Je suis la Bête d’Anne Sibran, mise en scène de Julie Delille

Je suis la Bête d’Anne Sibran, mise en scène de Julie Delille

Julie Delille a fondé sa compagnie, le Théâtre des trois Parques en 2015. Artiste associée à Equinoxe-Scène Nationale de Châteauroux, elle y a créé ce spectacle en 2018.  Depuis l’an passé, elle dirige le Théâtre du Peuple à Bussang (Vosges) et intervient aussi actuellement auprès des jeunes acteurs de la Belle Troupe aux Amandiers-Nanterre.

Plusieurs minutes de noir et de silence avant qu’une voix fluette naisse de l’obscurité: « Nous, c’est le silence qui raconte, les hommes, il leur faut une voix. » Ici, c’est la bête qu’on entendra. Julie Delille, féline et souple, donne chair à Méline, une enfant sauvage qui a appris sur le tard le langage des humains.
Bébé abandonnée dans un placard, elle a été élevée par une chatte qui l’a nourrie et l’a enveloppée de sa chaleur, lui a appris la chasse, la pêche et l’impitoyable loi de la jungle où la raison du plus fort est toujours la meilleure.

© Florent Gouëlou

© Florent Gouëlou

Jusqu’à ses six ans, l’enfant quadrupède s’ébat dans les bois, glapit, miaule, rugit et fouit dans les terriers. Avant d’être capturée par un vieil apiculteur et forcée de s’adapter au monde civilisé. Dans une langue poétique et drue inventée par l’autrice, Julie Delille nous fait vivre la forêt, sa beauté et ses dangers… Dans un cache-cache permanent entre lumière et obscurité, d’une voix modulée, Méline raconte sa vie intérieure, ses plaisirs et ses douleurs, le goût du miel et aussi du sang: dans le règne animal, il faut tuer pour vivre. Pas de sentimentalisme: «Les bêtes n’ont pas de larmes, c’est une eau qui part dans leur salive. Les bêtes ne savent pas pleurer. Car il faut la parole pour nourrir un chagrin et le faire durer.»

Anne Sibran, comme son héroïne, réside entre la France où elle a commencé à écrire et l’Equateur. Elle a appris le quechua pour aller auprès des Indiens d’Amazonie, menacés par l’extraction pétrolière et la déforestation: «La langue peut dire : la bête est moins que l’homme. Et la bête se tait.» Ici, l’animal parle. Une langue puissante, crue et organique qui nous fait vivre l’expérience de Méline.La mise en scène est d’une grande beauté et, des savants clairs-obscurs d’Elsa Revol, naît un paysage vierge puissant et sauvage; l’environnement sonore d’Antoine Richard donne toute son intensité à ce conte dramatique. Seule sur le grand plateau nu, la comédienne, enfantine et animale, naïve et rusée, se glisse dans la pénombre brumeuse, rampe sous un sol arachnéen, semble disparaître dans un fourré, échappe à la blessure mortelle d’une fouine… Puis, quand elle rejoint le monde des humains, elle relate l’apprentissage laborieux du langage, les vêtements qui entravent, les murs qui encagent… Quand le jour bascule, dit-elle, alors j’ai besoin de viander. »

Survivra-t-elle parmi ses semblables-les plus cruelles de bêtes qui l’ont abandonnée- et résistera-t-elle à l’appel de la forêt? « Soudain, toutes les paupières s’écartent, en une fois, en même temps. Toutes les paupières des bêtes descendues jusque là, dévalé la montagne pour regarder les hommes en face. Leur ouvrir ces pupilles luisantes comme des miroirs tendus. » (…) « Ainsi, la forêt s’embrase d’une prodigieuse attention où ce qui se cachait depuis toujours, est plus présent que l’arbre. »
Ni femme ni bête, Méline incarne la part animale qui sommeille en chacun de nous, oubliée, et la nature dont l’homme contemporain s’est éloigné, jusqu’à la saccager…
Dans certaines scènes, l’actrice happée par son récit nous y entraîne. Il y a d’autres séquences, présentées avec plus de distance où Anne Sibran questionne notre humanité. Un texte admirable porté par une comédienne rare. On pourra voir prochainement ici, mise en scène par Julie Delille, La Jeune Parque, un long poème de Paul Valéry sous le titre Le Métier du Temps. Une artiste à suivre

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 4 avril Je suis la bête. Du 30 mars au 7 avril Le Métier du Temps au Théâtre Nanterre -Amandiers-Centre Dramatique National, 7 avenue Pablo Picasson Nanterre (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 14 70 00 RER A arrêt : Nanterre Préfecture. Attention, plus de navette pour venir: prendre le bus 259. Mais il y en a une pour le retour vers le RER.

 Le roman, Je suis la bête, a été a publié aux éditions Gallimard (2007).

