Je voudrais pas crever de Boris Vian, mise en scène de Georgina Ridealgh et Jonathan Perrein

Je voudrais pas crever de Boris Vian, mise en scène de Georgina Ridealgh et Jonathan Perrein

Un  titre qui reprend les premiers mots du recueil de ce merveilleux écrivain touche-à-tout, au meilleur sens du terme… A l’origine, élève ingénieur à Centrale, il était vite devenu parolier. Le Déserteur, chanson pacifiste contre la guerre d’Indochine, fut sévèrement censurée en 58 pendant la guerre d’Algérie!) Mais elle lui avait valu un énorme succès chez les jeunes.
Il fut aussi chanteur, critique musical,  trompettiste de jazz. Et romancier bien connu sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, avec entre autres, J’irai cracher sur vos tombes qui avait fait scandale. Ce roman avec pastiche de scènes érotiques de romans noirs américains, lui avait valu un procès retentissant. Depuis ses œuvres romanesques ont été éditées dans la Pléiade en 2010!  Boris Vian collectionnait aussi les autos anciennes et avait même réussi à rouler un vendeur de voitures d’occasion…

« Je voudrais pas crever Avant d’avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d’argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un coté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards. »

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Dans cette petite cave voutée, Jonathan Perrein, acteur, et Guillaume Barre, son ami d’enfance et complice guitariste, ont essayé pour célébrer le centenaire de la naissance de ce poète mort brutalement en 57, de mettre en musique les poésies extraites de ce recueil. «Nous utilisons, dit Jonathan Perrein, la guitare sèche qui est à la fois douce joyeuse, introspective: elle fait naître sa pensée poétique et permet à l’artiste de se livrer intimement, elle est une recherche sensitive, une invitation à entrer dans sa tête pour accéder à un univers émotionnel.» Pourquoi pas? Même s’il est toujours risqué de s’envoyer des fleurs avant une création… Mais nous n’avons guère, sauf à quelques moments, ressenti «l’humanité, l’humour, l’angoisse et la désinvolture que Boris Vian a pu y mettre. »

La faute à une mise en scène qui n’est pas du bois dont on fait les fûtes: rythme approximatif, mauvais éclairages (mais comment les réussir dans un aussi petit espace?), boîte à rythme qui n’a rien à faire là, intrusion sans intérêt des interprètes dans la salle, encombrante et assez laide petite table à tiroir-porte-manteau, deux tabourets en médium, carpette casse-gueule: le tout nommé avec une certaine prétention : «scénographie »… Cela fait quand même beaucoup d’erreurs…
Nous aurions aimé trouver une évocation plus juste, plus poétique de ce merveilleux écrivain fou qui a vécu sa vie à toute vitesse mais le duo acteur/guitariste, censé mettre en valeur ses poèmes et sans doute pavé de bonnes intentions mais trop sage, trop appliqué, ne fonctionne pas bien. Ce court spectacle «poético-musical» (sic) de cinquante-cinq minutes est décevant. Dommage pour Boris Vian… et le public.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 14 mai, Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris ( IV ème). T. : 01 42 78 46 42


Archive pour 27 mars, 2024

Rencontre avec Enki Bilal : les rapports de la danse et du neuvième art.

Rencontre avec Enki Bilal : les rapports de la danse et du neuvième art

Chaillot a invité la bande dessinée au foyer de la danse. Maximilien Chailleux, directeur de l’académie Delcourt qui y expose les dessins de ses élèves et Pierre Lungheretti se sont entretenus en public avec Enki Bilal autour du thème: dessiner la danse. Puis le danseur Mourad Bouayad a fait une performance qui a été croquée en direct par Edmond Baudoin

© Fred Tanneau

© Fred Tanneau

Enki Bilal, originaire d’ex-Yougoslavie, a, enfant, découvert à Belgrade, des spectacles et des films produits localement mais aussi, entre autres, des westerns. Cela lui a donné envie de créer des images vivantes: «Avec les autres garçons, nous faisions des dessins à la craie sur les trottoirs. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai découvert les magazines de B.D. Pilote, Tintin, et Spirou.
Je vais alors vers les dessins réalistes, comme ceux de Gir (alias Moebius ou Jean Giraud), Jean-Claude Mézière mais aussi Uderzo avec ses albums Tanguy et Laverdure. Je découvre aussi Gotlib, sa folie, son humour son irrévérence… Tout cela aujourd’hui, n’existe plus .»

« On doit maintenant faire attention, dit Enki Bilal, à ce que l’on dit: on a tellement régressé, je ne dis pas que c’était le bon vieux temps mais cela lui ressemblait un peu. Aujourd’hui quel est le sort des dessinateurs de presse quand les grands journaux suppriment leur poste. » Il évoque la connaissance, la transmission et la Culture et selon lui, en perdition : « Il y a une accélération du négatif, du futile, de l’individualisme, du communautarisme. Tout un tas de choses en: «isme». Seul, le mot humanisme est à sauver. »
Pour Enki Bilal, la bande dessinée était florissante des années soixante à quatre-vingt dix, en France et en Belgique mais elle a été peu soutenue par les tutelles. «On est dans un pays où la puissance du Verbe est forte, où le dessin paraît moins essentiel, plus anecdotique, pas sérieux et destiné à l’enfance. C’est dommage. »

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Rien de plus beau pour lui, qu’associer récit et dessin. Il évoque aussi sa collaboration avec Angelin Preljocaj pour la scénographie et les costumes de Roméo et Juliette, à l’Opéra de Lyon en 90… Tous deux originaires des Balkans, se sont rencontrés pendant la guerre de Yougoslavie : «C’était le moment de faire ce spectacle: on pouvait imaginer une Juliette croate et un Roméo bosniaque ou serbe. Angelin connaissait mon travail et je lui ai proposé le principe du mur, un thème que j’avais abordé ailleurs et qui est  un symbole de la bêtise humaine.»

