Jacques Livchine: je suis vieux
Jacques Livchine: je suis vieux
Tais-toi, c’est la honte ici, le reproche et puis je ressasse ces vers de Boris Vian: « Et moi je vois la fin qui grouille et qui s’amène avec sa gueule moche et qui m’ouvre ses bras de grenouille bancroche. » Bien sûr je ne peux pas tricher, on ne sait ni quand, ni où, ni comment, mais ça va arriver. Nous avons roulé 300.000 kms, il y a des pièces à changer dans le moteur mais d’autres sont trop usées. Pour ne pas être malade, il aurait fallu se suicider jeune. Et pourtant, ce matin, la cloche a sonné dix heures. Le ciel n’est jamais bleu, comme il l’est sur les blés.
Que s’est il passé? Les craintes, les angoisses, les anxiétés, les désespoirs, tout s’est effacé. Le bonheur, c’est du chagrin qui se repose, n’allons pas le réveiller, me disais-je. Je répétais en boucle: il ne faut pas avoir peur du bonheur, c’est seulement un bon moment à passer. Ou bien toutes ces phrases poétiques qui m’aident à supporter la vie.
Hier, je pleurais sur les 44.000 amputations de soldats ukrainiens, je voyais des poubelles remplies de jambes et de bras. Je pleurais sur Rafah et le massacre à venir.
Au Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs), le 16 février.