 


Archive pour mars, 2024

Je voudrais pas crever de Boris Vian, mise en scène de Georgina Ridealgh et Jonathan Perrein

Je voudrais pas crever de Boris Vian, mise en scène de Georgina Ridealgh et Jonathan Perrein

Un  titre qui reprend les premiers mots du recueil de ce merveilleux écrivain touche-à-tout, au meilleur sens du terme… A l’origine, élève ingénieur à Centrale, il était vite devenu parolier. Le Déserteur, chanson pacifiste contre la guerre d’Indochine, fut sévèrement censurée en 58 pendant la guerre d’Algérie!) Mais elle lui avait valu un énorme succès chez les jeunes.
Il fut aussi chanteur, critique musical,  trompettiste de jazz. Et romancier bien connu sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, avec entre autres, J’irai cracher sur vos tombes qui avait fait scandale. Ce roman avec pastiche de scènes érotiques de romans noirs américains, lui avait valu un procès retentissant. Depuis ses œuvres romanesques ont été éditées dans la Pléiade en 2010!  Boris Vian collectionnait aussi les autos anciennes et avait même réussi à rouler un vendeur de voitures d’occasion…

« Je voudrais pas crever Avant d’avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d’argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un coté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards. »

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Dans cette petite cave voutée, Jonathan Perrein, acteur, et Guillaume Barre, son ami d’enfance et complice guitariste, ont essayé pour célébrer le centenaire de la naissance de ce poète mort brutalement en 57, de mettre en musique les poésies extraites de ce recueil. «Nous utilisons, dit Jonathan Perrein, la guitare sèche qui est à la fois douce joyeuse, introspective: elle fait naître sa pensée poétique et permet à l’artiste de se livrer intimement, elle est une recherche sensitive, une invitation à entrer dans sa tête pour accéder à un univers émotionnel.» Pourquoi pas? Même s’il est toujours risqué de s’envoyer des fleurs avant une création… Mais nous n’avons guère, sauf à quelques moments, ressenti «l’humanité, l’humour, l’angoisse et la désinvolture que Boris Vian a pu y mettre. »

La faute à une mise en scène qui n’est pas du bois dont on fait les fûtes: rythme approximatif, mauvais éclairages (mais comment les réussir dans un aussi petit espace?), boîte à rythme qui n’a rien à faire là, intrusion sans intérêt des interprètes dans la salle, encombrante et assez laide petite table à tiroir-porte-manteau, deux tabourets en médium, carpette casse-gueule: le tout nommé avec une certaine prétention : «scénographie »… Cela fait quand même beaucoup d’erreurs…
Nous aurions aimé trouver une évocation plus juste, plus poétique de ce merveilleux écrivain fou qui a vécu sa vie à toute vitesse mais le duo acteur/guitariste, censé mettre en valeur ses poèmes et sans doute pavé de bonnes intentions mais trop sage, trop appliqué, ne fonctionne pas bien. Ce court spectacle «poético-musical» (sic) de cinquante-cinq minutes est décevant. Dommage pour Boris Vian… et le public.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 14 mai, Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris ( IV ème). T. : 01 42 78 46 42

Rencontre avec Enki Bilal : les rapports de la danse et du neuvième art.

Rencontre avec Enki Bilal : les rapports de la danse et du neuvième art

Chaillot a invité la bande dessinée au foyer de la danse. Maximilien Chailleux, directeur de l’académie Delcourt qui y expose les dessins de ses élèves et Pierre Lungheretti se sont entretenus en public avec Enki Bilal autour du thème: dessiner la danse. Puis le danseur Mourad Bouayad a fait une performance qui a été croquée en direct par Edmond Baudoin

© Fred Tanneau

© Fred Tanneau

Enki Bilal, originaire d’ex-Yougoslavie, a, enfant, découvert à Belgrade, des spectacles et des films produits localement mais aussi, entre autres, des westerns. Cela lui a donné envie de créer des images vivantes: «Avec les autres garçons, nous faisions des dessins à la craie sur les trottoirs. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai découvert les magazines de B.D. Pilote, Tintin, et Spirou.
Je vais alors vers les dessins réalistes, comme ceux de Gir (alias Moebius ou Jean Giraud), Jean-Claude Mézière mais aussi Uderzo avec ses albums Tanguy et Laverdure. Je découvre aussi Gotlib, sa folie, son humour son irrévérence… Tout cela aujourd’hui, n’existe plus .»

« On doit maintenant faire attention, dit Enki Bilal, à ce que l’on dit: on a tellement régressé, je ne dis pas que c’était le bon vieux temps mais cela lui ressemblait un peu. Aujourd’hui quel est le sort des dessinateurs de presse quand les grands journaux suppriment leur poste. » Il évoque la connaissance, la transmission et la Culture et selon lui, en perdition : « Il y a une accélération du négatif, du futile, de l’individualisme, du communautarisme. Tout un tas de choses en: «isme». Seul, le mot humanisme est à sauver. »
Pour Enki Bilal, la bande dessinée était florissante des années soixante à quatre-vingt dix, en France et en Belgique mais elle a été peu soutenue par les tutelles. «On est dans un pays où la puissance du Verbe est forte, où le dessin paraît moins essentiel, plus anecdotique, pas sérieux et destiné à l’enfance. C’est dommage. »

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Rien de plus beau pour lui, qu’associer récit et dessin. Il évoque aussi sa collaboration avec Angelin Preljocaj pour la scénographie et les costumes de Roméo et Juliette, à l’Opéra de Lyon en 90… Tous deux originaires des Balkans, se sont rencontrés pendant la guerre de Yougoslavie : «C’était le moment de faire ce spectacle: on pouvait imaginer une Juliette croate et un Roméo bosniaque ou serbe. Angelin connaissait mon travail et je lui ai proposé le principe du mur, un thème que j’avais abordé ailleurs et qui est  un symbole de la bêtise humaine.»

