L’Imposteur de Kris Krainock, mise en scène d’Aurore Kahan ( spectacle en français, et en anglais surtitré)
L’Imposteur de Kris Krainock, mise en scène d’Aurore Kahan (spectacle en français, et en anglais surtitré)
Kris Krainock, cinéaste indépendant, producteur, dramaturge et poète américain ets l’auteur de cette pièce qui a été créée au cours de plusieurs résidences entre Paris, Alençon et Avignon. La véritable première a lieu au Fringe Theatre Festival à Kiev en septembre dernier. Cela se passe sur la petite scène d’une salle en sous-sol aux chaises pliantes non attachées (bonjour, la sécurité!).
Janice, une comédienne française la trentaine (Julie Zeno) qui vit à Paris, prépare une audition pour obtenir un rôle dans une série américaine. Comme pour toutes les actrices ou presque, le travail est souvent rare et cela lui permettrait enfin- du moins elle le croit- de faire décoller sa carrière…
Mais elle subit les attaques de plus en plus virulentes d’une voix qui semble provenir aussi bien de l’intérieur d’elle-même, que de l’extérieur… Ce solo de cinquante minutes) est né de la rencontre entre Kris Krainock et Julie Zeno pendant le covid. Il participe d’un questionnement sur notre rapport à nous-même. On n’est pas loin du célèbre Γνῶθι σεαυτόν (Connais-toi toi même) utilisé par Socrate dans les œuvres de Platon. Elle lui donne la possibilité d’exprimer le fait qu’une recherche sur les exigences morales commence par une introspection. Mais on est près aussi du chrétien: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même” pour avoir confiance et estime en soi-même et avoir une vraie relation avec autrui.
Cette exploration au plus profond de soi-même a été le fait de nombre d’entre nous, bloqués quelque part pendant le covid… Quelles sont les motivations, les vraies valeurs qui nous constituent réellement? Y-a-t-il des obstacles qui nous bloquent pour enfin vivre notre vie? Comment gagner le combat avec cet imposteur, un adversaire redoutable caché en nous-même ?
Sur le plateau, une chaise et un petit comptoir blanc… Et une caméra que Janice va installer une caméra pour que l’on voit son visage retransmis sur écran. Julie Zeno parle en français et anglais et le surtitrage s’affichera au-dessus de la scène. On entend d’abord la voix de sa mère: « C’est quand même étrange qu’ils envisagent de choisir une Française, alors que ça serait beaucoup plus simple de trouver directement une Américaine, mais bon, j’y connais rien à ces choses là. Peut-être qu’ils t’ont prise pour une Américaine quand tu as commis ce crime en écorchant ton prénom. Enfin bon. Je croiserai les doigts pour que ça marche. Et n’oublie pas que tu pourras faire tous les efforts du monde, mais au final, ça ne dépend pas de toi. Bisous ma chérie. »
Suit une phrase guère optimiste et menaçante:«Tu n’es qu’un femme parmi des milliers et elles sont toutes bien meilleures que toi pour le rôle. » Puis une autre : Tu n’as jamais vécu ce que cette fille a vécu. Tu viens d’un milieu privilégié. Aisé. Qu’est-ce que tu en sais de ses souffrances ? Comment peux-tu prétendre les rendre vraies ? »
Ces interrogations de la jeune actrice.. qui n’est plus toute jeune quand même, sonnent juste. Et la voix insiste lourdement : « Sors les violons. Je vais te jouer un petit air pour accompagner ton histoire de pleurnicheuse. Tu t’en es bien sortie. Tu n’as jamais été «toi» car le vrai «toi» n’existe pas. Seulement un personnage dans l’attente d’un nouveau scénario. De toute façon, ce n’est pas pareil. Rien que le fait d’avoir essayer de mettre ces expériences sur le même plan, tu devrais avoir honte. C’est vraiment dégueulasse. »
Julie Zeno a une excellente diction, une belle présence et réussit à imposer son personnage avec maîtrise.Mais pourquoi la metteuse en scène lui a fait jouer en anglais ce solo teinté d’absurde et assez inégal. Et pourquoi avoir eu recours à des images de ce personnage filmé en gros plan? Une vieille ficelle usée dont on s’étonne qu’elle soit encore employée. Enfin, ces cinquante minutes passent très vite. A voir ? Oui, pour cette jeune actrice…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 23 mars, Théâtre de l’Echo, 31-33 Rue des Orteaux, Paris (XX ème).