Cendrillon de Rébecca Stella et Danielle Barthélémy, mise en scène de Rébecca Stella

Cendrillon de Rébecca Stella et Danielle Barthélémy, mise en scène de Rébecca Stella

Un très ancien conte et l’ un des plus célèbres en Occident. Giambattista Basile avait recueilli les histoires de tradition orale dans la péninsule et dans son recueil, Le Conte des contes ou Le Divertissement des petits enfants (1634,  figure La gatta Cenerentola ( La Chatte cendreuse).. On connait aussi les versions de Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre de Charles Perrault qu’il écrivit à partir de contes médiévaux, et celle enfin des frères Grimm dans Aschenputtel. Mais déjà aussi dans l’Antiquité, Claude Elien au III ème siècle après J.C., avait retranscrit l’histoire de Rhodope, une jeune Grecque embarquée en Égypte comme esclave. Et qu’épousera le pharaon  Psammétique, stupéfait  par la délicatesse de la chaussure. Ou celle de Yexian,  tirée d’un ouvrage chinois : Youyang zazu. Mais aussi dans plusieurs des Mille et Une Nuits. Il y a aussi l’histoire de Chūjō-hime, parfois dite Cendrillon japonaise. Et en Nouvelle Angleterre, aux Etats-Unis, La Légende d’Oochigeas…

Et il a eu des centaines d’adaptations pour l’opéra et l’opéra-comique: entre autres, la Cendrillon de Jules Massenet (1899,) la comédie musicale Cindy de Luc Plamondon, des ballets (Rudolf Noureev) et plus récemment, Thierry Malandain (2013). Et une trentaine de films, dont celui de Méliès en 1899! Mais curieusement peu au théâtre, sinon une pièce de Joël Pommerat (2011) où cet auteur et metteur en scène commence l’histoire par la mort de la mère de Cendrillon et où il parle du besoin pour Sandra, la jeune  fille, de faire son deuil pour être apaisée et continuer ainsi à vivre sa vie. (voir Le Théâtre du Blog).

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©x Cendrillon et son père

Rébecca Stella et Danielle Barthélémy ont imaginé une version traditionnelle de ce conte mais façon manga dont on verra quelque images, donc au Japon. Dans une chaumière, un pauvre cordonnier vit seul avec sa fille mais tombe amoureux d’une veuve qui l’emmène loin de chez lui. Et-déjà le mythe de la famille recomposée-Cendrillon doit vivre avec ses deux méchantes filles qui la persécutent. Au château, un bal est organisé où un jeune prince choisira sa femme. Ces filles se moquent de Cendrillon quand elle dit qu’elle veut y aller mais sa mère, réincarnée, va l’aider et elle ira au château. Elle danse avec un bel inconnu mais minuit sonne! Elle doit rentrer mais en chemin, elle perdra un escarpin. Le danseur inconnu qui était en fait le Prince va faire rechercher la jeune fille à qui peut aller cet escarpin.  Bien sûr, il n’ira pas aux deux méchantes filles mais à la seule Cendrillon. Elle et le Prince se retrouveront et s’aimeront passionnément, etc.  Après tout, pourquoi pas ? Et le dialogue ici en vaut un autre…

Mais sur le plateau, cela donne quoi? Il y a, en fond de scène, de belles images vidéo (conception-réalisation : Antony Surleraux): temples japonais sous la neige, maison du pauvre cordonnier, grande salle du palais royal…. Et de nombreux châssis (pas très réussis) dont celui d’une cheminée avec un faux feu que les acteurs ne cessent de faire apparaître ou disparaître selon les scènes… Cela tient d’une entreprise de déménagement. Et comme ils jouent plusieurs rôles, ils changent aussi sans arrêt mais avec une grande habileté, de costume.  Assez drôles, ils ont été bien conçus et réalisés par Alice Touvet et Sonia Bosc. Toute cette agitation parasite l’histoire et cette mise en scène n’est pas du bois dont on fait les flûtes: les acteurs jouent en force, criaillent souvent et comme Yohan Leriche a été longtemps jongleur, il jongle parfois avec des boules lumineuses ou pas. Et comme Amélie Saimpont a autrefois appris les claquettes, nous avons aussi droit à quelques instants de claquettes… Elémentaire, ma chère Cendrillon! «Cette esthétique avec son univers manga, disent les autrices, saura parler aux enfants d’aujourd’hui.»
Mais  de quel âge? Ceux qui étaient près de nous avaient quatre, cinq ans et ne semblaient pas vraiment passionnés. « Mêlant le burlesque et réalisme, humour et poésie, chant, jonglage, danse, cette création, dit la metteuse en scène, veut s’adresser avec élégance, intelligence et humour aux enfants, sans délaisser les parents grâce à une double lecture qui guide chacun de mes spectacles.»

