Le Malade imaginaire ou le Silence de Molière, mise en scène et adaptation d’Arthur Nauzyciel

Le Malade imaginaire ou le Silence de Molière, mise en scène et adaptation d’Arthur Nauzyciel

Cette ultime tranche de la vie d’Argan-et de Molière-commence par des comptes d’apothicaire: le personnage fait métier de sa maladie et l’exerce avec savoir-faire. En bon bourgeois mais pas dupe, il veille au grain jusqu’au moment où, en père de famille à grande perruque royale, il croit régner.  Mais… il se sent seul: «Ils n’entendent point et ma sonnette ne fait pas assez de bruit.»

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Ici, Arthur Nauzyciel revient à son spectacle inaugural et insère dans la dernière comédie de Molière, Le Silence de Molière de Giovanni Macchia, une biographie où sont réunis l’artiste, l’homme et la dernière survivante d’une famille qui s’éteint.
Accompagné par Laurent Poitrenaux et Catherine Vuillez, piliers de sa troupe et de l’école qu’il dirige au Théâtre National de Bretagne à Rennes, Arthur Nauzyciel interprète Monsieur Diafoirus. Un personnage que jouait son père à la création en 1999 (lui jouant alors le fils Diafoirus. Il a confié les autres rôles, y compris les «doubles» du Malade, à ses anciens et jeunes élèves.

Renonçant d’emblée à un spectacle total, à la comédie-ballet d’origine-il n’y a plus de roi à divertir-le metteur en scène déplie littéralement la pièce, rendant visibles dans ses interstices, la vie et la mort de Molière. Il remet aussi en mémoire d’autres pièces plus anciennes.
Et, quand il évoque la maladie d’Argan, on entend la toux d’Harpagon dans L’Avare. Et l’interrogatoire serré auquel Argan soumet la petite Louison, complice supposée des amours de sa grande sœur Angélique, rappelle celui qu’Arnolphe impose à Agnès dans L’École des femmes. Avec tout ce que ces textes portent d’inquiétant, de trouble et d’incestueux. Et il y a un constat détonnant: «Il n’y a plus d’enfants. »
Le Silence de Molière, dit par Catherine Vuillez, trouve ici sa juste place, avant qu’une Esprit-Madeleine Poquelin, devenue adulte, réponde pour la petite fille qu’elle était: une façon d’endosser et refuser en même temps, l’héritage de Molière et de sa femme Armande.
Comment signifier l’incertitude de sa naissance, la calomnie et le scandale qui l’ont suivie? Comment ne pas choisir l’obscurité? C’est tout le questionnement de Giovanni Macchia qui fait parler la seule enfant survivante du couple: elle refuse de faire du théâtre et renonce à avoir des enfants.

La pièce garde pourtant ses moments de rire et de désinvolture. Ainsi, à côté d’un parler-chanter assez drôle entre le faux maître de musique et la jeune Angélique, on passe assez vite sur les affaires des amoureux, et le piège final tendu à la mauvaise épouse.
Ce Malade imaginaire est plutôt joué à la légère et personne ne s’en plaint. Mais le spectacle a aussi des moments de pure magie, sans triche ni artifice. Comment Toinette, la fidèle servante, va-t-elle se transformer en médecin «jeune vieillard de quatre-vingt-dix ans ?» En ne se transformant pas. Une seconde pour faire basculer les perceptions et c’est dit, elle est le médecin. Cela suffit, grâce à la sidération de cette minuscule seconde qui passe, entre réalité et vérité alternative .
Un autre moment fort à la fin du spectacle: Laurent Poitrenaux reprend, à la place du divertissement chanté et dansé qu’on attend, une des premières phrases d’Argan, :« Il n’y a personne. (…) Ah! Mon Dieu, ils me laisseront mourir ! »
L’acteur réunit en un cri, l’effroi de la mort et un appétit gigantesque de vivre… Nous approchons ici du sublime ce e que le public ressent et traduit par de vifs applaudissements à la fois de gratitude et de soulagement que cette chose terrible-n’y a-t-il pas quelque danger à contrefaire la mort?-se termine.

Une mise en scène « analytique » avec une scénographie sobre : des châssis translucides et blancs comme des pages à remplir, que les acteurs manipulent. Claude Chestier a imaginé de vrais costumes de théâtre, très simples, aux tons neutres. Un choix vraiment actuel et créatif. Mais leurs lignes et leur volume fermement dessinés, évoquent aussi un style fin XVII ème siècle. Bref, ce spectacle fait passer, avec Le Malade Imaginaire ou le Silence de Molière mais non sans troubler le public, la pièce originale du célèbre dramaturge, du côté de ses grandes œuvres.

Christine Friedel

Jusqu’au 9 février, Théâtre des Amandiers-Centre Dramatique National, 1 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine)

Le 21 février, Maison de la Culture de Bourges (Cher).

Les 13 et 14 mars.Comédie de Caen-Centre Dramatique National (Calvados).

Du 3 au 5 avril, Points Communs,-Scène Nationale de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise).

Les 11 et 12 avril, Le Bateau-Feu, Scène Nationale de Dunkerque (Nord).


Archive pour 4 février, 2024

L’Aquoiboniste, texte et mise en scène de Jean-Benoît Patricot

L’Aquoiboniste, texte et mise en scène de Jean-Benoît Patricot 

© Cédric Gasnier

© Cédric Gasnier

A quoi bon vivre quand l’être cher a disparu ? Comment sortir de la léthargie causée par cette perte? Un solo écrit sur mesure pour Bertrand Skol: ce comédien belge avait eu envie d’adapter au théâtre La Mort d’Olivier Bécaille, une nouvelle d’Émile Zola, dont le personnage principal se réveille un matin et entend sa jeune épouse vaquer autour de lui… et qui soudain,  le croit mort. Une voisine et le médecin aussi. Enterré vivant, il continue à percevoir les voix et l’agitation de l’extérieur. Jean-Benoît Patricot a tiré de ce texte, une fable où il a fait de cet homme, un mort vivant, une âme errante en quête de l’être aimée…

Sur son lit placé à la verticale, parfaitement immobile il semble dormir puis, comme s’il pensait tout haut, il nous fait part de ses envies de promenade en ce dimanche ensoleillé. Il entend sa femme, Anaïs, préparer le petit déjeuner. Puis, des coulisses, nous parviennent sa voix fantomatique avec cris et sanglots: elle le croit mort… Comme la voisine et le médecin. Sans transition, on retrouve Olivier sur une table d’autopsie, puis errant comme une âme en peine dans les rues, allant de son bureau au restaurant, à la recherche d’Anaïs… Sa quête l’entraîne sur les lieux de son enfance, à Guérande où il a rencontré l’aimée. Tel un fantôme, il affronte à nouveau la mort en mer… On comprend qu’il a traversé un long deuil…

 Nous découvrons la soi-disant mort d’Olivier, puis le chemin qu’il a fait pour continuer à vivre. Il ne faut pas chercher ici une vraisemblance, et on se laisse porter par le jeu nuancé de Bertrand Skol. L’auteur et metteur en scène crée ici un personnage lunaire, comme frappé par une déflagration émotionnelle. Malgré le peu de cohérence du texte et quelques flottements au début, l’acteur réussit à nous emmener dans son cauchemar, de l’ombre, à la lumière. Il a reçu en Belgique le Cyrano 2022 du meilleur comédien dans un premier rôle pour cette interprétation.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 24 mars, Théâtre Libre/la Scène libre, 4 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T : 01 42 38 97 14.

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