L’artiste a dessiné de nombreux visages et corps, ce qui le rapprochait de la chorégraphie d’Angelin Preljocaj. Maximilien Chailleux souligne qu’il existe plusieurs états du corps dans ses œuvres. « Le corps est une enveloppe précieuse, dit Enki Bilal. Je m’occupe des corps du présent et du futur, d’où une certaine hybridation, je ne glorifie pas ceux du passé.  Dans mes récits, les individus sont opprimés par la société. Le corps les porte dans la résistance, la défaite ou la victoire. Dans un ballet, le corps et sa mouvance prennent tout leur sens. Mes B.D. ne sont pas des récits de mouvements qui sont plutôt dans les idées et les têtes et j’ai choisi d’être plutôt statique. »

Enki Bilal parle ensuite de Shakespeare Bilal: une rencontre (2023) qu’il a écrit avec Marie Barbier, journaliste qui écrit aussi des livres sur des artistes, illustrés par Druillet, Blutch. «Shakespeare, dit-il, est une rencontre pour moi et sa palette d’histoires m’a impressionné. J’ai utilisé celle de Roméo et Juliette dans Julia et Roem (2011) où des survivants manipulés sont mis en situation de vivre l’histoire de ces jeunes gens. A un moment, ils citent le texte du grand dramaturge.»

Enki Bilal évoque aussi une autre spectacle pour lequel il a réalisé décor et costumes, La Solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Kristian Frédric (2023) à l’Espace Cardin-Théâtre de la Ville (voir Le Théâtre du Blog). Enfin, un spectateur souligne l’importance de la couleur chez cet artiste  Il dit en avoir très vite senti le potentiel dans la narration: «Il ne s’agit pas simplement de mettre de la couleur sur le réel mais sur le dessin, et elle peut se substituer aux mots, devenir narrative… Le rouge, le bleu, le gris viennent donner une autonomie au dessin et j’ai ainsi quitté celui au trait. »

Jean Couturier

Rencontre le 19 mars à Chaillot-Théâtre National de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T. : 01 53 65 31 00.

Un Conte d’automne, texte et mise en scène de Julien Fišera

Un Conte d’automne, texte et mise en scène de Julien Fišera

L’auteur et metteur en scène s’est inspiré des albums de Catharina Valckx, écrivaine de littérature jeunesse et illustratrice, née en France de parents néerlandais. Elle a ensuite été élève à l’académie d’art de Groningen et vit aujourd’hui à Amsterdam. Elle a notamment raconté la vie de Totoche, une petite souris…
Dans cette histoire d’apprentissage, Prune, une très jeune fille, a quitté le cocon familial qui commençait sans doute, à être étouffant… Elle arrive dans une forêt en comptant ses pas et en tirant une petite charrette orange à quatre roues. En short et baskets, elle a envie de découvrir un monde qu’elle ne connaît pas. Premier ennui, elle essaye de déplier sa tente Quechua mais en vain ! Ce qui la transforme en une sorte de petit monstre… Mais la nuit tombe:«Quelle fatigue aujourd’hui. Autour de nous, tout n’est que lassitude et épuisement. Les arbres se désintéressent de leurs feuilles et celles ci finissent par se laisser aller. La grande dégringolade. Plus goût à rien. »

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Elle va alors rencontrer Maggi, une jeune fille plus âgée qu’elle et qui vit aussi dans une tente, une sorte de grand igloo en tissu. Elles ne se sont jamais vues, donc ne se connaissent pas et vont devoir s’apprivoiser. De cette rencontre, naîtra une belle amitié. C’est aussi l’occasion pour Prune d’affirmer son identité.  Et voilà, stop ! C’en est fini.
Après cette scène initiale, l’auteur n’arrive en effet jamais à faire décoller sa pauvre histoire qui fait du surplace pendant une demi-heure, et l’éternité, c’est vraiment long, surtout vers la fin.
Quant à ce qui ressemble de loin à une mise en scène… Le décor qui se voudrait poétique, est assez laid, les lumières trop sombres et les actrices qui n’ont pas été dirigées, peinent à donner vie à ces minces dialogues sans aucun poids ni poésie…
Et quand Prune et Maggi sont dans la grande tente, on les voit mal et les actrices qui minaudent parfois, en font des tonnes pour essayer de rendre crédibles leurs personnages… surtout quand elles se chamaillent. Aucun véritable humour, aucune émotion !

