Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène de Thierry Harcourt

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène de Thierry Harcourt

 La pièce créée en 1952 par Sylvain Dhomme, avec Paul Chevalier et Tsilla Chelton, au Théâtre Lancry dans le dixième arrondissement de Paris qui accueillit  aussi Les Amants du métro de Jean Tardieu et La Parodie d’Arthur Adamov, mise en scène de Roger Blin. Mais il ferma l’année suivante, faute de public. Devenue un classique du théâtre contemporain et l’une des plus jouées de l’auteur (1913-1994) qui habita rue Guynemer, donc près du Lucernaire elle fut remarquablement mise en scène par Bernard Lévy il y a cinq ans, avec Emmanuelle Grangé et Thierry Bosc (voir Le Théâtre du Blog).

Lui, quatre-vingt quinze ans et Sémiramis, son épouse, quatre-vingt quatorze ans, vivent dans une île. Lui ne n’intéresse à rien et regarde les quelques bateaux qui passent par là. Elle continue à admirer son mari qui l’appelle: ma crotte : «Mon chou, ah ! oui, tu es certainement un grand savant. Tu es très doué, mon chou. Tu aurais pu être Président chef, Roi chef, ou même Docteur chef, Maréchal chef, si tu avais voulu, si tu avais eu un peu d’ambition dans la vie.»
Bien entendu, ce « maréchal des logis » était juste concierge. Il disent qu’ils n’ont pas pu avoir d’enfant mais Sémiramis parle d’un fils qui les a quittés…à sept ans pour mener sa vie.

© Fabienne Rapeneau

© Fabienne Rapenneau

« Elle est doucement gâteuse, » précise Eugène Ionesco dans une didascalie.» Mais ce vieux couple arrive encore à rire ensemble: « Alors on a ri. Ah !…ri… arri…Arri. Ah !…Ah !…ri…va… va…arri..arri… le ventre nu… auri… arriva… Alors on a … ventre nu… arri…la malle… On a… ah…arri… ah ! Arri.. ah.. arri… va… ri. »Eugène Ionesco joue avec virtuosité sur le langage : répétitions, allitérations involontaires, etc.
Ils vont recevoir des invités, comme un colonel et sa femme, un médecin, un photograveur, une «belle très romantique» et l’Empereur… qui viennent écouter un conférencier. Les coups de sonnette n’arrêtent pas, ils arrivent tous et «on devra avoir l’impression que le plateau que le plateau est archi-plein de monde » selon la didascalie. Sémiramis vend le programme de la soirée, bonbons acidulés, chocolats glacés, caramels… aussi invisibles que les invités. Elle et Le Vieux apportent sans arrêt des chaises vides qui envahissent le plateau…Puis enfin l’Orateur arrive. »C’est bien lui, dit Sémiramis, il existe. En chair et on os. Et le vieux confirme : «Il existe. C’est bien lui. Ce n’est pas un rêve.»

Des personnages aussi invraisemblables que bien réels mais hors du temps et de l’espace, à la fin de leur existence, comme des marionnettes à mi-chemin entre comique et tragique, très seuls et parlant beaucoup comme pour se rassurer (l’ombre de la mort rôdant toujours en coulisses ) et se jouant ou non la comédie ? Nous ne le saurons jamais. Ici, sur le plateau drapé de pendrillons noirs, juste deux chaises hautes en fer et deux marche-pieds. Aucun autre accessoire. Le Vieux en complet noir et chemise blanche, Sémiramis en tailleur aussi noir, et chemisier tout aussi blanc. Cela commence bien mal!  Avec, sans qu’un mot ait encore été prononcé. un énorme jet de fumigène, lequel jet reviendra deux fois, envahissant scène et salle. Décidément Thierry Harcourt adore cela et réitère après Bitos (voir Le Théâtre du Blog) où il en avait employé pour un changement de décor,  conjugué à des lumières éblouissantes face public ! Ici, cela ne se justifie pas plus…
« Cette partition de jeu est quasi-musicale et demande une grande dextérité technique, dit Thierry Harcourt. La lumière, le son et pour tout décor, des chaises, voilà nos seule exigences , afin de raconter cette histoire passant sans arrêt de la la comédie pure à la tragédie assumée. Chalenge remarquable s’il en est, excitant à relever. »

Bernard Trombey et Frédéric Tirmont ne sont pas jeunes mais Thierry Harcourt a eu raison de ne pas les transformer en vieillards: ce qui, au théâtre, est toujours risqué! Il font le boulot :diction et gestuelles impeccables. Mais la direction d’acteurs n’est pas vraiment au rendez-vous et pourquoi ces trop nombreuses criailleries ? Et que le metteur en scène n’ait pas respecté à la lettre les nombreuses didascalies, on peut le comprendre… Mais pourquoi cette invasion de fumigènes (un procédé vraiment con), pourquoi ce manque de chaises entassées qui, à lui-même, fait sens et qui devient presque un personnage de la pièce. Et pourquoi, à la fin, avoir remplacé (sans doute par économie), le personnage de l’Orateur par une voix off, même s’il ne dit que: «He,Mme,mm mm » puis:  » NNAA, NNm, NWNWNW. »  Bref, malgré la présence indéniable des acteurs, on est loin du compte! Eugène Ionesco et le public méritent mieux que cette mise en scène approximative.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 10 mars, Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris (VI ème). T. : 01 42  22 66 67.

 

 

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