On peut toujours se lancer de petites fleurs dans une note d’intention ! Mais malgré nos lunettes à double lecture, nous n’avons rien ressenti devant cette nouvelle Cendrillon. Enfin, il n’y a ici ni micros H.F., ni fumigènes: c’est toujours cela de pris un dimanche matin! Mais vous pouvez épargner à vos enfants cette bien mauvaise-et finalement assez prétentieuse-mise en scène de Cendrillon. Ils méritent mieux que cela, et vous aussi.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 24 mars, Théâtre du Lucernaire, 43 rue Notre-Dame des Champs, Paris (VI ème). T. : 01 45 44 57 34.


Archive pour 12 février, 2024

Tous mes rêves partent de la gare d’Austerlitz de Mohammed Kacimi, mise en scène de Christophe Daci

Tous mes rêves partent de la gare d’Austerlitz de Mohammed Kacimi, mise en scène de Christophe Daci

C’est un pièce attachante de ce dramaturge qui avait été montée avec succès il y a cinq ans par Marjorie Nakache à la Chapelle du Verbe incarnée au festival d’Avignon (voir Le Théâtre du Blog). Dans une maison d’arrêt, cinq femmes se retrouvent tous les jours à la bibliothèque dirigée par Barbara. Comme elle, Rosa, Marylou, Zélie et Lily sont là, le plus souvent à la suite d’un conflit avec leur homme qui a très mal tourné, quand elles ont voulu se défendre… Et la dernière arrivée, avait emmené sa fille avec elle…

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Elles découvrent que seule, la solidarité leur permet de rêver encore un peu au vert paradis de leur amour disparu. Mais Barbara leur a fait vite la leçon: maris, amants, ou compagnons ont tous une voiture qui tombent en panne quand ils doivent leur rendre visite…. Quant aux bébés, vous entendez leurs cris dans cette maison d’arrêt mais pas plus de neuf mois avec vous, leurs mères… Dura lex, sed lex. Et cela, Mohamed Kacimi connait: «Depuis quelques années, j’anime durant les fêtes en fin d’année, un atelier d’écriture à la maison d’arrêt des femmes à Fleury-Mérogis ( Essonne). J’ai vu comment la prison réagit sur les hommes. Elle les broie, les écrase et en fait des monstres.
Elle éteint les femmes. Elle nie leur féminité, leur corps, et même leur maternité. Ainsi rayées de la carte, elles se dessinent d’autres visages, d’autres parcours, d’autres vies pour pouvoir exister encore. Elles cherchent à échapper à leur condition carcérale par tous les moyens: le rêve, le délire, le rire, la folie ou, parfois, la mort.”

Enfin, il y a dans cette taule, malgré les bruits insupportables et les inévitables disputes, une solidarité réelle. Un soir de Noël, elles sont libres, enfin un peu… Elles ont pu quitter leur cellule et c’est une occasion d’une petite  fête à la bibliothèque où certaines se font même une ligne. Sur la table en tôle, elles boivent  aussi un coup de “vin”… du jus de pomme qu’elles ont fait fermenter…Et elles préparent des cadeaux pour leurs enfants.
Mais arrive Frida que l’on a arrêtée pour avoir enlevé sa fille. Au moment où elle achetait dans une librairie On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset. En état de choc, elle veut mourir. Aussitôt Barbara et les autres la prennent en charge et proposent de monter avec elle un peu de cette célèbre pièce. Un exorcisme comme un autre.- Le théâtre dans les conditions les plus simples, peut être alors un moyen d’échapper quelques heures à leur incarcération. Mais la pièce de Mohamed Kacimi sur la fin, a tendance à patiner.

