Mr Slapstick, chorégraphie de Jean Gaudin et Pedro Pauwels
Mr Slapstick, chorégraphie de Jean Gaudin et Pedro Pauwels
Sous ce titre, se cache une référence à Buster Keaton, l’homme qui ne rit jamais. Le comique dit slapstick :en anglais« bâton claqueur »), emprunte son nom à la cliquette ou tavelle qui sonorise les violents mais faux coups de Guignol, Arlequin et personnages de pantomime. Au cinéma, un genre caractérisé par des chutes, courses-poursuites, bagarres…
Pedro Pauwels garde le masque impassible de son modèle mais s’en éloigne vite pour dessiner un personnage qu’il projette, vêtu de noir, sur la plage blanche de la scène, dans un jeu d’ombres et lumières changeantes. Il conserve, du burlesque, quelques courses rapides au début avabt de disparaître… Les portes claquent sous les effets lumineux tremblotants d’un projecteur. Mais ici, ni pantomime, acrobaties ou cascades. Pedro Pauwels fait dans la lenteur et la finesse, soulignées par Variété, une partition laconique de Mauricio Kagel (1977), sans rapport avec celle qui accompagne le cinéma muet.
Le solo organisé autour d’une chaise vide posée à l’avant-scène dos aux spectateurs. Cette présence aimante et repousse le danseur et crée un point de tension conditionnant ses déplacements. Lira-t-on dans cette chaise, la métaphore du public, du chorégraphe, d’un réalisateur qui regarde l’autre danser, ou d’un pouvoir invisible? Comme intimidé par cet objet, Pedro Pauwels s’en approche prudemment, le contourne, s’en éloigne pour ensuite l’affronter et l’insulter face public.
En contrepied du burlesque, tout en citant leurs sources, Jean Gaudin et Pedro Pauwels n’ont pas choisi le rire mais l’humour froid. Il évoquent Buster Keaton de manière biaisée et se souviennent du clown triste qu’on a pu voir dans ses dernières apparitions au cinéma, comme Les Feux de la rampe de Charlie Chaplin (1952) où ces deux stars du muet incarnent des comiques vieillissants.
Une bonne partie du spectacle se passe au sol. Souvent de dos, assis par terre, Pedro Pauwels va tâtonnant, se déplace par reptations animales, ou roule de tout son long sur lui-même. Parfois, il se lance dans un galop ludique, nous surprenant avec cette rupture de rythme. De pauses en accélérations, la chorégraphie joue avec le tempo.
Pedro Pauwels nous attire dans un univers singulier qu’on retrouve dans les nombreuses pièces qu’il a signées et interprétées dont Cygn etc, Spectres, Etal. Ce créateur atypique n’hésite pas à collaborer avec des artistes de théâtre, hip-hop, musique improvisée ou techno, cinéma… et à lancer des projets collectifs. Implanté avec sa compagnie de 2009 à 2018 à Limoges, l’artiste est aujourd’hui installé à Montauban. En 2004, atteint d’une méningite foudroyante il a été plongé dans un coma artificiel et amputé de doigts aux mains et aux pieds. Une rééducation lui fera redécouvrir son corps et l’apprivoiser pour continuer à danser. Il livrera cette expérience dans son ouvrage J’ai fait le beau au bois dormant, édité par le Centre national de la danse.
Mireille Davidovici
Spectacle dans la cadre de Faits d’Hiver, vu le 7 février à Micadanses, 20 rue Geoffroy l’Asnier, Paris (IV ème).