La Beauté du geste, un documentaire de Xavier de Lauzanne

La Beauté du geste, un documentaire de Xavier de Lauzanne

Ce film sur le Ballet royal du Cambodge a été réalisé à la demande de la princesse Norodom Buppha Devi, fille aînée du roi Sihanouk, et demi-sœur de Sihamoni, actuel roi de ce pays. Le cinéaste, avec son scénariste Pierre Kogan, croise l’histoire de la troupe ancestrale avec celle, plus récente, du petit royaume. Des images d’archives rappellent les guerres incessantes dans l’ancien protectorat français depuis son indépendance en 1953. Bombardements américains de 1965 à 1973, puis gouvernement des Khmers rouges avec deux millions de morts et installation par le Viet nam, de la République populaire du Kampuchéa (1978-1989) présidé par Norodom Sihanouk. En 1979, les Khmers rouges sont renversés dans une guerre contre le Viet nam qui instaure un gouvernement pro-vietnamien. Une  guérilla contre l’occupation vietnamienne surgit au cours des années 1980. Àprès les accords de paix en 1991, le pays tombe sous la tutelle de l’Organisation des Nations unies jusqu’à 1993 où est rétablie une monarchie constitutionnelle.
Le pays est alors renommé Royaume du Cambodge et il y a eu un renouveau du Ballet royal, aujourd’hui sorti du Palais, considéré comme un héritage culturel national.Contre vents et marées, ce théâtre héritier des rituels khmers, chanté et dansé, a traversé les siècles. En témoignent, dans les temples d’Angkor, les statues d’Apsaras, ces nymphes, célestes créatures du dieu hindou Brahma et célébrées dans Le Rig Véda et Le Mahabharata.

 

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Des trois cents artistes du Ballet royal avant la guerre civile et le régime des Khmers rouges, trente ont survécu: interprètes, costumiers et musiciens et onze ballerines. Rescapés des massacres, ils montrent ici, gestes à l’appui, les secrets de ces chorégraphies, inspirées de la Nature. Les danseuses Voan Savay et Sophiline Cheam Shapiro, mémoires vivantes qui perpétuent cet art, en font une émouvante démonstration: le corps est un arbre entre ciel et terre et selon la position des doigts, les mains racontent les cycles des plantes: de la graine, à la feuille, et de la fleur, au fruit…. Le répertoire classique, nous explique-t-on, immortalise les légendes fondatrices du peuple khmer. Il y a quatre types de personnages avec costume et masque spécifique: la femme (Neang), l’homme (Neayrong), le géant (Yeak) et le singe (Sva). Tous interprétés par des femmes, sauf les singes depuis les années cinquante. La gestuelle très codifiée traduit une gamme d’actions et d’émotions..

 Xavier de Lauzanne a aussi filmé la tournée en France et en Suisse, de Métamorphosis, la dernière création de la princesse Norodom Buppha Devi (ex-danseuse étoile et chorégraphe du Ballet), à partir des dessins d’Auguste Rodin. On voit ces magnifiques esquisses réalisées en 1906 quand la troupe était venue danser à l’Exposition coloniale de Marseille. Le sculpteur, émerveillé par les ballerines, passa des journées entières à les regarder danser et croqua leurs gestes: «Elles m’ont appris, dit-il, des mouvements que je n’avais jamais encore rencontrés dans la statuaire, ni dans la nature. »
Avec la même curiosité, le public se laisse séduire par cette danse complexe et insolite. Elle a survécu au chaos grâce à l’engagement et à la persévérance des artistes. En archéologue, Xavier de Lauzanne la décrypte pour nous, avec une bande-son originale de Camille Rocailleux, écrite à partir des musiques et chants traditionnels khmers qu’elle a recueillies. A la fin de cette soirée deux jeunes danseuses en costumes dorés et chapeaux coniques d’Apsaras, inspirés par ceux des bas-reliefs d’Angkor Vat.

Mireille Davidovici

Film vu le 10 février au Musée Guimet, 6 place d’Iéna, Paris ( XVI ème) T. : 01 56 52 54 33.

