivante qui ne se refuse aucun problème et ne s’interdit aucune hauteur » .

Cet homme fascinant au verbe haut et à l’accent du Tarn, va prendre le pas sur l’acteur et finira par le phagocyter. A la fin, Patrick Bonnel devient Jean-Patrick: costume d’époque et perruque de cheveux en brosse, il nous délivre la parole, prophétiquement douloureuse, de Jean Jaurès. Ses talents de tribun, sa clairvoyance politique et sa plume incisive nous fascinent. «Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage! » clame-t-il dans son ultime discours pour la paix, à Lyon. Cinq jours plus tard, le 31 juillet 1914, il est assassiné au café du Croissant à Paris. Ses paroles essentielles n’ont pas malheureusement pas été entendues au seuil de la grande boucherie que fut la Première Guerre mondiale.

Après ce texte sublime, Patrick Bonnel conclut son solo par Le Discours à la jeunesse (1903) : « L’humanité est maudite, si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante dont on peut toujours se flatter, qu’elle éclatera sur d’autres. (…) Le courage, c’est d’être tout, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. (…) Le courage, c’est chercher la vérité et la dire, c’est ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.»

Puissent les jeunes générations entendre ces mots. Et même si son entrée en matière ne nous a pas entièrement convaincus, Patrick Bonnel nous donne accès à l’homme qui vibre derrière la figure historique avec talent, une belle générosité et sans prétention.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 2 avril, les lundi et mardi à 21 heures. Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42.

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