Côté mise en scène, cela commence mal avec, dans la pénombre, un jet de fumigène envahissant le plateau mais aussi la salle! Classé deuxième après Rohtko sur quinze spectacles, au concours des fumigènes depuis janvier 2024! Mais bon, cela s’arrange vite et les actrices sont toutes crédibles dès qu’elles entrent dans cette bibliothèque. Justine Dalmat (Lili), Isabelle San Augustin (Marilou), Liliane Meynaud (Barbara), Catherine Juliéron (Zélie), Léna Soulié (Rosa) et Tatiana Shunk (Frida), toutes impeccables, sont sobrement dirigés par Christophe Daci.
Il lui faudrait diminuer le volume de certaines criailleries et revoir la fin, moins solidement tenue et où on entend mal la fameuse tirade de cette pièce romantique si chère-presque deux siècles après son écriture- aux élèves des écoles de théâtre qui s’identifient vites aux personnages: « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.  »
A ces réserves près, c’est une mise en scène très soignée d’une bonne pièce du répertoire contemporain avec uniquement des personnages féminins, ce qui est rarissime: les pièces comptant toujours ou presque plus de rôles masculins. Mi-Tout devrait être enfin content…


Philippe du Vignal

Jusqu’au 16 mars, le samedi seulement, Théâtre Maurice Clavel, 3 rue Clavel, Paris ( XIX ème).

 

 

 

Festival Odyssées en Yvelines (suite) Cette note qui commence au fond de ma gorge, texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

Festival Odyssées en Yvelines (suite)

Cette note qui commence au fond de ma gorge, texte et mise en scène de Fabrice Melquiot

Un couple s’affronte: en jeu, leur histoire d’amour. Sur ce ring, avec autour le public, qui l’emportera, Bahia ou Aref? La jeune femme lutte comme une diablesse pour retenir le musicien afghan qu’elle aime. Mais Aref ne l’aime plus et lui dit avec le peu de mots qu’il maîtrise en français. Il veut partir rejoindre ses compatriotes musiciens exilés aux quatre coins de l’Europe mais Bahia lui dit : non, nous n’avons pas fini de nous aimer…

 

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Fabrice Melquiot a écrit une joute verbale et musicale dans une langue drue, en alexandrins et décasyllabes: «Je ne voulais pas que les personnages s’expriment comme on parle,, dit-il, je cherchais une langue avec son lexique, comme la boxe a le sien, une langue technique, comme la boxe peut l’être, une langue métrée et qui sonne, comme l’éventail des coups et esquives: uppercut, crochet, side step, clinch, balayage, direct, jab, cross, hook, etc. »

Les mots sonnent fort et juste dans cette pièce écrite sur mesure pour le musicien hazara, originaire d’Afghanistan, Esmatullah Ali Zada, et la jeune actrice Angèle Garnier, tout juste sortie du Conservatoire national de P.aris. Elle attaque, le verbe haut et lui esquive, en lui opposant ses regards, son chant calme en parsi et les notes vibrantes du dambura (luth traditionnel), de l’harmonium et des tablas. La parole et la force de conviction n’ont pas prise sur le silence obstiné d’Aref. Bahia lui donne son amour mais il n’est pas prêt à le vivre, il a trop perdu et doit se retrouver. Elle enrage, attaque, supplie, et de guerre lasse, lui laisse le choix: partir, rester, ou toute autre alternative.

Le niveau de langue offre une dignité aux personnages, l’inventivité lexicale et la métrique implacable apportent un coup de jeune à la langue française. Chez la jeune actrice, rien d’empesé dans sa diction musclée, la métrique des vers lui semble naturelle. La tension du texte et la vibration de la musique embrasent cette tragédie intime. Le politique, l’inégalité sociale se glisse insidieusement entre les mots: il y a ici un fossé culturel entre les amants.

Personne ne sortira vainqueur de cette lutte à coups de vers et chants: l’exil et la perte de l’amour sont sans remède.

Écrivain et metteur en scène, Fabrice Melquiot a publié soixante pièces, des romans graphiques et recueils de poésie. Une fois encore, il place haut la barre et nous offre ici un spectacle en forme de consolation : «J’ai écrit l’histoire de ces cœurs déchiquetés, que seules des mains enfantines peuvent rafistoler.»

Jeunes et adultes ont été saisis par ce corps-à-corps verbal.

Mireille Davidovici

Odyssées en Yvelines, du 23 janvier au 23 mars, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, place Jacques Brel, Sartrouville. T. : 01 30 86 77 79

 

 

 

 

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