Les Consolantes, texte et mise en scène de Pauline Susini

Les Consolantes, texte et mise en scène de Pauline Susini

Rappel des faits: les attentats à Paris le 13 novembre 2015 au Bataclan, dans les cafés voisins et au stade de France avaient été revendiqués par l’organisation terroriste État islamique (Daech) avec fusillades et attaques-suicides de trois commandos. Bilan officiel: 130 morts, 413 blessés! Les attentats les plus meurtriers jamais commis  en France…  Suivit le procès de leurs auteurs de 21 à 22  à Paris devant une Cour d’assises spécialement composée. Emmanuel Carrère en avait rendu compte de façon exemplaire  pour Libération. Etaient alors jugés quatorze terroristes dont le seul survivant du commando, Salah Abdeslam. Après dix mois d’audience, verdict: vingt peines de deux ans de prison ferme, et à perpétuité incompressible pour Salah Abdeslam et les cinq terroristes absents à l’audience et  sans doute morts.

Pauline Susini a travaillé avec l’Institut d’Histoire du temps présent au C.N.R.S. qui a collecté les paroles de rescapés et proches des victimes, des témoins directs qui ont vécu de longues heures traumatisantes et ceux qui les ont aidés la nuit, alors que les services d’urgence étaient débordés: « Le corpus documentaire à partir duquel j’ai travaillé se compose d’entretiens intimes. Ce ne sont pas des sources comme les autres : elles relatent une expérience traumatique individuelle ancrée dans la mémoire collective (…).
Et le travail de l’autrice et metteuse en scène a, aussi et surtout, porté sur le récit de ceux qui ont réussi tant bien que mal, à se reconstruire d’abord corporellement et à avoir une vie presque normale quand des proches avaient été tués sous leurs yeux. Après avoir dû aussi entamer les nombreuses procédures pour obtenir une indemnisation.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Pauline Susini a ainsi tissé avec Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin qui jouent tous de nombreux personnages, un ensemble de fragments de théâtre quasi-documentaire mais qui ne l’est pas vraiment, avec  références à la tragédie grecque: comme ce titre qui peut faire penser à celui des Suppliantes ou des Euménides. Ce travail de mémoire, par le biais de dialogues théâtraux n’est pas sans intérêt. Le théâtre occidental a souvent été , et cela depuis ses débuts en Grèce au V ème siècle avant J.C. ,le lieu fondateur d’une mémoire collective avec, entre autres, Les Perses d’Eschyle, sur la résistance et la victoire d’un petit pays face à un envahisseur aux immenses troupes surarmées, ou Les Euménides du même grand dramaturge qui installe une justice démocratique dans la cité grecque, les tragédies historiques de Shakespeare. Mais il y en a eu curieusement peu en France sur l’histoire de la Révolution de 1789 (sauf les récents et fabuleux 1789 et 1793 du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine). Et Georg Büchner en Allemagne avec son sa formidable Mort de Danton.  Laquelle Révolution française a pourtant ensuite inspiré des dizaines de films…

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Et ici, cela fonctionne? Oui, au début, malgré une distribution inégale (la diction est souvent approximative). Grâce d’abord à une intelligente scénographie signée Camille Duchemin qui a installé de grandes bâches blanches comme mur de fond et sur le sol, juste une table, elle aussi emballée de blanc… Donc un lieu neutre, rappelant un immeuble en construction, un hôpital, voire un palais de justice provisoire que l’on installe quand il faut accueillir exceptionnellement des centaines de gens.

«  J’y mêle, dit Pauline Susini,  le langage courant au langage tragique en essayant toujours de les confondre sans que l’un prenne le pas sur l’autre. Cet entremêlement me permet de développer une langue concrète et poétique à la fois. » C’est bien joli de s’envoyer des fleurs avec une certaine prétention mais manque sans doute ici, une fois de plus, une véritable dramaturgie et un fil narratif des événements: cela aurait au moins permis à cette fiction d’être mieux construite, et plus cohérente.
Par ailleurs, la direction d’acteurs gagnerait à être plus précise et Pauline Susini aurait pu nous épargner les jets de fumigène habituels, absolument injustifiés: (nous devons en être au quinzième en 2024! et le concours du plus gros fumigène n’est pas fini) et ces ronflements de basses  que nous retrouvons d’un spectacle à l’autre…
Malgré de belles images comme ces fonds lumineux colorés ou à la fin, une pluie de paillettes dans un silence absolu (très dangereuses côté pollution, ces paillettes!) et les éclairages subtils de César Godefroy, le spectacle est décevant et après la première partie, assez vite ennuyeux.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 9 février, au Théâtre 13-Seine, 30 rue du Chevaleret, Paris ( XIII ème).
Attention : la ligne 6 est utilisable à l’aller seulement: métro Chevaleret + dix minutes à pied. Et la ligne 14 est totalement fermée.

 


3 commentaires

  1. Merci Anne de vortre commen

    Merci Anne de votre message et du joli lapsus; le Théâtre des Bouffes Parisiens n’a pas l’habitude de nous inviter mais je vais quand même essayer d’y aller et d’en rendre compte.

    Donc à bientôt

    Philippe du Vignal

  2. Anne dit :

    *METTEUSE en scène.

  3. Anne dit :

    Un Tramway nommé désir aux Bouffes-Parisiens par la même menteuse en scène use aussi, abondamment et inutilement, des fumigènes. Il n’empêche que j’ai trouvé sa mise en scène très belle, et que j’attends votre critique avec impatience.

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