Cérémonie d’ouverture : le 16 mars, Montbéliard devient Capitale française de la Culture

La Vouivre des plasticiens volants
Cérémonie d’ouverture : le 16 mars Montbéliard devient Capitale française de la Culture

Que d’inconnues pour l’ouverture de cette manifestation dirigée par Hervée de Lafond, co-directrice du Théâtre de l’Unité qui a été chosie par la communauté Pays de Montbéliard Agglomération (Doubs).  Au programme, trois cent événements artistiques prévus dans toutes les communes de la région sur l’année 2024.

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Pour cette cérémonie d’ouverture, cela été quatre mois infernaux, avec rebondissements chaque jour. Date, lieu, budget… Tout bouge sans arrêt. Nous commençons par imaginer un spectacle qui tournerait autour d’une rencontre entre Rachida Dati et Jamel Debbouze. Il viendrait amicalement, vu le rôle que nous avons joué dans sa vie quand le Théâtre de l’Unité était installé à Trappes : oui, disait Hervée de Lafond, on montrerait le rôle émancipateur de la Culture avec ces personnalités issues de l’immigration.

On les mettrait dans des nacelles pour qu’ils prononcent un discours et que s’instaure un dialogue. Donc, nous demandons un devis pour le son et la lumière mais il arrive très tard : environ 50.000 € . Catastrophe ! Le budget alloué est dépassé ! Mais ouf! Yannick Marzin, directeur de la Scène Nationale de Montbéliard, un des trois commissaires de cette opération, a réduit ses ambitions sur son évènement final et la balance se rétablit. Mais il faut sans arrêt colérer : ce qui est dit dans les réunions, n’est jamais acté….

L’heure approche et on nous annonce que Rachida Dati, pourtant ministre de la Culture, ne viendra pas : une claque humiliante! On lui écrit une lettre déchirante, pas tant pour regretter sa présence, que pour le symbole… Coup de théâtre : le député Renaissance Nicolas Pacquot a insisté et obtenu que le Premier Ministre soit présent et finalement à J moins trois, viendra seulement Gabriel Attal. Jamel Debouzze, lui, s’est désisté.
Mais qui dit Premier Ministre, dit mesures de sécurité abracadabrantes : démineurs, chiens dénicheurs de poudre, arrivée d’une trentaine d’hommes en noir… Mais aussi barrières de sécurité, tribune d’honneur  sécurisée et les nacelles que nous avions prévues, sont interdites.  On doit même évacuer une grande loge pour qu’en cas de problème, le Premier Ministre aille se réfugier dans le sous-sol de l’Axone. Et nous ne maîtrisons pas bien la communication : l’affiche est peu attirante, trop froide et on la voit mal.

 Météo menaçante avec pluie et vent. A plus de douze kms/heure, aucun feu d’artifice n’est autorisé, ni la Vouivre, animal géant gonflable. Combien de personnes attend-t-on ? Mille au minimum mais ce serait un échec. Jour de l’événement, les cordons de sécurité se mettent en place : les artistes eux-mêmes ne peuvent pas accéder au lieu. Les macarons n’ont pas été distribués. La camionnette du Théâtre de l’Unité a dans son coffre quarante kgs de produits mais le service de sécurité est inflexible : on ne passe pas. Nous appelons au secours le directeur de l’Axone, la grande salle de concerts et spectacles de Montbéliard mais tous les artistes, même un par un, ne réussissent pas à passer les barrières: le comble de l’absurdité….

Le premier Ministre arrivera en Falcon de la République mais l’avion ne peut pas atterrir à Courcelles-les-Montbéliard. Mais seulement à l’aérodrome militaire de Luxeuil à quarante kms.  Ensuite, un cortège de dix véhicules. On parle de snipers sur les toits… Nous allons débuter avec trente minutes de retard mais le public a envahi les espaces de jeu. Hervée de Lafond s’égosille, rien n’y fait. Il y aurait déjà environ 5.000 personnes, donc ce n’est pas la honte. Sans vent ni pluie. Ouf !