Le 11 mars, présentation à l’UNESCO, Paris (VII ème) .

Le 13 mars, sortie nationale en France, précédée d’une tournée avec projection du film et performance de deux danseuses cambodgiennes.


Archive pour 20 février, 2024

Le Molière imaginaire, un film d’Olivier Py

Le Molière imaginaire, un film d’Olivier Py

 

Au théâtre, tout est possible, au cinéma aussi, pourvu que cela marche et que nous y croyons. Surtout si le réalisateur revendique l’imaginaire: confier à un homme d’une santé éclatante, le rôle d’un mourant. Laurent Lafitte joue sincèrement la mort de Molière, même si cette mort jouée ressemble plus à celle d’un motard chutant en pleine accélération, qu’à celle, tout aussi violente, d’un homme atteint d’une maladie pulmonaire et vomissant le sang : « Le poumon ! Le poumon, vous dis-je ! » Il meurt à la force de l’âge, entouré d’une jeunesse tendre et attentive: une Armande un peu pâle (sa bientôt veuve) et un Baron plus présent, favori  de Molière.

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Le scénario de ses dernières amours, imaginé par Olivier Py et Bertrand de Roffignac (qui joue le rôle de Baron) s’appuie sans nuances sur un pamphlet anonyme La Fameuse comédienne ou l’histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Molière (1688). Lequel attribue surtout à Armande, remariée et toujours actrice, et par contagion à son défunt mari, tous les péchés de Sodome et Gomorrhe. Sans oublier une accusation d’inceste: dans Le Malade imaginaire (entre autres), elle aurait joué le rôle de la fille d’Argan, et donc de son mari.
Quant à Baron, l’enfant de la balle, un orphelin recueilli par Molière, il serait sa dernière passion, évidemment malheureuse. «Il tenait Baron chez lui comme un enfant .(…), il le gardait à vue dans l’espérance d’en être le seul possesseur. Il était écrit dans le ciel qu’il serait cocu de toutes les manières.», selon l’aimable auteur de ce pamphlet, bien renseigné sur l’intimité du dramaturge.

Ce même Baron trahit son mentor, en quittant la troupe ( elle n’était plus que celle du fidèle Lagrange) pour l’Hôtel de Bourgogne rival, jusqu’à une fin heureuse quand ces compagnies s’unissent pour former la Comédie-Française. Olivier Py s’amuse de cette fusion et suggère de lui donner, entre autres, le nom de: Théâtre du Soleil… En hommage à Louis XIV bien sûr mais absent du film, et pour cause : c’est le moment, sinon de la disgrâce, au moins de sa désaffection pour Molière, au profit de Lully. C’est dit dans le film, mais ni joué ni montré.

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 Alors l’enjeu politique de ce Molière imaginaire, s’il y en a un?s’efface. On ne verra du monde que la boîte du théâtre avec ses comédiens bien vivants sur scène, qui ne renverra rien de ce monde là, et avec aussi ses spectateurs momifiés dans la salle. Plâtrés de fard blanc au plomb (dont on nous apprend, ce que nous savions, qu’il est mortel) et de rouge aux pommettes, surmontés de perruques carnavalesques, quatre petits marquis et six duchesses-dont Judith Magre, Dominique Frot et Catherine Lachens disparue en septembre dernier  jouent Les Vieilles de Goya (un tableau exposé musée de Lille) dans les loges d’un fragile décor.

Image de la décadence du théâtre, mort de son public, vraiment? Ou est-ce une question que l’on se pose : il faut bien s’occuper quand on vous repasse la même scène pour la quatrième fois ! La caméra plonge par des trappes et échelles, dans les dessous de la scène : c’est plus intéressant que les moments dans les loges, eux assez conventionnels. Ici, le temps est suspendu, on peut vivre ses amours-passons sur un interminable scène de bain entre beaux garçons-réelles ou imaginaires dans une forêt de charpentes. En s’enfermant au plus profond d’u théâtre, on échappe peut-être à sa représentation banale. Mais là encore, l’imagination fait défaut.