Que sauver de cet échec programmé? Quelques belles images comme l’installation par Prune de sa tente qui devient comme une sculpture, puis une scène avec elle et Maggi, en ombres chinoises… Et des paysages de forêt projetés en vidéo. Cela ne fait quand même pas beaucoup pour cinquante-cinq minutes de spectacle, et l’ennui tombe, implacable!
Reste une question : pourquoi cet ovni sans aucun intérêt scénique est-il arrivé au Dunois et pourquoi ira-t-il ensuite se poser au Théâtre de la Ville? Qui l’a programmé? Il y a des limites à ne pas franchir et le théâtre pour enfants doit absolument appartenir au meilleur: texte, jeu, scénographie, costumes, son, lumières… Mais ici tout est d’une médiocrité absolue et ne mérite en aucun cas, le déplacement! Vous voilà avertis: au moins que cette matinée perdue serve à quelque chose… s’il est encore temps!

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 29 mars,Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, Paris (XIII ème). T. : 01 45 84 72 00.

Du 3 au 7 avril, Théâtre de la Ville, Paris ( IV ème).  Les 23 et 24 avril, Les Ulis (Essonne).

 

Les Crabes de Roland Dubillard, mise en scène de Frank Hoffmann

Les Crabes de Roland Dubillard, mise en scène de Frank Hoffmann

Cet auteur un peu oublié, aurait eu cent ans en décembre dernier. Il avait très jeune, écrit des poèmes remarqués par Raymond Queneau, des nouvelles et un conte, Les aventures merveilleuses de Michele Ange, en 1945. Les sketches Grégoire et Amédée ont été créés pour la radio à partir de 1953. Écrits quotidiennement soit par Roland Dubillard, dit Grégoire, et Philippe de Chérisey, dit Amédée, chaque soir sur Paris-Inter. Avec un tel succès qu’ils en feront un spectacle de cabaret jusqu’en 1955.
En 1976, Roland Dubillard a réuni ces sketches dans Les Diablogues. Souvent joués entre autres par François Morel et Jacques Gamblin en 2008 puis repris quatre ans plus tard par  Muriel Robin et Annie Grégorio.
Où boivent les vaches, est créée en 1972 par la compagnie Renaud/Barrault. Il avait aussi écrit Si Camille me voyait, une opérette sans musique, créée pour la radio qui fut aussi jouée au Théâtre Babylone. La même année, il écrit Naïves Hirondelles qui sera montée en 61 par Arlette Reinerg et Mel Howard. Roland Dubillard est aussi l’auteur du Jardin aux betteraves et en 71, des Crabes. Cette pièce a été  jouée dans cette mise en scène au Théâtre du Chêne noir au dernier festival d’Avignon.

© Maya Messor

© Maya Messor

L’histoire est à la fois simple et compliquée : un jeune couple-Elle (Nèle Lavant) et Lui (Samuel Mercer) n’ont pas de nom-vit dans une maison Le Crabe au bord de la mer. Ils ont des problèmes de plomberie et la baignoire déborde mais personne ne vient les dépanner. Endettés, pour se renflouer, ils ont décidé de louer une partie de leur maison à un couple plus âgé (Maria Machado l’épouse de Roland Dubillard qui jouait la jeune femme à la création et Denis Lavant).
Ils vont débarquer avec leurs petites haines et leurs ennuis. Ils ont un chien mais on ne le verra jamais. Ils sont venus manger des crabes qui ont  «tendance, avec leurs pinces, leurs pattes, à remonter»et à leur grignoter leur estomac. Très vite, ce couple plus âgé va s’en prendre au jeunes avec une rare sauvagerie… Lesquels vont se sentir comme emprisonnés… Jusqu’au jour où  l’Homme plus âgé les tuera. Ensuite il tirera à coups de kalachnikov sur sa femme dans la baignoire, avant de se suicider. Le texte de ce «cauchemar comique » selon l’expression de son auteur, est, sur fond d’absurde, pas loin de celui d’Eugène Ionesco mais sans sa virulence… Et la pièce n’a pas le mordant des Diablogues…

Sur la très petite scène de cet amphithéâtre d’une centaine de places, aux dures banquettes en contre-plaqué,  juste un lit-une place et une échelle en alu posée contre le mur du fond où est projeté un bord de mer et aussi un torrent qui coule quand on parle des fuites et de la baignoire… Bon! Cela commence par un dialogue assez plat entre le jeune homme et la jeune femme. Il a une excellente diction et une gestuelle assez drôle mais elle ne semble pas très à l’aise…
Puis arrive la tornade, avec un Denis Lavant survolté, en vieux pantalon noir et blouson plus qu’usé, chaussé de godasses montantes qui ont dû faire des milliers de kms, et coiffé d’un petit chapeau rond. Il tire une valise mal fermée qui déborde de câbles rouges. Suivi de sa femme (Maria Machado, à la création de la pièce, elle jouait la jeune femme et est l’épouse de l’auteur).
Acrobate et acteur des plus expérimentés, Denis Lavant a une gestuelle incomparable, monte l’escalier et le redescend à toute vitesse. Même chargé d’un gilet pare-balles… Il en fait beaucoup ? Oui, et heureusement. Le metteur en scène peine à donner vie à ce texte qui n’a pas bien vieilli et auquel on a du mal à s’accrocher. A voir? Oui, mais pour Denis Lavant qui a une rare sensibilité et un jeu exceptionnel. Une grande leçon d’interprétation, ou comment sauver une pièce de théâtre contemporain pas bien fameuse, grâce à une interprétation clownesque et à une concentration maximale….

