Larzac! Une aventure sociale racontée par Philippe Durand

Larzac! Une aventure sociale racontée par Philippe Durand

 « Gardarem lo Larzac !» Tout a commencé sur ce Causse des Cévennes en 1971, quand le gouvernement, par la voix du ministre de la Défense Michel Debré, voulut imposer l’extension d’un vaste camp militaire. Radicale, la colère se répand et les paysans, soutenus par la France entière, se mobilisent et signent un document : «Le Larzac restera/Notre terre servira à la vie/ Des moutons, pas de canons/ Jamais nous ne partirons./ Debré, de force, nous garderons Larzac!» La lutte dura jusqu’en 1981 quand, sur décision de François Mitterrand, élu président de la République, ce projet fut vite abandonné. Les paysans avaient vaincu et l’agriculture au Larzac maintenant se porte bien, comme en témoigne Philippe Durand. D’où le point d’exclamation de son titre…

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Après le succès de 1336 (Parole de Fralibs)*, un seul en scène construit à partir d’interviews des ouvriers de Fralib,  » Française d’alimentation et de boissons». Après plus de trois ans de lutte, ils remportèrent une victoire sans précédent sur cette multinationale anglo-néerlandaise d’Unilever qui voulait délocaliser la production…
Ici, l’acteur récidive et donne la parole aux paysans du Larzac. Avec lui, ce ne sont pas les anciens combattants des années soixante-dix qui s’expriment, comme dans le film Tous au Larzac de Christian Rouaud  (2011) mais leurs dignes héritiers. A la suite de leurs aînés, ils n’ont cessé d’inventer des solutions pour garder la main et vivre sur leur territoire. 

 En 1984, ils ont fondé en la Société Civile des Terres du Larzac pour exploiter les 6.300 hectares cédés par l’État, avec un bail emphytéotique jusqu’en 2085. Cette structure gérée collectivement met à disposition ferme et terre agricole à des nouveaux venus,  à condition de les quitter à l’âge de la retraite, pour les transmettre à la génération suivante. Le foncier devenant non comme un capital sur lequel spéculer, mais « un outil de travail à valeur d’usage ».

© Mas Razal

© Mas Razal

L’acteur s’empare des mots des Larzaciens, avec leur phrasé, leurs silences et, derrière, leurs manières de dire. Ce sont eux qui se trouvent devant nous, à nous raconter en personne l’expérience hors du commun de la S.C.T.L. : « On a construit avec les anciens, tu vois/ Donc, c’est vraiment construit avec la mémoire syndicale mais vivante /Pas une mémoire syndicale livresque, tu vois, ouais !/ On a fait des colloques/ On a fait des journées du foncier/ Avec des gens qui venaient de toute la France si tu veux (…) »

Assis à sa table de conférencier, l’acteur fait surgir devant nous une galerie de personnages, sans jamais forcer l’expression, composer ou caricaturer. Une parole brute pour nous dire leur vie sur le Causse, la beauté des paysages, la rudesse du climat et le bonheur d’être son propre maitre.Il est possible de travailler la terre autrement qu’en la possédant, disent-ils aussi: «Et on a obligé les gens à être imaginatif sur quoi produire sur ces fermes/ plutôt qu’d’se dire : «Plus j’ai d’hectares et plus je vais m’en sortir » /c’est ça le raisonnement autour hein !/Et autour/on voit bien que le pays se désertifie quoi /ça a permis/ Qu’on est le seul secteur en France/ où y a plus de paysans aujourd’hui qu’y en avait dans les années 80.»

 «J’ai retrouvé cette langue que j’avais considérée comme un trésor populaire dès mon premier projet Paroles de Stéphanois, dit Philippe Durand. Ils ont le verbe haut, coloré, l’esprit vif, joyeux, le sourire dans les yeux, la poésie sous la langue, la pensée fulgurante de bon sens. » Ce chaleureux spectacle nous transmet la relation de sympathie et confiance que l’artiste a établies avec une quarantaine de femmes et d’hommes, toutes générations confondues. Il est resté longtemps parmi eux, habitant dans une caravane au milieu des champs, pour partager une expérience unique.
Il voit en la S.C.T.L. un laboratoire foncier: «L’outil fait rêver. Il a pu m’apparaître parfois comme un eldorado démocratique. Mais l’aventure de la démocratie est un vrai travail. Elle ne va pas sans difficultés. » Philippe Durand tisse de multiples points de vue, sans nier la complexité de la vie collective. Une nouvelle paysannerie issue des luttes anciennes, n’est plus viscéralement attachée à la terre jusqu’à se faire posséder par elle comme dans La Terre d’Émile Zola.

Ce modèle attire beaucoup de néo-ruraux de toute origine qui n’ont pas à s’endetter à vie , soit une centaine de sociétaires, agriculteurs ou pas. Il y a même une troupe de théâtre. Le plus dur : tout laisser à la retraite mais le collectif envisage des solutions et beaucoup restent au pays. Un modèle social que ce spectacle contribuera à transmettre, à faire découvrir et connaître.

Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 15 mars au Théâtre des Sources, Festival des arts de la parole jusqu’au 5 avril, 8 avenue Jeanne et Maurice Dolivet, Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). T. : 01 71 22 43 90.

 Du 20 au 24 mars, Théâtre Jean Lurçat, Scène Nationale d’Aubusson (Creuse) ; du 26 mars au 7 avril,  MC2 Grenoble (Isère).

Du 9 au 11 avril, Mont-Saint-Aignan, Rouen (Seine-Maritime) ; les 19 et 20 avril, Théâtre Le Hangar, Toulouse (Haute-Garonne) ; du 25 au 27 avril, avec l’association Traverse, à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) .

Les 2 et 3 mai, dans les villages de la Communauté de communes de la Châtaigneraie (Cantal).

Du 29 juin 21 juillet, Théâtre des Halles, Avignon (Vaucluse).

*Parole de Fralibs est publié aux éditions D’ores et Déjà.

 

 

 

 

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