Mobile Home de Sarah Carré, mise en scène de Mathieu Roy

Mobile Home de Sarah Carré, mise en scène de Matthieu Roy 

 Pour la compagnie du Veilleur dirigée par Matthieu Roy, la question du répertoire est essentielle dans le parcours éthique et esthétique de son équipe. La transmission et la rencontre avec le public sont aussi fondamentales dans leur pratique professionnelle du théâtre et se manifestent concrètement au fil de leurs créations. Comme exemple, ce spectacle à l’attention des adolescents, mais pas que !

La pièce, une commande faite à Sarah Carré, par Culture Commune-Scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, met en scène l’amitié de trois adolescents d’une quinzaine d’années: Dino, Poney et une fille, Côtelette. Des prénoms inventés, inspirés de la vie de chacun des personnages : Côtelette a été anorexique, Dino en raison de ses origines italiennes, Poney aîné d’une famille monoparentale doit prendre soin des plus jeunes « du troupeau » et aider sa mère stressée ! Ces surnoms ne manquent pas d’humour, et sont à l’image de ce moment où la construction de l’identité se joue du rapport entre réalité et fiction, entre imaginaire et quotidien  et où l’on décide de  «Qui je suis ».
Au début de la pièce, Côtelette annonce à ses camarades, un événement aussi joyeux… que problématique, vu son âge! Elle est enceinte, faut-il garder l’enfant? Elle, le souhaite et demande l’avis et conseil à ses compagnons de route. Eux-même emportés par une envie de liberté. Vivre sa vie, s’éloigner du carcan familial, mais comment? et sans faire souffrir père et mère, et sans argent …Le public finit par se poser la question : Et si l’aveu de Côtelette n’était qu’un stratagème pour partir et tout quitter, non pas seule mais avec Dino et Poney ? Rester ensemble, comme une protection et une force pour se jeter à corps perdu dans cet ailleurs tant désiré ! De cette situation cornélienne, va naître un paysage sensible, drôle et émouvant de l’adolescence aujourd’hui. Le projet est né en 2019, juste avant la crise de la covid et pour l’autrice, comme pour le metteur en scène,  il était nécessaire d’aller à la rencontre et à l’écoute des collégien(ne)s pour écrire ce texte à la fois poétique et social. Le travail accompli est l’aboutissement d’une réflexion de fond, après une résidence dans quatre collèges. Mobile Home dit avec une grande sensibilité  à la fois l’humour, la dérision, les doutes et le besoin d’idéal de cette bande d’amis. Et en filigrane leur point de vue sur leur famille respective. Leurs paroles transcendent le réel de leur quotidien, leurs rêves et tourments. 

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La pièce est destinée à se jouer »Hors les murs » pour s’adresser plus facilement à un large public, à la jeunesse, à tous ceux qui ne vont pas souvent ou jamais au théâtre. En ce sens, une scénographie facilement adaptable avec le choix d’un décor unique et simple, juste un canapé, des chaises, une table… et pour les acteurs, des costumes au goût du jour. De bric et de broc, le lieu devient un endroit hors du monde, celui de Côtelette, Dino, et Poney où  tous les espoirs sont permis ! Mais la réalité rôde…Le public entre aussitôt en empathie avec ce trio attachant. Leurs liens d’amitié forts, animés par leurs personnalités différentes et leur prise de position sur ce dilemme, suscitent notre émotion et sont convaincants pour parler, sans aucune caricature, de la jeunesse actuelle.  Grâce à une parole évocatrice, juste et fine, parfois hardie, nous  prenons part à l’univers si singulier de cet âge de la vie où les folies les plus inattendues peuvent être au rendez-vous. La situation dramatique réaliste, vécue par les personnages au coeur de ce passage, complexe, de l’enfance qui s’éloigne et du monde adulte qui s’approche, est remarquablement mise en scène et jouée. Clara Thibault, Anthony Jeanne et Théophile Sclavis laissent jaillir une spontanéité, une complicité et une joie avec lesquelles le spectacle prend toute sa force…

Mise en scène simple mais à la fois énergique et subtile: Matthieu Roy a un regard lucide et bienveillant sur ce temps agité de la jeunesse où, depuis toujours, l’être en pleine évolution psychique et existentielle, se cherche.  Le spectacle et le texte de Sarah Carré, réussissent à faire entrer en résonance sans parti-pris et avec fantaisie, un désir profond de réaliser un idéal, une vision de la vie. Coûte que coûte et quelle soit la réalité, celle d’aujourd’hui  plutôt sombre et complexe!    

Ce jour là, dans le cadre de Culture commune et ses actions sociales et artistiques, il y avait nombre de jeunes collégien(ne)s dans le public. Après le spectacle, au « bord de plateau » avec l’équipe artistique, leurs questions judicieuses, originales et sensibles ont confirmé la qualité de ce portrait de l’adolescence. Mais aussi la nécessité de l’art théâtral au collège: tous étaient inscrits à un atelier théâtre proposé dans le cadre scolaire.  Leur analyse du spectacle s’est avérée pertinente et l’un d’eux a eu ces mots d’une remarquable lucidité sur l’éclairage: « C’est un autre langage, une autre façon de raconter l’histoire. » Cela confirme bien la nécessité pédagogique du théâtre à l’école pour développer un esprit critique, une ouverture à l’autre et aux différences. Mais aussi faire naître une conscience objective face au monde qui va s’ouvrir à ces futurs adultes.

 Elisabeth Naud 

 Spectacle vu à L’Escapade, 263 rue de l’abbaye, Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 12 avril. T. :  03 21 20 06 48.

 

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