Notre Brigade d’Intervention du Théâtre de l’Unité accueille le Premier Ministre, il y a une horde  de micros, de journalistes et une armée de gorilles… il faut donc jouer avec les éléments. Enfin, ça y est : Gabriel Attal est enfin dans la tribune…Alors Hervée de Lafond dialogue avec lui, se déchaîne, le tutoie et l’appelle gosse, joue l’impertinence totale, le tutoie et le charrie : «T’es venu en jet pour une fête de la sobriété écologique, tu connais pas le TGV?  Et en plus, tu enlèves deux cent millions à la Culture. etc. » Il dit que ce n’est pas vrai mais il ment. Calme et très à l’aise, il sourit, il n’y a pas de micro prévu mais il répond quelquefois. Ce jeune homme a de l’avenir…

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Charles Demouge, président de Pays de Montbéliard Agglomération, a peur et annonce prématurément l’arrivée des soixante-treize maires à vélo avec le nom de leur municipalité:  ils sont soixante-douze, puisque, lui, ne pédalera pas. Cela commence mal : il y a un trou de dix minutes.Et puis trop de monde s’agglutine pour apercevoir la star Gabriel Attal.La patrouille de France à trottinettes avec fumigènes belu-blanc-touge se fraie un passage juste après les soixante-douze vélos.

On découvre très vite que notre scène centrale-espace de jeu n’est pas tout à fait assez haute basse pour que le public voit bien… Oui, mais il n’ y a aucun budget pour une retransmission sur grand écran. Les circuits, savamment préparés, sont abandonnés. Tout est trop lent, nous aurions voulu que les événements artistiques se mordent entre eux mais ce n’est pas le cas. Et le charriot-bar ambulant casse ses attaches: les deux chevaux franc-comtois ne peuvent plus le tracter ! Désastre ! Tant pis, il y aura une traction manuelle.

Les Femmes Puissantes (une trentaine de mères de famille des quartiers de Montbéliard) arrivent à défiler… très applaudies. Et sont bien là, le Vagabond Crew, une compagnie française de breakdance, championne du monde, danse sur du Haendel. Comme Lucie Quinton, originaire de Sartilly, près d’Avranches, elle aussi championne du monde, de freestyle. Puis les troupeaux de vaches montbéliardaises et d’oies passent au loin mais ont peur. 

© Lionel Vadame

© Lionel Vadame

Cela rame un peu et il y a des espaces sans rien. Risque d’ennui.. Une représentante du Premier ministre vient nous dire qu’il a une réunion importante et nous dit : merci et au revoir. Ah ! ça non ! Ce serait l’humiliation suprême.Alors nous accélérons et cela hurle dans les interphones. Hervée de Lafond demande au Premier Ministre encore dix minutes… Nous supprimons alors deux séquences. Et apparait alors la majestueuse Vouivre des Plasticiens volants et un merveilleux feu d’artifice imaginé par le groupe F sur la musique de l’hymne du Pays de Montbéliard. L’honneur est sauf, on termine bien et en majesté…Gabriel Attal filme sur son portable… Nous lui serrons la main  et tout le public chante : bon anniversaire à Hervée de Lafond qui a eu quatre-vingt ans. Gabriel Attal file très vite, après avoir consenti à quelques selfies. ll y a ensuite Zumba puis DJ Mimosa…

© Patrick Hertzog

© Patrick Hertzog

« On a triomphé pas vrai ? dit Hervée de Lafond, épuisée.» Oui,  certes mais d’extrême justesse. Nous aimons l’adversité et le « raté mieux » mais là, nous avons frôlé le bord du gouffre. Maud Le Floc’h qui fonde en 2007, avec le soutien du ministère de la Culture le pOlau-pôle des arts urbains, est la présidente du jury qui a choisi Montbéliard, comme Capitale française de la Culture et nous félicite.

Jacques Livchine, co-directeur du Théâtre de l’Unité


« Cela s’est à la fois très bien passé, dit Hervée de Lafond. J’ai chahuté le Premier ministre mais sans jamais être vulgaire. Mais je l’ai tutoyé, ce que n’ont pas supporté la bande des macroneux. Ils oublient que les artistes ont un rôle : titiller le Pouvoir en place…
Cela s’est aussi-un peu-mal passé. Je me suis plantée quant à la hauteur du podium où les breakers dansaient, on les voyait donc mal. Mais ce fut un joyeux bazar et nous avons réjoui bien du monde, la D.R.A.C. et le Préfet étaient contents, bref, je ne regrette rien. Même si Alexandre Gauthier, vice-président en charge de la politique culturelle et du patrimoine historique, premier adjoint au maire de  Montbéliard est furieux :
« Le côté répétitif des blagues, a-t-il dit, et le manque de respect ont mis mal à l’aise un grand nombre d’élus et des gens présents. Pour moi, il y a une rupture de confiance. Elle doit prendre du recul ».
Mais  je ne démissionnerai pas ! Je n’ai pas été méchante, ni humiliante. Je ne regrette rien, ce n’est pas une question de droite ou de gauche… Avec François Hollande ça aurait été pareil. Je l’ai chicané, tout le monde sait que j’interpelle les politiques depuis toujours.
Sur les réseaux sociaux et  quelques-uns se disent choqués: on ne tutoierait pas comme je l’ai fait, un Premier Ministre ! Mais nous pensons à Molière et Louis XIV : les sociétés ont besoin de bouffons ! Ils nous montrent que les Rois ne sont pas des Dieux mais des êtres humains aussi fragiles que nous tous…

