La Mouette d’Anton Tchekhov, traduction de Gérard Wacjman, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajman

La Mouette d’Anton Tchekhov, traduction de Gérard Wacjman, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajman

Notre amie Christine Friedel avait rendu compte de cette création il y a juste un an ( voir Le Théâtre du Blog). C’est donc une reprise sur ce même plateau des Abbesses avec, p
riorité au texte dans une «traduction au langage plus actuel». «En vérité, dit la metteuse en scène, j’adore la traduction d’Antoine Vitez, mais elle a quarante ans et, en travaillant avec Gérard Wajcman, nous avons cherché la pus grande fluidité possible.»

 

© Gilles Le Mao

© Gilles Le Mao

La Mouette, c’est en quatre actes et selon les riches didascalies d’Anton Tchekhov, autant de lieux: d’abord le parc, au soleil couchant de la grande exploitation rurale des Sorine, avec une estrade. Puis au II ème acte, un terrain de croquet sous le soleil avec un banc. Au III ème, la grande salle à manger. Et enfin au IV ème acte, deux ans après, un salon-cabinet de travail à la nuit tombée, avec une seule lampe à abat-jour. Mais ces didascalies ne sont jamais respectées à la lettre…
Avec une dizaine de personnages, Anton Tchekhov a tissé plusieurs histoires d’amour sur fond de nostalgie, d’à quoi bon, de trop tard… et à partir de sa vie personelle… Lika Misinova, une jeune professeur au lycée, collègue de sa sœur,  du dramaturge qu’elle aima en vain, essaya de faire du théâtre et du chant, mais sans beaucoup de résultat. Elle eut comme amant l’écrivain Potapenko dont elle eut un enfant. Bref, c’est déjà l’histoire de Nina, une mouette, qui sera sacrifiée, comme celle que Treplev, son amoureux, tuera et lui apportera en cadeau. Mais bon, le grand acteur polonais Andrezj Seweryn nous avait dit que la traduction par : « mouette » en français, n’était pas bonne : le mot, employé par le grand dramaturge, désigne en fait un petit oiseau… Ce qui change évidemment le sens de la scène.

Arkadina, une actrice très connue et Trigorine, son amant, écrivain, sont venus passer quelques jours à la campagne chez le frère de celle-ci. Mais Trigorine va tomber amoureux de la jeune et belle Nina et réciproquement.  Konstantin Treplev, le fils d’Arkadina a écrit une courte pièce que va jouer Nina, son amoureuse, devant la famille. C’est le thème de l’art et du théâtre chers à Tchekhov: parmi les personnages, il y a un écrivain et un futur dramaturge, une actrice et une jeune femme qui le deviendra. Enfin, Chamraiev le régisseur du domaine, aime raconter des anecdotes sur les grands acteurs.
Brigitte Jaques a voulu que « cette question du théâtre, aussi bien pour les auteurs que pour le jeu des acteurs, se pose tout au cours de la pièce. » Dans la pièce,
il y a l’influence de Skakespeare qu’Anton Tchekhov admirait tant.  Avec du théâtre dans le théâtre: des extraits de l’œuvre de Treplev sont joués trois fois : il cherche à créer une autre dramaturgie, avec, dit-il, «des formes nouvelles» à tendance symboliste. Sa mère Arkadina, sans doute habituée à jouer un théâtre plus conventionnel, se moquera maladroitement de ce texte qu’elle n’aime pas du tout : ce qui blessera gravement son fils
Nina veut être actrice et admire beaucoup Arkadina mais qui aime-t-elle vraiment?  Cet homme plus âgé qu’elle et pas très intéressant, ou bien l’image d’un grand écrivain à succès qui la fascine, elle, la jeune provinciale rêvant d’être actrice à Moscou? Elle le le rejoindra mais payera cher ce rêve de jeunesse… Leur enfant mourra, puis Trigorine l’abandonnera pour revenir auprès d’Arkadina et elle ne jouera qu’en province.  Un tiercé gagnant!

Treplev, lui, désespéré, essaye mais en vain, de se suicider. Accablé, quand Nina revient le voir après deux ans mais lui dit ne pas vouloir vivre avec lui et s’en va, il réussira cette fois à se tuer d’un coup de revolver. Le ton est donné dès les premières répliques: «Je porte le deuil de ma vie, dit la jeune Macha, je suis malheureuse. » Elle aime Treplev sans espoir. Medvedienko, une jeune instituteur, lui, l’aime passionnément et elle se laissera épouser… Ils auront un enfant.
Sorine, le frère d’Arkadina supporte mal de vieillir. Chamraiev, l’intendant du domaine, lui, bouscule sa femme, Paulina, amoureuse de Dorn,  un médecin comme lui, Anton Tchekhov. Il reste assez cynique. Bref, et en résumé, Medviedenko aime Macha qui aime Konstantin qui aime Nina qui aime Trigorine qu’aime Arkadina qui fascine Dorn qu’aime Paulina… Une chaîne qui rappelle celle d’Andromaque, trop compliquée pour rester dans l’axe avec, en fin de partie de loto, le suicide de Treplev … Ces personnages pessimistes mais intelligents et lucides, se laissent comme étouffer par une vie à laquelle ils peinent à donner un sens. Mais tous très attachants…

Comment Brigitte Jaques-Wajeman a-t-elle monté La Mouette (une pièce de Tchekhov pour la première fois) texte simple mais pas si facile à appréhender… On entend très bien le texte et les acteurs, crédibles, ont tous une très bonne diction. Ici, et heureusement, pas de micros H.F! En fond de scène, un grand ciel peint qui évoluera. Le petit théâtre, une estrade  où joue Nina, est faite d’un carré de centaine de parallélépipèdes en bois. Dont les acteurs feront écrouler une partie…
Mais ce carré plastiquement assez beau et qui fait penser aux sculptures de Sol Lewitt avec  uns structure  géométrique simple, encombre le plateau et ne fait pas vraiment sens quand il ne sert pas. Et nous n’avons guère ressenti d’émotion, sauf dans la scène entre Arkadina jalouse de Nina et son amant. Même à la fin, le suicide de Treplev aurait pu être mieux traité.
Cette Mouette parmi la dizaine que nous avons vue, restera pour nous un spectacle honnête mais sans beaucoup de rythme, et finalement assez décevant. Est-ce dû en partie à cette reprise? Mais nous avions nettement préféré les somptueuses mises en scène des pièces de Corneille par Brigitte Jaques-Wajeman où elle semblait plus à l’aise. Enfin, reste le plaisir de retrouver le texte de cette pièce créée en 1896 à Moscou et d’une étonnante fraîcheur…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 11 février, Théâtre des Abbesses, 17 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...