Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, mise en scène de Sylvain Maurice
Petit Eyolf d’Henrik Ibsen, mise en scène de Sylvain Maurice
Un drame publié en 1894 et mis en scène la même année au Deutsches Theater de Berlin. Aurélien Lugné-Poë le créa à Paris l’année suivante. Alain Françon avait monté en 2003 cette pièce, moins jouée que Maison de Poupée encore récemment mise en scène (voir Le Théâtre du Blog). Cela valait donc le coup d’aller voir comment Sylvain Maurice a pu la traiter.
Sur fond du conte de Hamelin, Eyolf (ici joué par Murielle Martinelli) un petit garçon de neuf ans, est tombé, encore bébé, d’une table à langer et cela l’a rendu handicapé à vie. Condamné à marcher avec des béquilles et à n’avoir que peu d’amis, il aime beaucoup lire.
Une certaine Dame aux rats (Nadine Berland) le fascine, il la suit et dans des circonstances mal élucidées, il se noiera dans un fjord. Au premier acte Henrik Ibsen, pose l’équation. Et ensuite ses parents essayeront d’analyser leurs rapports de couple en crise. Rita (Sophie Rodrigues) croit et dit que la simple présence d’Eyolf détruit l’amour qu’elle a pour Alfred (David Clavel) son mari plongé dans des recherches philosophiques. Il voudrait se consacrer davantage à leur enfant. Désemparés après cette tragédie, il essayent d’en saisir le sens et finalement pour compenser, décideront de s’occuper des enfant très pauvres du village. Et Asta, la demi-sœur d’Alfred, (Constance Larrieu),elle, pour ne pas y laisser sa peau, s’enfuira de ce milieu toxique.
Alfred et Rita essayeront de se reconstruire mais déstabilisés, ils vont devoir apprendre à acquérir une autre identité, celle de parents d’un enfant brutalement décédé. Bien entendu, cette reconstruction se fait mal : la mort de leur petit garçon de neuf ans a servi de révélateur à leur mal-être personnel et à celui de leur couple. La fameuse crise des dix ans…
Lui a vécu à la montagne pour écrire ses livres, mais il avait renoncé finalement à écrire sa grande œuvre pour assumer son rôle de père et se consacrer à cet enfant handicapé. Quand Eyolf se noiera, Rita, elle qui a sans doute trop donné, quand il a fallu s’occuper de cet enfant handicapé, veut vivre une seconde jeunesse, prête à tromper son marin. Asta, la jeune demi-sœur de son mari voudrait bien séduire l’ingénieur Borgheim (Maël Besnard) mais aussi Alfred.. Après la perte de leur enfant, auto-analyse de Rita et Alfred, accusations et confessions réciproques…
Henrik Ibsen ne nous épargne rien de ce conflit entre époux qui résonne encore très juste. L’adaptation qu’en fait ici Sylvain Maurice, est honnête mais pas toujours claire, et on aurait aimé que sa mise en scène soit plus incisive, plus exigeante et manque ici une véritable direction d’acteurs. A relire la pièce d’Ibsen, les personnages sont beaucoup plus violents et le grand dramaturge norvégien met le doigt là où cela fait mal.
Bref, cette version du Petit Eyolf souffre d’une esthétisation, avec une scénographie d’inspiration japonaise : sol brillant symbolisant la mer où Eyolf s’est noyé, longue et belle passerelle en bois noir devant un grand fond de scène à la Bob Wilson qui changera de lumière pastel selon les moments de la pièce. Beau mais pas très original et surtout cela dessert les personnages qui semblent comme un peu suspendus: l’émotion ne surgit guère. L’interprétation de David Clavel et Sophie Rodrigues est sans doute un peu trop lisse et la diction, comme celle des autres acteurs, pas toujours au rendez-vous. Et ils ont du mal à imposer une vraie présence comme cette Dame aux rats qui va déclencher la tragédie. Bref, Sylvain Maurice n’a pas vraiment réussi son coup et c’est un spectacle décevant.
Philippe du Vignal
Le spectacle a été joué du 8 au 16 mars au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique National, Manufacture des œillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine. T. : 01 43 90 11 11.
Le 21 mars, L’Archipel-Scène de territoire de Fouesnant ( Finistère).
Du 9 au 11 avril, Le Quai-Centre Dramatique National d’Angers ( Maine-et-Loire).