KILLT Les Règles du jeu de Yann Verburgh mise en scène d’Olivier Letellier
KILLT : Les Règles du jeu de Yann Verburgh, mise en scène d’Olivier Letellier
Les Tréteaux de France-Centre Dramatique National itinérant avec maintenant, Olivier Letellier aux manettes, se tourne vers les dramaturgies contemporaines pour les jeunes. Outre des productions au sein de sa compagnie Le Théâtre du Phare – nous avons vu récemment Le Théorème du Pissenlit - , le metteur en scène invite les enfants à lire du théâtre à voix haute avec KiLLT ( Ki Lira Le Texte?) .
Aujourd’hui, une sixième du collège Paul Verlaine Paris (Xll ème) va, en demi-groupes, découvrir une pièce dans la salle des Oeillets au sous-sol du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt. Un acteur explique aux élèves le mode d’emploi : ils partageront le texte imprimé en noir pour eux et en gris, pour lui. Ils n’ont plus qu’à se lancer sous sa houlette, dans un parcours ludique à travers les mots.
C’est un dialogue entre des enfants qui se rencontrent dans une ville en ruines, au Pays-des-Guerres. Oldo, un garçon cherche son père disparu et Nama, une petite fille s’apprête à rejoindre ses parents émigrés dans un des Etats-de-Paix qui ont financé la guerre… avant d’abandonner son pays…. Les enfants se racontent leurs chagrins, leurs rêves et jouent à reconstruire leur ville et leur école mais ils seront bientôt séparés.
Yann Verburgh a interrogé des jeunes venus de ces Pays-de-Guerre et transpose le contexte géopolitique actuel pour des enfants. Les élèves découvrent le texte mis en espace par le graphiste Malte Martin sur différents supports: les premières séquences s’exposent sur des panneaux muraux, et certaines scènes sont tirées de boîtes ou d’un sac à dos, se cachent dans des boules de papier, ou s’inscrivent sur des tabliers ou maillots de corps caractérisant les autres personnages.
D’abord hésitant et timide, le groupe, petit à petit, s’implique dans la lecture, en jouant tantôt Oldo, tantôt Nama. Oubliant son inhibition, chacun prend plaisir à offrir sa voix à ces êtres de fiction.
L’expérience se poursuit par un échange où l’acteur revient sur les thèmes de la pièce. Les élèves font peu de commentaires sur le contexte géopolitique mais pointent des clichés de genre (sic) ou de personnages stéréotypés : Nama est celle qui pleure et qui a peur, Oldo, celui qui devient soldat…Une fille demande si Oldo et Nama vont se marier! Certains posent des questions sur le dispositif scénique et les personnes qui travaillent sur un spectacle… Puis l’acteur les interroge sur le titre: « Les règles, cela empêche ou cela permet ? » Réponses mitigées.
Les enfants repartent avec le livre de Yann Verburgh. Quelles traces leur laisseront cette lecture collective et cette histoire ? «J’ai pu voir mes élèves avec un autre angle, dit une enseignante. Je ne me rendais pas compte de l’enjeu scénique qu’il y avait derrière une simple lecture. (…) Cela m’a rassurée et m’a donné l’espoir de les entendre donner leur avis, sans répéter un discours entendu dans les médias.»
Deux interprètes prennent chacun en charge un demi-groupe : pendant que l’un se prépare à la lecture dans une salle du Théâtre, l’autre s’y lance. Et quand leurs camarades discutent de la pièce, les autres vont la lire. Il y a plusieurs équipes d’acteurs en alternance : Antoine Boucher, Angèle Canu, Nathan Chouchana, Jérôme Fauvel, Axelle Lerouge, Aurélie Ruby et Jonathan Salmon.
Après La Mare à sorcières de Simon Grangeat et Les Règles du jeu actuellement en tournée, Les Tréteaux de France vont poursuivre KiLLT avec un nouvelle pièce. «Le rapport physique au texte est une donnée essentielle de notre recherche artistique, dit Olivier Letellier. Trop souvent considéré comme solitaire et silencieux, statique et intellectuel, il devient une activité collective et ludique, avec le corps en mouvement.»
Mireille Davidovici
Réalisation vue le 19 janvier au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier). T. : 01 42 74 22 77.