Un acteur en particulier nous ramène à un Molière qu’on connaît moins. Jean-Damien Barbin joue Chapelle, un homme d’esprit qui a fait connaître à l’auteur les libertins de la pensée. Beau travail : avec une constance humanité et un présence sensible, il porte sur ses épaules un XVII ème siècle, à la fois marginal et moderne.
Une scène liée à ce thème de la pensée éclate au milieu du film et offre une image de ce qu’il aurait pu être: Laforêt (Marie-Christine Ory), la fidèle servante-peut-être le modèle de Dorine dans Tartuffe et la Toinette du Malade imaginaire- fait des papillotes pour friser la perruque du Maître… Et si ces petits bouts de papier n’étaient autres que les brouillons de la traduction de Lucrèce entreprise par lui. Vrai ou faux ? C’est en tout cas l’œuvre à jamais détruite d’un homme qui n’a laissé aucun écrit, confronté au malentendu de sa vocation. Il se voulait, en secret, philosophe, il n’aura été qu’un amuseur. Sans savoir qu’en étant amuseur, il était philosophe. Mais avant tout, il avait une troupe à faire vivre.

Cela aussi, le film le dit mais ne le montre pas, sinon avec le personnage du « comptable « Lagrange, et il reste pauvre. Faute de moyens, ou d’imagination ? Même quand Olivier Py met en scène le désir et la mort, Éros et Thanatos, avec de beaux danseurs et danseuses à moitié nus, au lieu du ballet des médecins avec leurs clystères, cela manque de force et de chair. Il fallait montrer la modestie du théâtre : ce génie de Molière a été de créer quelque chose de grand, avec presque rien, et il a ouvert des portes (symboliques) dans un espace fermé, a joué la mort et a en fait du vivant. Mais ici, Olivier Py a manqué à son devoir d’imagination.

Christine Friedel

Ce film est en salles actuellement. 

Jacques Livchine: je suis vieux

Jacques Livchine: je suis vieux

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Tais-toi, c’est la honte ici, le reproche et puis je ressasse ces vers de Boris Vian: « Et moi je vois la fin qui grouille et qui s’amène avec sa gueule moche et qui m’ouvre ses bras de grenouille bancroche. » Bien sûr je ne peux pas tricher, on ne sait ni quand, ni où, ni comment, mais ça va arriver. Nous avons roulé 300.000 kms, il y a des pièces à changer dans le moteur mais d’autres sont trop usées. Pour ne pas être malade, il aurait fallu se suicider jeune. Et pourtant, ce matin, la cloche a sonné dix heures. Le ciel n’est jamais bleu, comme il l’est sur les blés.


 

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Que s’est il passé? Les craintes, les angoisses, les anxiétés, les désespoirs, tout s’est effacé. Le bonheur, c’est du chagrin qui se repose, n’allons pas le réveiller, me disais-je. Je répétais en boucle: il ne faut pas avoir peur du bonheur, c’est seulement un bon moment à passer. Ou bien toutes ces phrases poétiques qui m’aident à supporter la vie.
Hier,  je pleurais sur les 44.000 amputations de soldats ukrainiens, je voyais des poubelles remplies de jambes et de bras. Je pleurais sur Rafah et le massacre à venir.

 Et je n’arrivais pas à boucler le programme de nos stages pour les jeunes: les  Ruches, et j’enchaînais refus sur refus. D’où a jailli cette éclaircie? Cocktail étrange. Sur scène, samedi soir à notre kapouchnik à Audincourt, un cabaret mensuel dont nous avons fêté les vingts ans, j’étais Jo Biden et Hervée de Lafond, Donald Trump. J’avais plaqué mes cheveux, je lui ressemblais-nous avons le même âge-c’était jubilatoire de se moquer de sa sénilité. J’entendais le public hurler de rire… Je devais être drôle. Oui, une sorte de catharsis s’emparait de mon corps. En jouant au vieux, je  rajeunissais. Etonnante alchimie du théâtre….
Jacques Livchine

Au Théâtre de l’Unité à Audincourt  (Doubs), le 16 février.
 
 
 
 

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