La Vagued’après Die Welle, adaptation du roman de Todd Strasser et du film de Dennis Gansel, mise en scène de Marion Conejero

 La Vague, d’après Die Welle, un roman de Todd Strasser et le film de Dennis Gansel, mise en scène de Marion Conejero

© Tanguy Mandrisse

© Tanguy Mandrisse

Une dictature est-elle encore possible aujourd’hui dans les pays occidentaux? Quels sont les mécanismes qui l’engendrent ? Et comment le régime nazi a-t-il pu se mettre en place? Marion Conejero, avec ce spectacle, essaye de répondre à ces questions, toujours d’actualité…
Pour illustrer son cours sur L’Autocratie et le III ème Reich, Benjamin Cortet, professeur d’histoire, va mener une expérience grandeur nature, en initiant un mouvement dans sa classe. Ainsi, est née La Vague, avec son symbole, son salut, son uniforme, ses règles, sa ferveur et son prosélytisme. Et ce qui était, au départ, un simple jeu, va gagner de l’ampleur et vite échapper à tout contrôle.

 « La force par la discipline. La force par la communauté. La force par l’action .»  Fort de ce slogan, avec règles de maintien et politesse, uniforme et emblème, le mouvement se dote d’un leader charismatique, Benjamin (Mathurin Voltz), un professeur sympathique et proche de ses élèves. Son discours populiste contre l’inflation, la globalisation, les multinationales et la pauvreté, a tout pour séduire les jeunes gens.
Dans cette classe ainsi embrigadée, chacun prend de l’assurance, surtout les plus faibles comme Tim (Anthony Jeanne), un adolescent en rupture de ban et harcelé par ses camarades. Mais le groupe pratique aussi l’exclusion jusqu’à menacer les opposants, voire les éliminer. Seule l’intrépide Lola (Marion Conejero) résiste à cette « entreprise de manipulation et de décervelage » et se brouille avec ses amis Charlotte (Rosalie Comby) et Mikaël (Arnold Mensah). Axel, son amoureux (Nino Rocher) la rejette violemment.

«La Vague, dit Marion Conejero, est une démonstration efficace des effets pervers du groupe et a été la pierre de touche de mon envie de l’adapter au théâtre. » Ce roman (1981) et ce film (2008) reproduisent une expérience authentique, menée par Ron Jones avec les élèves d’un lycée, à Palo Alto (Californie) en 1967.
La metteuse en scène a pris contact avec ce professeur d’histoire et s’est aussi beaucoup documentée sur la période du nazisme. Elle dirige avec maestria les comédiens, tous excellents. Jouant elle-même l’élève rebelle, elle distribue des tracts de la Rose blanche, un collectif d’étudiants en Bavière qui, en 1943, paya de sa vie son opposition militante au nazisme.

Le dispositif scénique de Jordan Vincent, sobre et fonctionnel se modifie selon les scènes: salle de classe, cour de récréation, gymnase, domicile du professeur ou de Lola… Quelques séquences d’un cours de théâtre où se répète le Richard III de William Shakespeare mettent avec habileté en parallèle l’ascension de Richard, duc de Gloucester et celle d’Hitler : «Aussi, puisque je ne puis être l’amant-qui charmera ces temps beaux parleurs- je suis déterminé à être un scélérat.», annonce le futur tyran dans son monologue d’ouverture. Un programme crapuleux à la hauteur de Mein Kampf…

La pièce détaille sur une semaine et au jour le jour, la montée de l’autoritarisme et ses débordements au-delà de la classe : les membres de la Vague vont imposer leurs vues aux autres, par la violence et la menace. La peur règne dans le lycée. La femme de Benjamin l’avait pourtant mis en garde : «Tu vas créer des monstres. » Pris au piège de son expérience, le professeur va y mettre fin par un discours explicite : « Le Mouvement National dans le cadre d’un cours sur l’Allemagne nazie des Jeunesses de la Vague n’existe pas. Pas plus que le soi-disant leader. Vous voyez ce que vous êtes devenus ? Vous voyez vers où vous vous dirigiez ? Jusqu’où vous seriez allés ? Regardez un peu votre avenir!» Mais certains adeptes refusent, prêts aux pires extrémités pour continuer…

Mais que dire des lycéens présents dans la salle dont une partie ont applaudi les exactions des fidèles de la Vague. Leur adhésion à cette violence a surpris les acteurs : cela prouve, comme l’a fait Ron Jones en son temps, qu’une nouvelle dictature est toujours possible. «Il est bon, dit Marion Conejero, de savoir en déceler les signes avant-coureurs car le risque est bien réel. (…) La violence s’exprime à travers cette jeunesse manipulée, contrôlée et incontrôlable. Jeunesse peut-être un peu naïve et prête à croire à un sauveur. »

 Avec sa compagnie Les Chiens andalous basée en Charente, Marion Conejero nous avait déjà convaincus avec une mise en scène de L’Éveil du Printemps, d’après Frank Wedekind, dans le cadre des Jeunes Pousses à la Maison Maria Casarès (voir Le Théâtre du Blog). Elle a fait du chemin et depuis 2020, est “artiste complice“ du Théâtre d’Angoulême. La Vague a été créé à l’Onde de Vélizy-Villacoublay (Yvelines). L’équipe souhaite accompagner le spectacle avec des ateliers: une pédagogie nécessaire et de salut public, face au regain de l’extrême-droite en Europe. …

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 5 mars, dans le cadre du festival La Tête dans les nuages jusqu’au 11 mars, au Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale, 11 avenue de Maréchaux, Angoulême (Charente). T.:  05 45 38 61 62 ,

Les 14 et 15 mars, Le Gallia-Théâtre, Scène conventionnée de Saintes (Charente- Maritime).

En juillet, Festival au village, Brioux-sur-Boutonne (Deux-Sèvres).

Du 22 juillet au 17 août, festival de la Maison Maria Casarès, Alloue (Charente).

Le 10 octobre, Théâtre de Thouars, Scène conventionnée (Deux-Sèvres).

En avril 2025, La Mégisserie, Saint-Junien (Haute-Vienne) .

 Le roman traduit par Aude Carlier est publié par Jean-Claude Gawsewitch, éditeur.

 

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