Philippe du Vignal

Jusqu’au  26 mai, Théâtre La Scala, 13 boulevard de Sébastopol, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.

 

La Terre,d’après le roman d’Émile Zola, adaptation d’Anne Barbot et Agathe Peyrard, mise en scène d’ Anne Barbot

La Terre, d’après le roman d’Émile Zola, adaptation d’Anne Barbot et Agathe Peyrard, mise en scène d’Anne Barbot

 Alors que la France  et l’Europe subissent une crise agricole de plus, l’adaptation de cette tragédie paysanne apporte un nouvel éclairage à ce roman (1887). À un siècle et demi d’intervalle, on trouve d’étranges similitudes avec l’actualité. Comme l’auteur, Anne Barbot a rencontré des agriculteurs: «Ma manière de les questionner sur leurs pratiques était de leur lire La Terre et tout résonnait… Un dialogue s’engageait entre hier et aujourd’hui, entre Émile Zola, eux et moi. C’était fascinant et effrayant.»

Les comédiens accueillent chaleureusement le public: nous sommes à Rognes, en Beauce, dans la ferme des Fouan: les femmes préparent la soupe, les hommes jouent aux cartes, tous discutent des affaires familiales. Le père Fouan, au bout du rouleau, annonce qu’il va prendre sa retraite et distribuer ses biens à ses trois enfants : à charge à eux de l’héberger, le nourrir et lui donner deux cents francs de rente chacun.
Le partage, par tirage au sort sème la zizanie entre Hyacinthe, la tête brûlée du clan, Fanny, mariée à Delhomme, un riche fermier et maire du village et Buteau, l’aîné, colérique et fier à bras, qui s’estime lésé. Il y a aussi les cousines : les sœurs Mouche. Buteau a fait un enfant à Lise, l’aînée qu’il épousera plus tard quand elle héritera de la ferme du tonton.
Buteau poursuit la cadette Françoise et la viole mais elle se marie avec Jean, un ouvrier agricole, venu de la ville…. Un mariage qui inquiète Buteau, redoutant de voir une partie de l’héritage passer dans les mains de cet étranger!

 

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Les enfants se déchirent et ne tiennent pas leur promesse d’aider le patriarche qui a perdu de sa superbe et les affaires tournent mal. Hyacinthe, épicurien et révolté, boit son héritage au bistrot du village et finit sans le sou. Buteau, malgré son mariage avec Lise pour agrandir son domaine, n’arrive pas à joindre les deux bouts et vend une partie de ses terres à son beau-frère, Delhomme : lui a parié sur la mécanisation, les engrais chimiques et l’agriculture intensive, pour plus de profits… Mais endetté, il a fait le mauvais choix en suivant la voie du « progrès » : suite à un traité de libre échange avec les Etats-Unis, le blé américain inonde le marché français et entraîne la chute des prix…

 Anne Barbot a resserré l’action autour du noyau familial, avec des séquences dialoguées qui s’enchaînent avec fluidité en deux heures trente. Camille Duchemin a imaginé une scénographie épurée. Le fond de scène jonché de paille laisse deviner l’écurie, la grange et les champs. La famille élargie aux cousines, d’abord réunie à une grande table, s’éparpillera en plusieurs entités. Les huit interprètes construisent des personnages très typés et leur jeu, parfois un peu caricatural, flirte avec le naturalisme mais ils restent convaincants.

La mise en scène est d’une grande précision et le spectacle va à un bon rythme, de drame en drame. Comme Jean arrivé dans ce monde impitoyable, nous assisterons à la déchéance du patriarche, la violence du fils ainé, l’avarice de la fille, l’appétit financier du gendre et les ravages de l’alcoolisme chez le cadet…Il y a chez la plupart, un attachement atavique à la terre.« Un paysan qui emprunte, est un homme fichu », dit le père à ses enfants.
Des agriculteurs et/ou éleveurs ruinés, contraints de vendre terres, bétail, machines et ferme, on en voit malheureusement beaucoup aujourd’hui. Certains se battent pour trouver d’autres modèles, comme au Larzac : en témoigne le spectacle de Philippe Durand (voir Le Théâtre du blog). D’autres abandonnent ou mettent fin à leurs jours. Mais qui les entend? Et s’ils faisaient grève, dit Jean, qui nourrirait Paris ?
Ce spectacle est une vraie réussite.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 18 mars au Théâtre Gérard Philippe-Centre Dramatique National, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis, (Seine-Saint-Denis) T. : 01 48 13 70 00.
Le 5 avril, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (Essonne); le 8 avril, Le Nest, Thionville (Moselle).
Le 3 mai, Théâtre de Châtillon-Clamart (Hauts-de-Seine).