 Hervée de Lafond, co-directrice du Théâtre de l’Unité 

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Archive pour 18 mars, 2024

Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, mise en scène de Sylvain Maurice

Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, mise en scène de Sylvain Maurice

Un drame publié en 1894 et mis en scène la même année  au Deutsches Theater de Berlin. Aurélien Lugné-Poë le créa à Paris l’année suivante. Alain Françon avait monté en 2003 cette pièce, moins jouée que Maison de Poupée encore récemment mise en scène (voir Le Théâtre du Blog). Cela valait donc le coup d’aller voir comment  Sylvain Maurice a pu la traiter.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Sur fond du conte de Hamelin, Eyolf (ici joué par Murielle Martinelli) un petit garçon de neuf ans, est tombé, encore bébé, d’une table à langer et cela l’a rendu handicapé à vie. Condamné à marcher avec des béquilles et à n’avoir que peu d’amis,  il aime beaucoup lire.
Une certaine Dame aux rats (
Nadine Berland) le fascine, il la suit et dans des circonstances mal élucidées, il se noiera dans un fjord. Au premier acte Henrik Ibsen, pose l’équation. Et ensuite ses parents essayeront d’analyser leurs rapports de couple en crise. Rita (Sophie Rodrigues) croit et dit que la simple présence d’Eyolf détruit l’amour qu’elle a pour Alfred (David Clavel)  son mari plongé dans des recherches philosophiques. Il voudrait se consacrer davantage à leur enfant. Désemparés après cette tragédie, il essayent d’en saisir le sens et finalement pour compenser, décideront de s’occuper des enfant très pauvres du village. Et Asta, la demi-sœur d’Alfred, (Constance Larrieu),elle, pour ne pas y laisser sa peau, s’enfuira de ce milieu toxique.

© Ch. Raynaud de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Alfred et Rita essayeront de se reconstruire mais déstabilisés, ils vont devoir apprendre à acquérir une autre identité, celle de parents d’un enfant brutalement décédé. Bien entendu, cette reconstruction se fait mal : la mort de leur petit garçon de neuf ans a servi de révélateur à leur mal-être personnel et à celui de leur couple. La fameuse crise des dix ans…
Lui a vécu à la montagne pour écrire ses livres, mais il avait renoncé
finalement à écrire sa grande œuvre pour assumer son rôle de père et se consacrer à cet enfant handicapé. Quand Eyolf se noiera, Rita, elle qui a sans doute trop donné, quand il a fallu s’occuper de cet enfant handicapé, veut vivre une seconde jeunesse, prête à tromper son marin. Asta, la jeune demi-sœur de son mari voudrait bien séduire l’ingénieur Borgheim (Maël Besnard) mais aussi Alfred.. Après la perte de leur enfant, auto-analyse de Rita et Alfred, accusations et confessions réciproques…
Henrik Ibsen ne nous épargne rien de ce conflit entre époux qui résonne encore très juste.
L’adaptation qu’en fait ici Sylvain Maurice, est honnête mais pas toujours claire, et on aurait aimé que sa mise en scène soit plus incisive, plus exigeante et  manque ici une véritable direction d’acteurs. A relire la pièce d’Ibsen, les personnages sont beaucoup plus violents et le grand dramaturge norvégien met le doigt là où cela fait mal.
Bref, cette version du Petit Eyolf  souffre  d’une esthétisation, avec une scénographie d’inspiration japonaise : sol brillant symbolisant la mer où Eyolf s’est noyé, longue et belle passerelle en bois noir devant un grand fond de scène à la Bob Wilson qui changera de lumière pastel selon les moments de la pièce. Beau mais pas très original et  surtout cela dessert les personnages qui semblent comme un peu suspendus: l’émotion ne surgit guère. L’interprétation de David Clavel et Sophie Rodrigues est sans doute un peu trop lisse et la diction, comme celle des autres acteurs, pas toujours au rendez-vous. Et ils ont du mal à imposer une vraie présence comme cette Dame aux rats qui va déclencher la tragédie. Bref, Sylvain Maurice n’a pas vraiment réussi son coup et c’est un spectacle décevant.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 8 au 16 mars au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique National, Manufacture des œillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine. T. : 01 43 90 11 11.

