Structure Souffle, chorégraphie in situ de Myriam Gourfink
Structure Souffle, chorégraphie in situ de Myriam Gourfink
Éloge de la lenteur, cette performance méditative correspond à l’univers zen de l’exposition Le Souffle de l’architecte de Bijoy Jain à la fondation Cartier. « Le silence a un son, nous l’entendons résonner en nous, dit cet architecte indien, c’est le souffle de la vie. » Dans son installation aux petites sculptures animalières, poteries, fragments d’habitats traditionnels, mobiliers, éparpillés comme des vestiges, prédominent la pierre, le bois, la terra cota, les végétaux et la brique, avec çà et là, quelques sièges. Aux murs, des châssis enduits ou avec des lignes de pigments tracées au fil….
Les danseuses se répartissent dans plusieurs espaces en solos, duos, trios ou quatuors et nous invitent à une promenade à travers cette œuvre insolite, en résonance avec le bâtiment en verre et acier conçu par Jean Nouvel. Telles des sculptures animées, Myriam Gourfink, Amandine Bajou, Karima El Amrani, Suzanne Henry, Deborah Lary, Annabelle Rosenow et Véronique Weil changent imperceptiblement de postures, avec d’infimes mouvements. Soutenues par les souffles et percussions électroniques en direct du compositeur Kasper T. Toeplitz.
Pas facile de dessiner ces amples figures avec une telle lenteur…Pour éviter déséquilibres et tremblements, elles utilisent le souffle comme les yogi. Myriam Gourfink s’inspire de cette discipline pour bousculer notre commune notion du temps mais le spectateur doit accepter d’entrer dans son jeu: «Je me positionne sciemment du côté de la lenteur. (…) Cela n’est pas avancer, pas aller de l’avant, mais s’élever et prendre le temps de savourer chaque morceau de vie.»
Pour écrire ses partitions chorégraphiques souples et ouvertes, elle se réfère aussi à Rudolf Laban, danseur, chorégraphe et pédagogue hongrois (1879-1958). En 1928, il publia Kinetographie Laban, un système de notation pour les mouvements dansés primaires.
Avec Structure Souffle, Myriam Gourfink passe le vocabulaire des danses populaires au tamis de l’art de respirer. Elle et ses interprètes forment des structures élastiques qui se contractent, se dilatent, puis se fractionnent. Enveloppés par les sourdes nappes sonores, dépaysés par la sobre architecture signée Bijoy Jaïn, nous sommes fascinés par cette danse au ralenti qui fait presque du sur-place. Ici, Myriam Gourfink se joue de notre temporalité urbaine. On pense aux vers du Cimetière marin de Paul Valéry: « Quelle ombre de tortue/Pour l’âme, Achille immobile à grands pas! »
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 4 mars, dans le cadre des Soirées nomades à la fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, Paris (XIV ème). T. : 01 42 18 56 60.