Dom Juan de Molière, mise en scène de Macha Makeieff
Dom Juan de Molière, mise en scène de Macha Makeieff
A jardin, une table basse estrade vert d’eau, trois doubles mais étroites portes battantes comme celle des Femmes savantes que Macha Makeieff avait monté (voir Le Théâtre du Blog), portes elle-mêmes héritées du fameux Lapin-Chasseur créé par elle et Jérôme Deschamps. Et au tout début, on voit Sganarelle et Gusman, le frère d’Elvire entrer et sortir sans raison apparente.
Au centre, une très haute porte-fenêtre donnant sur mur peint qui changera de couleur pendant le spectacle sous des lumières bleue, rouge… Et à cour, une autre porte invisible et secrète dans une paroi couverte de papier peint. Sur le plateau, quelques sièges, un très mince guéridon; au centre du mur, une petite vitrine où est posé un corbeau naturalisé qu’on fera sortir par deux fois comme une menace de mort. En haut, deux fenêtres où un valet noir regarde de temps à autre ce qui se passe en bas avant qu’un rideau ne s’abaisse. Comprenne qui pourra ces effets-gadget. Aussi sur le plateau, un petit tabouret, un mince guéridon noir, ensuite un prie-Dieu tout aussi noir que deux gros cierges allumés et où s’agenouillera Dom Juan. Enfin une grande croix en bois, elle encore aussi noire, descendra des cintres et y remontera quelques minutes après.
Cela commence bien mal avec comme une sorte de prologue sur musique rock où Sganarelle entre et sort sans raison par ces portes battantes. L’ensemble manque singulièrement d’unité et de rythme et à vouloir tirer la pièce vers le burlesque, Macha Makeieff semble s’être surtout fait plaisir… Mais comment sur ces bases fausses, cela pourrait-il fonctionner? Les acteurs font leur boulot avec souvent plusieurs rôles mais surjouent. Et la distribution est inégale. Xavier Gallais, imposant physiquement en costume noir, semble ne pas être très à l’aise et, mal dirigé, accentue gestuellement toutes ses répliques ou presque! Pour faire croire davantage à son personnage de séducteur épuisé? Mais Vincent Winterhalter joue avec intelligence et sensibilité ce personnage équivoque de Sganarelle. Tout le temps en scène, il s’impose vite: excellente diction, excellente gestuelle et il reste crédible jusqu’au bout quand affalé sur un vieux fauteuil, il réclame en vain ses gages. Mais dans les deux scènes avec Dom Juan, Irina Solano (Elvire) n’est pas vraiment convaincante.
Que sauver de ces deux heures longuettes où même la fin, avec le Commandeur arrivant chez Dom Juan, est ratée… Le décor sera ensuite appuyé, et sur la scène nue, restera un brasero avec de vraies flammes ( pour évoquer l’enfer?) avec au fond et de dos, les personnages… Ce Dom Juan a un côté sec et démonstratif, du genre: vous allez voir ce que vous allez voir quand je m’empare, moi femme et metteuse en scène reconnue, de cette pièce mythique.
Désolé, Macha, nous n’avons pas vu Dom Juan…mais une sorte d’avatar et de lecture personnelle de la pièce, « avec la représentation d’un personnage poussé vers le mal. Au théâtre, la figure du salaud est une grande et belle figure qui nous intéresse. Elle reste humaine et c’est pour cela qu’elle nous fascine ».
Reste le texte de Molière avec cette langue magnifiquement scandée. Et plus de trois siècles après sa création, nous la savourons à chaque fois avec le même bonheur. Cette mise en scène trop souvent pléonastique de Dom Juan ne fera pas date et quant à » la trace physique, physiologique laissée sur le public » qui importe à Macha Makeieff, que nenni! Dommage et elle avait bien mieux réussi son coup avec Les Femmes savantes... A vous de choisir.