Le 21 mars, L’Archipel-Scène de territoire de Fouesnant ( Finistère).

Du 9 au 11 avril, Le  Quai-Centre Dramatique National d’Angers ( Maine-et-Loire).

 

Reporters de guerre, texte de Sébastien Foucault et Julie Remacle, mise en scène de Sébastien Foucault

Reporters de guerre, texte de Sébastien Foucault et Julie Remacle, mise en scène de Sébastien Foucault

Comment raconter la guerre à ceux qui ne l’ont pas vécue ? A quoi servent les journalistes qui prennent tous les risques pour nous informer? A ces questions, répondent des témoins : Françoise Wallemacq qui a couvert les événements pour la Radio-Télévision Belge Francophone, Vedra Bozinovic, reporter de guerre en Bosnie et Michel Villée, ancien attaché de presse de Médecins sans Frontières-Belgique, devenu marionnettiste. 

© Françoise Robert

© Françoise Robert

Sébastien Foucault avec sa compagnie Que faire? mène en Belgique une recherche approfondie sur la guerre en Bosnie (1992-1995). La pièce expose, dans une première partie, les conditions de travail de la presse et nous remet en mémoire cette guerre fratricide qui déchira l’ex Yougouslavie, après la mort du maréchal Tito.
Ici, pas question d’en explorer les raisons et mécanismes mais plutôt de montrer le rôle des médias qui luttent contre la propagande des États, en opposant la vérité du terrain en temps réel, aux déclarations des va-t’en-guerre. La Bosnie-Herzégovine, petit pays de trois millions d’habitants, a vu un tiers de sa population s’exiler pour fuir les bombardements et une épuration ethnique… sous le regard indifférent de l’Europe, et malgré la présence des Casques bleus de l’O. N. U. 

Les trois journalistes passent en revue leurs souvenirs et rediffusent des extraits de leurs reportages en direct, ou des enregistrements de l’époque. Dans un studio de radio rebâti, Vedra Bozinovic raconte dans sa langue, la fin du film Blade Runner, pour les auditeurs de Sarajevo, privés de cinéma : ambiance apocalyptique !
On entendra ensuite Françoise Wallemacq interviewer, dit-elle, des gens «pour que d’autres puissent s’identifier à eux. » (…) On croyait que ça servait à quelque chose, que les démocraties réagiraient. (…) Elle se considère comme « une passeuse », plus modeste que Paul Marchand. Plus Individualiste que provocateur, il bravait la mort sur le front de Sarajevo. Michel Villée était, lui à Srebrenica, quand ont été massacrés huit mille hommes et adolescents bosniaques… Médecins Sans Frontières était la seule source d’information. 

Nous revivons avec eux les événements à travers leurs regards vingt-cinq ans après. Passionnant et édifiant, alors qu’une nouvelle guerre sévit en Europe. 

Dans un deuxième temps Reporters de guerre évoque le bombardement, par l’armée serbe, de la ville de Tuzla, le jour d’une fête de la jeunesse ! Soixante et onze personnes tuées, deux cents blessées : la plupart avaient moins de vingt-cinq ans…. Les interprètes essayent de faire revivre physiquement cette tragédie et sollicitent les spectateurs pour les impliquer et désignent ceux qui seront touchés par un obus. Ils vont reconstituer la mort du petit Sandro, représenté par une marionnette, dans les bras de ses parents, à une terrasse de café, un 25 mai ensoleillé de 1995…
Mais cela peine à nous émouvoir et détonne avec la première heure du spectacle où les protagonistes exprimaient leurs doutes quant à l’influence de leur travail sur le cours des événements. La force évocatrice de leurs témoignages se dilue dans le pathos et la théâtralité minimaliste quasi-documentaire se perd ici dans une démonstration laborieuse.
Mais il faut applaudir Françoise Wallemacq, Vedra Bozinovic et Michel Villée, mémoires vivantes d’un conflit trop vite oublié et représentants de ces journalistes courageux, liens essentiels entre les populations victimes de la guerre, et celles qui vivent encore en paix. 

Mireille Davidovici

Spectacle vu au Théâtre Populaire de Montreuil, 10 place Jean Jaurès, Montreuil (Seine-Saint Denis). T. : 01 48 70 48 90.

 

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