Araf de Yannis Tsiros, mise en scène de Yorgos Paloumpis

Araf de Yannis Tsiros, mise en scène de Yorgos Paloumpis

Une nuit, alors qu’ils préparent fébrilement sur une île la saison estivale, Elias Leoussis, propriétaire d’un hôtel insolite, le Aegean, et Fotis, son jardinier et associé, récupèrent dans leur bateau, sur une mer agitée, un chien sauvage de couleur sombre, effrayé. Avec Matina, la vétérinaire, ils doivent prendre les décisions urgentes concernant cet animal non invité sur l’île dont la présence pourrait entraîner toute une série d’ennuis…
La stérilisation et sa vie dans un refuge semblent être une solution facile et rapide mais les associations de défense des animaux s’y opposent. Après négociations et revirements mettant en évidence l’insécurité, les contradictions psychologiques des trois personnages, un compromis sauvera les apparences… sans effusion de sang.

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Avec allusions et références lisibles, Yannis Tsiros complique habilement l’affaire en photographiant la question de l’immigration et en jetant le doute sur l’issue de cette affaire. Sa nouvelle pièce au titre mystérieux, se prête à de nombreuses lectures. Dans une langue allégorique, Yannis Tsiros peint notre attitude et notre coexistence problématique avec l’autre, l’étranger, le différent, le faible, le sans-défense, le vulnérable… Celui que nous craignons parce que nous ne pouvons pas et/ou ne voulons pas comprendre et accepter. Celui qui nous craint et qui « aboie » pour se défendre contre la suspicion, les préjugés, l’exploitation et l’injustice. Dans un langage allégorique, l’écrivain dit l’hypocrisie, l’indifférence, le cynisme et la spéculation mais surtout l’absence totale d’empathie. Depuis Le Menton mal rasé (2004), Olga invisible (2012) et un an plus tard Graine sauvage et Le Jour du Seigneur en 2022, (voir Le Théâtre du Blog) et maintenant avec Araf, le grand écrivain grec dénonce l’oppression de l’homme sous le poids de la société et la dépendance, résultat d’ un conformisme permanent.

Yorgos Paloumpis fait ressortir dans sa mise en scène, les impératifs du texte à un rythme qui accroît le suspense. Réalisme des décors et costumes de Natasha Papastergiou, éclairages de Vassilis Klotsototiras et composition musicale de Kostas Nikolopoulos soulignent la tension du texte.
Joseph Polyzoidis (Leoussis), Fotis Lazarou (Fotis) et Rania Schiza (Matina) interprètent avec une belle unité de jeu, ces personnages attachants. Ne manquez pas cette pièce qu’il faudrait absolument traduire en français et autres langues.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Apothiki, 40 rue Sarri, Athènes, T. : 0030 210 3253153

 https://www.youtube.com/watch?v=19t2E17xL6U

 

 


Archive pour 11 mars, 2024

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira, par le Ballet de Lorraine

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira,  par le Ballet de Lorraine

Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley et a Folia, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira,  par le Ballet de Lorraine dans actualites instantlyforever-5laurentphilippe

InstantlyForever ©LaurentPhilippe

En 2011, Petter Jacobsson prenait la direction du Ballet de Lorraine-Centre Chorégraphique National, et Thomas Caley y assurait la coordination de recherche. Ils prenaient la suite de Jean-Albert Cartier, Patrick Dupond, Pierre Lacotte, Françoise Adret et Didier Deschamps. Pendant leur mandat, ces chorégraphes ont créé ensemble Untitled Partner #3, Performing Performing, Relâche, Armide, Discofoot, L’Envers, Record of ancient Things, Happening Birthday, For four Walls, Air-Condition et Mesdames & Messieurs.  Ils ont parié sur une progammation diversifiée et contemporaine en invitant des artistes de tous horizons. «Pas besoin d’aller voir ailleurs, dit une interprète; depuis quinze ans dans la troupe. Ce sont les plus innovants qui viennent à nous.»

Pour leur dernière saison à la tête de cette compagnie dynamique -Maud Le Pladec leur succèdera en 2025-  Petter Jacobsson et Thomas Caley programment deux pièces: l’une pétillante et dépouillée, l’autre tellurique et baroque, chargée de sensualité. Avec des regards croisés entre artistes du Nord et du Sud, sur le thème : instantly forever (instantanément pour toujours).

