La Terre,d’après le roman d’Émile Zola, adaptation d’Anne Barbot et Agathe Peyrard, mise en scène d’ Anne Barbot

La Terre, d’après le roman d’Émile Zola, adaptation d’Anne Barbot et Agathe Peyrard, mise en scène d’Anne Barbot

 Alors que la France  et l’Europe subissent une crise agricole de plus, l’adaptation de cette tragédie paysanne apporte un nouvel éclairage à ce roman (1887). À un siècle et demi d’intervalle, on trouve d’étranges similitudes avec l’actualité. Comme l’auteur, Anne Barbot a rencontré des agriculteurs: «Ma manière de les questionner sur leurs pratiques était de leur lire La Terre et tout résonnait… Un dialogue s’engageait entre hier et aujourd’hui, entre Émile Zola, eux et moi. C’était fascinant et effrayant.»

Les comédiens accueillent chaleureusement le public: nous sommes à Rognes, en Beauce, dans la ferme des Fouan: les femmes préparent la soupe, les hommes jouent aux cartes, tous discutent des affaires familiales. Le père Fouan, au bout du rouleau, annonce qu’il va prendre sa retraite et distribuer ses biens à ses trois enfants : à charge à eux de l’héberger, le nourrir et lui donner deux cents francs de rente chacun.
Le partage, par tirage au sort sème la zizanie entre Hyacinthe, la tête brûlée du clan, Fanny, mariée à Delhomme, un riche fermier et maire du village et Buteau, l’aîné, colérique et fier à bras, qui s’estime lésé. Il y a aussi les cousines : les sœurs Mouche. Buteau a fait un enfant à Lise, l’aînée qu’il épousera plus tard quand elle héritera de la ferme du tonton.
Buteau poursuit la cadette Françoise et la viole mais elle se marie avec Jean, un ouvrier agricole, venu de la ville…. Un mariage qui inquiète Buteau, redoutant de voir une partie de l’héritage passer dans les mains de cet étranger!

 

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Mais les enfants se déchirent et ne tiennent pas leur promesse d’aider le patriarche qui a perdu de sa superbe et les affaires tournent mal. Hyacinthe, épicurien et révolté, boit son héritage au bistrot du village et finit sans le sou. Buteau, malgré son mariage avec Lise pour agrandir son domaine, n’arrive pas à joindre les deux bouts et vend une partie de ses terres à son beau-frère, Delhomme : lui a parié sur la mécanisation, les engrais chimiques et l’agriculture intensive pour plus de profits… Mais endetté, il a fait le mauvais choix en suivant la voie du «progrès » : suite à un traité de libre échange avec les Etats-Unis, le blé américain inonde le marché français et entraîne la chute des prix…

Anne Barbot a resserré l’action autour du noyau familial, avec des séquences dialoguées qui s’enchaînent avec fluidité en deux heures trente. Camille Duchemin a imaginé une scénographie épurée: le fond de scène, jonché de paille, laisse deviner l’écurie, la grange et les champs. La famille élargie aux cousines, d’abord réunie autour d’une grande table, s’éparpillera en plusieurs entités. Les huit interprètes construisent des personnages très typés et leur jeu, parfois un peu caricatural, flirte avec le naturalisme mais ils restent convaincants.

La mise en scène est d’une grande précision et le spectacle va à un bon rythme, de drame en drame. Comme Jean, arrivé dans ce monde impitoyable, nous assisterons à la déchéance du patriarche, la violence du fils ainé, l’avarice de la fille, l’appétit financier du gendre et les ravages de l’alcoolisme chez le cadet… Il y a chez la plupart, un attachement atavique à la terre. Un paysan qui emprunte,dit le père à ses enfants,  est un homme fichu. »
Des agriculteurs et/ou éleveurs ruinés, contraints de vendre terres, bétail, machines et ferme, on en voit malheureusement beaucoup aujourd’hui. Certains se battent pour trouver d’autres modèles, comme au Larzac : en témoigne le spectacle de Philippe Durand (voir Le Théâtre du Blog). D’autres abandonnent ou mettent fin à leurs jours. Mais qui les entend? Et s’ils faisaient grève, dit Jean, qui nourrirait Paris ? Ce spectacle est une vraie réussite.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 18 mars au Théâtre Gérard Philippe-Centre Dramatique National, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis, (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.

Le 5 avril, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (Essonne); le 8 avril, Le Nest, Thionville  (Moselle).

Le 3 mai, Théâtre de Châtillon-Clamart (Hauts-de-Seine).

 

 

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