Festival à vif 2024 à Vire

Festival à vif 2024 à Vire

 

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“Chants de bataille” est le thème proposé cette année par Lucie Berelowitsch, directrice du Centre dramatique national de Vire-Normandie, pour cette fête théâtrale de dix jours pour adolescents mais ouverte à tous. Ce festival rassemble lycéens et collégiens de Caen, Alençon, Rouen, Evreux, Le Havre et Vire. Ils assurent l’ouverture de cette manifestation sur le parvis du Préau, un bâtiment impressionnant pour cette petite ville du Calvados, doté d’une salle de cinq cent quatre-vingt places.
Garçons et filles ont préparé des textes collectifs où ils disent leur combat pour de futurs possibles: protéger la terre, s’opposer à la guerre, au racisme, accepter les différences… Après un bouillant défilé costumé et en musique, leurs lectures ont impulsé une joyeuse dynamique à cette entrée en matière festive. Des ateliers, rencontres, concerts… essaiment au Préau et hors les murs, dans les salles de fête des villages voisins ou les lycées. Et cinq spectacles avec une création très attendue:

Le Cœur de la terre, texte et mise en scène de Simon Falguières

L’auteur du Nid de cendres (voir Théâtre du blog) nous entraîne dans une nouvelle aventure où il a embarqué trente-sept jeunes: treize issus du territoire virois, sous l’égide du Préau, et vingt-quatre élèves du lycée professionnel La Tournelle à la Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), en partenariat avec le Théâtre Nanterre-Amandiers. Et trois comédiens professionnels.
Un défilé impressionnant s’insinue lentement sur la scène dans un rai de lumière, au son de notes discrètes. Image-choc, suivie de nombreuses autres. Simon Falguières a travaillé pendant un an avec chaque groupe, séparément et ils se sont rencontrés deux jours avant cette première représentation, pour composer un diptyque dont les volets s’emboîtent à la fin. De part et d’autre, la trame narrative emprunte à l’épopée, sous forme de deux voyages vers une terre imaginaire, deux quêtes de soi au bout desquels Virois et Franciliens se rejoindront en un grand corps commun.

© Margaux Cabrol

© Margaux Cabrol

En préambule, la représentation prend la forme d’un rassemblement choral débordant de questions: «Comment savoir si on aime vraiment une chose ? Si on ne fait pas les choses pour les autres, plutôt que pour soi? ( …) Que voulez-vous dire, quand vous dites : il faut s’en sortir ? Il faut se sortir de quoi ? »
Les réponses se trouvent dans la fiction tissée par l’écrivain pour les voix et les corps de ces jeunes gens. Peu importe leur diction, pas toujours claire, posée sur le texte poétique où ils trouvent leur propre ponctuation.
L’écriture obéit à un double mouvement lancé par la brève leçon d’un professeur, versé dans la mythologie: bon pédagogue, il aborde les figures littéraires de catabase et anabase qui n’ont plus de secret pour Simon Falguières : «J’ai depuis de nombreuses années le désir d’écrire sur ce double mouvement poétique de la catabase : descente dans le monde de l’au-delà, et de l’anabase : ascension vers les sommets lumineux. J’ai toujours été attiré par ces épisodes qui ponctuent les grands récits poétiques de l’histoire humaine (Homère, Virgile, Dante). » 

Il décline ces notions en deux petits contes : «Dans la catabase, les jeunes gens d’un milieu rural s’enfuient par un souterrain forestier dans le ventre de la terre. Dans l’anabase une bande de jeunes citadins s’enfuit vers la montagne. