Livres et revues

Le Sacrifice comme acte poétique d’Angélica Liddell, traduction de Christilla Vasserot

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La grande créatrice espagnole écrit les pièces qu’elle a met en scène et joue mais aussi des poèmes, récits, journaux personnels. Elle prépare actuellement le spectacle (déconseillé aux moins de seize ans) qui inaugurera dans la Cour d’honneur au Palais des Papes, le 78 ème festival d’Avignon Dämon, El funeral de Bergman, une sorte d’hommage au célèbre cinéaste suédois qui avait écrit le scénario de ses obsèques…
Il est bon de relire Le Sacrifice comme acte poétique,  un petit recueil où  sont rassemblées douze conférences et entretiens.
Angélica Liddell y évoque avec une rigueur exemplaire sa création artistique et les processus dramaturgiques parfois très violents de ce théâtre à la fois subversif et poétique inspiré par sa vie personnelle. Il a bouleversé, il y a plus d’une dizaine d’années la scène occidentale (voir Le Théâtre du Blog) et  son œuvre qui a aussi beaucoup à voir avec les arts plastiques, possède une rare violence poétique «nécessaire,dit-elle, pour combattre la violence réelle». Et il faut donc des œuvres inacceptables par les bien-pensants officiels que les bourgeois doivent bien de temps en temps payer le fait d’être imbécile, méchant et ignorant… Et elle cite un extrait de L’Ane mort,  le fameux texte d’Apulée,  bon exemple, dit-elle avec raison, de violence poétique.

Dans La Passion selon Angélica Liddell, la préface écrite par Christilla Vasserot, sa traductrice souligne une sorte d’obsession « Il faut retrouver, dit-elle, l’intimité à l’encontre de la fosse commune et représenter l’angoisse privée sur une scène publique. »
Et ses textes théoriques n’ont pas pour vocation d’éclairer ses textes fictionnels. Mais à les lire, on comprend encore mieux sa démarche théâtrale qui correspond, écrit Angélica Lidddell  au concept de sacrifice et pourquoi des écrivains et artistes ont pu influencé son travail comme entre autres Faulkner, Höderlin et Heidegger, Flannery O’ Connor, La Bible. Mais aussi Adorno, Apulée, Artaud, Barthes, Dante, Diderot, Rousseau et Freud. Et elle écoute la musique de Gesulado et celle de Monteverdi « par amour»… Et très souvent des films mais elle ne va quasiment jamais au théâtre.
Et elle vit très seule : pas de vie sociale, pas d’amis, de fiancé. «Ma vie en dehors du travail est immonde, voilà pourquoi je travaille avec l’immondice qu’est ma vie. » Et la vie extérieure lui fait peur ou l’ennuie. Et si on a bien compris elle a fini par admettre et supporter ses contradictions : « Comment résoudre le conflit entre le besoin d’être seul et le besoin d’être aimé ? Le fatum, le fatum. Le fatum s’en chargera. A quoi ressemble ma vie ? Le destin, mes malédictions. » Grande lectrice elle analyse les thèmes
de la Première Epître aux Corinthiens de Saint-Paul avec clairvoyance. Et elle voit dans Marie-Madeleine une des personnages-clés et revient constamment sur la notion de sacrifice comme acte poétique. « Il suppose d’être attentifs aux effrois de la pensée. »

Tout n’est pas de la même hauteur dans ces textes et il y a parfois des redites mais quelle lucidité, quelle intelligence théâtrale et quelle écriture poétique : « Cet homme qui m’insulte le matin parce que je ne lui donne pas d’argent, cet homme pestilentiel, sale, presque aveugle, cet homme dans le métro, cet homme est une plaie à plus de cent trous, chaque trou sécrète un fluide encore plus infect et putride, il est en train de mourir, et moi, je me dégoûte à marcher sur le trottoir de la décence. À quoi bon choisir le chemin de la décence ? À quoi bon écrire si ce pestiféré ne me lira jamais? Qu’est-ce qu’il en a à foutre, ce malheureux, des mots et de l’explication des mots, et des mots et de la scène et du maudit débat sur la scène ? (…)

Il faut lire ou relire ce petit livre d’une richesse exemplaire et dont les textes sont sans doute les plus forts, parmi ceux écrits par des metteurs en scène et artistes contemporains.

Philippe du Vignal

Editions Les Solitaires Intempestifs 128 pages. 14.00 €.

La deuxième Vie de Philippe Sollers

 

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Nous avions vu ce livre en pensant qu’il s’agissait d’un dialogue avec la mort, d’une confrontation directe avec le néant et l’infini. Mais aux pages les plus fortes, s’ajoute l’ironie de l’auteur mort il y a juste un an, le rire, l’humour, la dérision, sa féroce ironie face à la société de spectacle et au théâtre du monde.
On retrouve les mots qui invectivent, les formules qui fustigent les temps présents et on apprécie l’humour et la pensée acerbe, le rire de l’Acteur.
Mais, «le Migrant se souvient de sa première mort, de la main droite de l’Enfant tendue vers la Vierge Marie », écrit Julia Kristeva dans Le Vivace aujourd’hui. On pense à Paul-Claude  Racamier, au deuil originaire que notre collègue psychiatre et psychanalyste illustre par l’énigme de L’Orage, La Tempesta, le tableau de Gorgione qui se trouve à la Gallerie dell’Académia, à Venise et que Philippe  Sollers devait bien connaissait bien.

L’insondable énigme de l’origine de la psyché représenté par ce geste qui permet à l’enfant d’exister et de penser seul, loin de sa mère, on la retrouve autant dans les Vierges de Bellini que tu nous as fait connaître, que dans ce tableau de Gorgione sur l’origine du monde.

Entre  paradis perdu et terre à découvrir, le tableau de Gorgione est marqué par le deuil originaire et la découverte éblouissante de l’Objet. Ébloui et non oublou. Gorgione fut un des premiers peintres à unir dans une même sensualité lumineuse, le corps de la femme et les vibrations de la Nature, dit Paul-Claude Racamier, dans Le Génie des origines.

Plus qu’à l’attrait du néant, nous avons été sensible dans La Deuxième vie, à ce frémissement et au rire de l’Acteur, à ce goût du plaisir qui fait de nous, des vivants. Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui, viennent prendre ici, toute leur place face au néant. L’éternité, la mer avec le soleil (Arthur Rimbaud cité deux fois), rime avec vivacité. Avec Philippe Sollers, le néant rime encore avec le participe présent du verbe être…

Jean-François Rabain

Editions du Seuil

 

 

 

 

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