 

La Porte d’Ensor, texte et dramaturgie de Marion Coutris, mise en scène et scénographie de Serge Noyelle

La Porte d’Ensor, texte et dramaturgie de Marion Coutris, mise en scène et scénographie de Serge Noyelle

 

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Encore élève aux Beau-Arts de Paris, le metteur en scène avait été fasciné par Les Masques scandalisés où debout, une femme masquée aux lunettes noires, bâton à la main, regarde un homme assis lui aussi masqué, les mains posées sur une table (1883) du grand peintre belge James Ensor. Aussi connu pour des œuvres emblématiques comme L’Entrée du Christ à Bruxelles, une toile aux dimensions insolites: 258 × 430 cms, avec des personnages aussi masqués où il veut dénoncer l’hypocrisie de la riche bourgeoisie dont il était issu, et de l’Eglise catholique. Ou encore Squelettes se disputant un pendu.
Les thèmes de cette période sombre : les morts, les illusions l’enfance, la mer, le rire, l’angoisse avec de sinistres personnages masqués. Un sorte d’exorcisme personnel ?
Sa peinture aux couleurs violentes et parfois aux dimensions insolites, annonce les surréalistes mais aussi ont une couleur théâtrale évidente qu’on a pu retrouver chez  le dramaturge Michel de Ghelderode (Masques ostendais, Le Siège d’Ostende). Et ensuite dès les années cinquante, chez le grand Polonais Tadeusz Kantor (1920-1985), le créateur de la très fameuse Classe morte (1975), et qu’admire beaucoup Serge Noyelle.

« Un tableau comme ces Masques scandalisés, dit-il, m’a ouvert la porte à d’autres peintres comme René Magritte, Léon Spilliaert, Paul Delvaux, Edward Munch… Et de m’apercevoir que ces peintres nous apportent sensiblement une dramaturgie et une théâtralité. En retour cette théâtralité peut-elle aussi, suggérer une forme de de peinture allégorique.»
Le metteur en scène et Marion Coutris sa dramaturge ne sont pas tombés dans le piège d’une illustration des peintures de James Ensor. Ce qui n’aurait de toute façon pas fonctionné. Il s’agit plus ici, d’un discret hommage à ce peintre que les jeunes metteurs en scène redécouvrent de plus en plus mais aussi et surtout d’une représentation picturale d’une galerie de personnages au genre souvent indéterminé.
Aucun décor, qu’un fond de rideaux noirs avec, au milieu, une haute et étroite double porte en bois. Et la première séquence où de jeunes gens tout habillés de noir arrivent doucement en silence puis s’infiltrent par cette porte dans un ailleurs sans doute inquiétant mais que nous ne verrons jamais, est de toute beauté. Entre justement, des personnages de Tadeusz Kantor ou de René Magritte.

La Porte d’Ensor n’est pas une pièce de théâtre au sens strict du terme mais une parade onirique d’une grande force picturale, comme ceux de cet Opéra Fucco qu’avait monté Serge Noyelle, il y a cinq ans (voir Le Théâtre du Blog). La scène baigne dans un clair-obscur avec gradations imperceptibles de lumière. Aux meilleurs moments, cela se savoure comme le Rembrandt de La Ronde de nuit, avec, écrivait justement Denis Diderot, « une juste distribution des ombres et des lumières ». Ou comme Les Ménines de Diego Velázquez (1599-1660) qui a su créer une remarquable profondeur spatiale.  Ou enfin  Scène de rue à Berlin de l’expressionniste allemand Ernst-Ludwig Kirchner (1880-1938). Bref, il y a de la vraie picruralité dans l’air…

 

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Et quand le jeune contre-ténor Rémy Brès-Feuillet chante seul deux morceux de Monteverdi et deux autres de Purcell, en s’accompagnant à l’accordéon, comment ne pas craquer devant une aussi simple et aussi grande beauté.
Ou quand le danseur Andrés García Martínez, très mince et de haute taille, se lance dans un solo éblouissant… Il ya aussi l’apparition par la grande double porte, d’une jeune femme  (Camille Noyelle) en courte robe blanche (de mariée?). Une sorte de de pantin légèrement désarticulé qui fait penser à un personnage de Tadeusz Kantor…

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Aucune rupture de rythme mais une remarquable fluidité dans cette sarabande d’images jamais figées, ponctuées de textes courts de Marion Coutris, d’après ceux de James Ensor. Et de trrès beaux airs au violon….
Tout le spectacle est légèrement teinté et avec bonheur, d’une partition enregistrée de Patrick Cascino (piano), Didier Lévêque (accordéon), Marco Quesada (guitare), Charly Thomas (contrebasse). Les costumes, en général noir et blanc, ou sombres mais avec quelques robes à fleurs des années soixante font pesner à ceux de Jérôme Deschamps ou Pina Bausch.