 Instantly Forever chorégraphie de Petter Jacobsson et Thomas Caley

Entre nostalgie et modernité, cette pièce en deux parties s’ouvre sur le surgissement des vingt-trois interprètes, habillés de noir et blanc. Dans un tourbillon collectif permanent, se succèdent portés en groupes, brèves échappées individuelles ciselées… Dans un style parfois saccadé, dicté par la Symphonie en trois mouvements (1er mouvement) d’Igor Stravinsky.  Une partition teintée de gravité écrite en 1946 où on entend encore les accents joyeux du Sacre du printemps.  On retrouve ici certaines phrases chorégraphiques des Ballets Russes. La première partie se déroule dans un rapport non frontal, comme si le public se trouvait à jardin: les artistes se déploient de dos ou latéralement… Le sol qui reflète les corps, et les tubes de fer suspendus oscillant légèrement au passage des danseurs, brouillent encore davantage notre perception de l’espace, sous les lumières crues d’Eric Wurtz qui a aussi créé la scénographie. Un vertige en noir et blanc

Après un temps d’arrêt silencieux, la troupe se remet en mouvement, de face, sur Music for 18 musicians (Pulses et Pulses II) de Steve Reich. Avec une gestuelle plus fluide et des postures plus ludiques. On distingue mieux, imprimés sur les costumes déstructurés de Birgit Neppl, le visage des interprètes. Grimaçant ou souriant, ces « selfies » fixent l’instant présent. « La danse est éphémère, mais la danse c’est pour toujours, dit Petter Jacobsson. Instantly forever est un mélange chaotique entre passé et présent.»
En trente minutes, l’accumulation des gestes et les réminiscences de mouvements du passé, conduisent un présent saturé d’images et de références, ce qui fait dire aux chorégraphes : « Dans notre idée d’évolution constante, il y a une urgence, une pression qui nous font à la fois espérer et craindre l’avenir ».

 a Folia chorégraphie de Marco da Silva Ferreira

aFolia-2©LaurentPhilippe

aFolia ©LaurentPhilippe

Vingt-quatre jeunes danseurs entrent lentement, comme à un bal de village, en tenues chamarrées aux couleurs éclatantes signées Aleksandar Protic et distinguant chacun d’eux. Le groupe se forme autour de brefs solos, puis se referme et part en cadence… Un ensemble festif où certains portent leur partenaire sur le dos ou s’accouplent en duos éphémères. La danse intègre les gestuelles des voguing, hip hop, salsa, krump, mais sans l’esprit compétitif et personnel du battle. Parfois, les mouvements, répétés ad libitum confinent à la transe.

Soutenue par le flot continu d’une musique de cour d’Arcangelo Corelli (1653-1713), La Folia, sonate en D mineur pour violon  arrangée au gout du jour par le compositeur portugais Luis Pestana, tenant du courant minimaliste électronique, la chorégraphie marie les danses de rue contemporaines avec le caractère débridé de la Folia portugaise, un rassemblement populaire, où, à la Renaissance, des bergères et des des bergers dansaient frénétiquement,  portant sur leurs épaules des hommes habillés en femmes.

Très ancré dans les racines lusitaniennes de Marco da Silva Ferreira, ce ballet, avec une énergie collective, rappelle ses origines populaires, rurales et urbaines, pour célébrer les corps en folie, En portugais, « folia » associe fole, un sac rempli d’air pour attiser le feu, « fôlego » : le moment où on gagne de l’air,  et « folga » : le jour de repos ou de loisirs. La « folião/foliona » désigne une personne au repos, qui, en dehors du travail, s’autorise à se remplir d’air la tête et les poumons dans une apparente folie. Dans ce rituel joyeux et sensuel,  chaque interprète joue sa partie, sans jamais se désolidariser du groupe.

Le jeune chorégraphe portugais développe  son travail autour des pratiques urbaines actuelles et sa carrière a pris un tournant avec HU® MANO (2013) joué dans les festivals internationaux, comme le Mercat des las Flores de Barcelone, à l’Atelier June Events à Paris, à L’Hexagone de Meylan et (Re) connaissance de Grenoble ( Isère) et aux Subsistances à Lyon. Bientôt, on pourra voir Fantasie Minor au Carreau du Temple et C A R C A Ç A au Cent-Quatre, àa Paris dans la cadre de Séquence Danse. Un artiste à suivre.

Mireille Davidovici

Créations vues le 7 mars à l’Opéra national-Ballet de Lorraine, 3 rue Henri Bazin, Nancy (Meurthe-et-Moselle) T. : 03 83 85 69 00

Prochaine création : les 23, 24, 25 et 26 mai, Màlon d’Ayelen Parolin), Opéra national de Lorraine, Nancy.

 Les 16 et 17 mars Twelve Ton Rose de Trisha Brown et Static Shot de Maud Le Pladec, Le Manège-Scène Nationale de Reims.

Discofoot de Petter Jacobsson et Thomas Caleyle 26 mars La Rotonde, Thaon-les-Vosges ; le 1er juin, C.C.N. d’Aix-en-Provence ; 22 et 23 juin, La Villette, Festival Freestyle, Paris  et le 30 juin, à Montpellier Danse.

Les 28, 29 et 30 juillet, Le Voyage à Nantes, Le Feydball.

 

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