L’artiste a dessiné de nombreux visages et corps, ce qui le rapprochait de la chorégraphie d’Angelin Preljocaj. Maximilien Chailleux souligne qu’il existe plusieurs états du corps dans ses œuvres. « Le corps est une enveloppe précieuse, dit Enki Bilal. Je m’occupe des corps du présent et du futur, d’où une certaine hybridation, je ne glorifie pas ceux du passé.  Dans mes récits, les individus sont opprimés par la société. Le corps les porte dans la résistance, la défaite ou la victoire. Dans un ballet, le corps et sa mouvance prennent tout leur sens. Mes B.D. ne sont pas des récits de mouvements qui sont plutôt dans les idées et les têtes et j’ai choisi d’être plutôt statique. »

Enki Bilal parle ensuite de Shakespeare Bilal: une rencontre (2023) qu’il a écrit avec Marie Barbier, journaliste qui écrit aussi des livres sur des artistes, illustrés par Druillet, Blutch. «Shakespeare, dit-il, est une rencontre pour moi et sa palette d’histoires m’a impressionné. J’ai utilisé celle de Roméo et Juliette dans Julia et Roem (2011) où des survivants manipulés sont mis en situation de vivre l’histoire de ces jeunes gens. A un moment, ils citent le texte du grand dramaturge.»

Enki Bilal évoque aussi une autre spectacle pour lequel il a réalisé décor et costumes, La Solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Kristian Frédric (2023) à l’Espace Cardin-Théâtre de la Ville (voir Le Théâtre du Blog). Enfin, un spectateur souligne l’importance de la couleur chez cet artiste  Il dit en avoir très vite senti le potentiel dans la narration: «Il ne s’agit pas simplement de mettre de la couleur sur le réel mais sur le dessin, et elle peut se substituer aux mots, devenir narrative… Le rouge, le bleu, le gris viennent donner une autonomie au dessin et j’ai ainsi quitté celui au trait. »

Jean Couturier

Rencontre le 19 mars à Chaillot-Théâtre National de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T. : 01 53 65 31 00.

Un Conte d’automne, texte et mise en scène de Julien Fišera

Un Conte d’automne, texte et mise en scène de Julien Fišera

L’auteur et metteur en scène s’est inspiré des albums de Catharina Valckx, écrivaine de littérature jeunesse et illustratrice, née en France de parents néerlandais. Elle a ensuite été élève à l’académie d’art de Groningen et vit aujourd’hui à Amsterdam. Elle a notamment raconté la vie de Totoche, une petite souris…
Dans cette histoire d’apprentissage, Prune, une très jeune fille, a quitté le cocon familial qui commençait sans doute, à être étouffant… Elle arrive dans une forêt en comptant ses pas et en tirant une petite charrette orange à quatre roues. En short et baskets, elle a envie de découvrir un monde qu’elle ne connaît pas. Premier ennui, elle essaye de déplier sa tente Quechua mais en vain ! Ce qui la transforme en une sorte de petit monstre… Mais la nuit tombe:«Quelle fatigue aujourd’hui. Autour de nous, tout n’est que lassitude et épuisement. Les arbres se désintéressent de leurs feuilles et celles ci finissent par se laisser aller. La grande dégringolade. Plus goût à rien. »

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Elle va alors rencontrer Maggi, une jeune fille plus âgée qu’elle et qui vit aussi dans une tente, une sorte de grand igloo en tissu. Elles ne se sont jamais vues, donc ne se connaissent pas et vont devoir s’apprivoiser. De cette rencontre, naîtra une belle amitié. C’est aussi l’occasion pour Prune d’affirmer son identité.  Et voilà, stop ! C’en est fini.
Après cette scène initiale, l’auteur n’arrive en effet jamais à faire décoller sa pauvre histoire qui fait du surplace pendant une demi-heure, et l’éternité, c’est vraiment long, surtout vers la fin.
Quant à ce qui ressemble de loin à une mise en scène… Le décor qui se voudrait poétique, est assez laid, les lumières trop sombres et les actrices qui n’ont pas été dirigées, peinent à donner vie à ces minces dialogues sans aucun poids ni poésie…
Et quand Prune et Maggi sont dans la grande tente, on les voit mal et les actrices qui minaudent parfois, en font des tonnes pour essayer de rendre crédibles leurs personnages… surtout quand elles se chamaillent. Aucun véritable humour, aucune émotion !

Que sauver de cet échec programmé? Quelques belles images comme l’installation par Prune de sa tente qui devient comme une sculpture, puis une scène avec elle et Maggi, en ombres chinoises… Et des paysages de forêt projetés en vidéo. Cela ne fait quand même pas beaucoup pour cinquante-cinq minutes de spectacle, et l’ennui tombe, implacable!
Reste une question : pourquoi cet ovni sans aucun intérêt scénique est-il arrivé au Dunois et pourquoi ira-t-il ensuite se poser au Théâtre de la Ville? Qui l’a programmé? Il y a des limites à ne pas franchir et le théâtre pour enfants doit absolument appartenir au meilleur: texte, jeu, scénographie, costumes, son, lumières… Mais ici tout est d’une médiocrité absolue et ne mérite en aucun cas, le déplacement! Vous voilà avertis: au moins que cette matinée perdue serve à quelque chose… s’il est encore temps!

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 29 mars,Théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss, Paris (XIII ème). T. : 01 45 84 72 00.

Du 3 au 7 avril, Théâtre de la Ville, Paris ( IV ème).  Les 23 et 24 avril, Les Ulis (Essonne).

 

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