 

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Et dans une remarquable fin où, tous ensemble, Lucas Bonetti, Rémy Brès-Feuillet, Marion Coutris, Nino Djerbir, Andrés García Martínez, Camille et Jeanne Noyelle, Hugo Olagnon, Geneviève Sorin, Kadi Tir et Noël Vergès, arrivent en silence, portant un vieux canapé en cuir vert très fatigué, fauteuils, cages à oiseaux, valises, chaises, vieille malle noire, etc. Il s’asseyent  en rang, face public, masqués de têtes d’animaux comme en trouve dans le commerce mais visiblement corrigés, et d’autres plus proches de ceux de la commedia dell’ arte. Une dernière et vraiment belle image, comme savait en construire-autrefois!- Romeo Castellucci…

Guère de bémols… Enfin Serge Noyelle aura pu nous épargner ces jets de fumigène faciles (les vingt-huitièmes au compteur pour nous depuis janvier!) et certaines séquences comme les lectures de texte pourraient sans doute être mieux intégrées mais ce théâtre d’images, parfaitement honnête, n’a aucune prétention esthético-philosophico…Ce qui devient rare dans le théâtre actuel.
En ce soir de première, il était déjà très bien réglé mais peut encore progresser. Il serait dommage qu’il reste si peu joué! A 5,5 %, avec un dérapage du déficit public à cause du ralentissement de la croissance et de la baisse des recettes fiscales, il faudra s’attendre à des réductions draconiennes à la Culture. Mais, croisons les doigts, pourquoi n’y aurait-il pas une reprise  de  ce spectacle l’an prochain, au festival d’Avignon ou ailleurs? Même s’il y a une distribution importante et s’il exige un plateau de salle ou en plein air, assez vastes, pour garder sa dimension picturale… Donc, avis aux directeurs de festivals… A suivre…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 30 mars, Théâtre des Calanques, 35 traverse de Carthage, Marseille (VIII ème). T. : 04 91 75 64 59.
(Navette gratuite depuis Castellane à 19 h 15, sur réservation). On choisit le prix qu’on estime pouvoir payer le billet, en soutien au théâtre… de 1 € à  40 € .

 

Du sexe de la femme comme champ de bataille de Matéi Visniec, traduction de Natasha Sideri, mise en scène de Stelios Patsias

Du Sexe de la femme comme champ de bataille de Matéi Visniec, traduction de Natasha Sideri, mise en scène de Stelios Patsias

Peu après la guerre en Bosnie, l’auteur a écrit avec fougue en trente scènes, cet essai théâtral dense où il analyse en détail les pensées, arguments, conclusions  sur la complexité de la psyché avec une tendance à la méchanceté…
Le dramaturge roumain francophone, malgré ses accusations trouve finalement un exutoire dans un scepticisme optimiste qui apaise le traumatisme. Un enfant à naître est toujours innocent et suscite l’espoir de lendemains meilleurs sans calamités, ni sans ni larmes, bref, sans tous les malheurs dus à l’absence coexistence pacifique à l’échelle planétaire depuis l’origine du monde.

Comme l’indique clairement le titre, Du sexe de la femme comme champ de bataille, le thème principal est ici la violence de genre, ses perceptions stéréotypées et les conséquences dévastatrices qu’elle a sur la vie des gens, quelle que soit la situation spatio-temporelle. Les femmes sont totalement dévalorisées et doivent servir  aux objectifs de vengeance, ici révélés les instincts sombres et sexuels. Dans ce conflit civil, le viol de la femme par un ou plusieurs combattants, est une tactique militaire écœurante pour humilier moralement l’ennemi.

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Les deux femmes ici expriment la solidarité contre la maltraitance, retraçant toutes les étapes de l’obscurité, à la lumière. Dorra a été violée et porte dans son ventre un enfant: son père est la guerre et sa mère, dans l’horreur. Au fil des séances avec la psychologue américaine Kate, confrontée elle aussi à ses propres blessures, elles prendront les décisions qui changeront leur vie.
Nous avons relu le texte en français et la traduction en grec de Natasha Sideri est solide. Stelios Patsias le met en scène avec ingéniosité, en soulignent l’esthétique du texte, partant du réalisme jusqu’au rêve-fantaisie, à un absurde à la limite du grotesque, voire du macabre.
L’espace scénique (décor et costumes de Maria Palanza) est simple : au centre du plateau, un lit d’hôpital et au sol, une ligne claire délimitant le lieu d’action: comme la mosaïque de l’institution thérapeutique ou les tranchées. Nicole Dimitrakopoulou (Dorra) et Sophia Palanza (Kate) incarnent avec une grande fluidité ces personnages. Elles nous donnent l’impression de mondes psychiques grand ouverts. Leur style de jeu à l’humour caustique, est adapté à une « philosophie du mais » où hypocrisie, racisme,intolérance, suspicion et  duplicité de chaque Balkan à l’égard de son voisin différent, sont mis à nu.

Les personnages lèvent de façon répétée un verre de vin et cela culmine  à la fin avec une chute abrupte du texte. L’alternance d’éclairage-clés de Nafsika Christodoulakou et la composition musicale de Giorgos Kassavetes créent une  menace rampante et une terreur, en renforçant le caractère invisible des mots et de certains événements.
Stelios Patsias met en scène un enfant à naître exigeant nourriture, caresses et affection de sa mère à travers son utérus, menaçant de crier s’il en est privé. Antonis Papadakis et Lefteris Katahanas, à moitié nus, avec un masque sinistre, créent une image puissante… Nous avons alors des sentiments mélangés de compassion pour le fœtus, et de malaise devant le monde misérable qui va être le sien… A ne pas manquer !

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Choros, 6-8 rue Praviou, Athènes, T. : 0030 2103426736

https://www.youtube.com/watch?v=JIOxe5xLQ2I

Kids de Fabrice Melquiot, mis en scène de François Ha Van

Kids de Fabrice Melquiot, mise en scène de François Ha Van

Comment finir une guerre ? On ne sait pas. Même à la fin, un conflit reste toujours la guerre avec ses ruines, ses derniers snipers et ses orphelins. L’auteur a eu l’idée forte d’une pièce sur les orphelins de la guerre de 1992 en ex-Yougoslavie. Une bande d’enfants à la rue: treize ans à dix-sept ans, avec la solidarité d’une cour de récréation. Un garçon et une fille s’aiment ? Oui, avec ardeur et brutalité, là, n’est pas la question. Dans la bande, ils ne se détestent pas non plus, même si l’un est serbe et l’autre, bosniaque. Ils se cognent et vérifient leurs forces, à la mesure de la faim, de la mendicité et du vol. Mais aussi des parades qu’ils jouent pour tirer quelque argent des Casques Bleus. Ils apprennent un anglais basique pour partir d’ici et se donner rendez-vous plus tard… ailleurs.

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La bande a son chef qui s’est imposé tout de suite, et son souffre-douleur. Et de douleur, ils n’en manquent pas mais sujet tabou: on n’évoque pas les  morts et il en faut soudain un parmi eux pour que les sanglots éclatent et le deuil. François Ha Van mène sa troupe avec une énergie inflexible comme l’écriture de Fabrice Melquiot,, jusqu’à la fin du spectacle Ici, rien de superflu dans ce théâtre à l’ancienne avec les costumes que l’on peut : des tenues de sport comme celles de tous les jeunes, venues de la récup’ mais sans un détail de trop : c’est juste, vu la situation.
Quelques cubes pour s’asseoir mais la bande en a peu le temps, une bâche comme abri et et ce petit amphithéâtre devient le terrain de cavalcades pour ces jeunes interprètes. Cela suffit et le jeu collectif a la même rigueur. Les acteurs se donnent constamment à fond. La tension permanente est-elle trop rude, sans nuances? C’est comme ça. Pas de psychologie mais des comportements universels.
Cette bande-là pourrait aussi bien, sous ses oripeaux et avec son langage actuel, être celle du Gavroche des Misérables. On peut avoir le sentiment d’être parfois face à un exercice d’école mais chapeau à Nathan Dugray, Montaine Frégeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain Le Ferrec, Julie Boulourde (en alternance avec Lara Melchiroi, Manon Preterre)

Christine Friedel

Jusqu’au 6 avril, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.

 

 

 

Festival Marto: Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène d’Yngvild Aspeli et Paola Rizza (en anglais surtitré)

Festival Marto:

Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène d’Yngvild Aspeli et Paola Rizza  (en anglais surtitré)

Ce spectacle avait été créé au dernier festival de Charleville-Mézières ( voir Le Théâtre du Blog). Sa créatrice, interprète Nora Helmer, et Victor Lukawski: Torvald Helmer, son mari. Ils jouent les personnages de la pièce mais manipulent aussi avec Alix Veugue, dix marionnettes à taille humaine, hyper-réalistes. La scénographie de François Gauthier-Lafaye est rassurante pour  ceux qui ont besoin de repères: un salon bourgeois avec confortable canapé vert à franges, un sapin de Noël, une table et deux chaises. Cette mise en scène éclaire d’un regard neuf la pièce d’Henrik Ibsen (1879). 

© Johan Karlsson

© Johan Karlsson

Yngvild Aspeli incarne ici parfaitement Nora et il y a de grands moments de manipulation à vue: elle a, pour ses trois enfants-poupées, des gestes maternels d’un exceptionnel réalisme. Puis, quand elle est avec Torvald, le docteur Rank et Christine, une amie, elle passe d’une conversation à l’autre et donne voix à chacun avec une belle fluidité dans le jeu.  Ou quand elle est persécutée par une araignée.  Enfin, il y a un moment de pure folie où la metteuse en scène/Nora, à la demande de son mari, évolue avec son double-marionnette. Cette danse de mort annonce le bouleversement final. 

On sent ici le fruit d’une longue maturation et d’un travail en profondeur sur ce drame intime: « Nora, dit Yngvild Aspeli, est connue comme une alouette chantante aux ailes légères. Elle se cogne, tête en avant, contre l’invisible surface en verre de sa propre existence. Une maison de poupée est une vieille maison remplie de fantômes, usés par le temps et qui nous hantent encore. Une histoire sur les rôles que nous jouons, les paris que nous faisons et les illusions dont nous nous entourons. »  Un spectacle qui fera date.

Jean Couturier

Spectacle le 23 mars vu aux Gémeaux-Scène Nationale de Sceaux ( Hauts-de-Seine).
Les 28 et 29 mars, Le Bateau-Feu, Dunkerque (Nord).

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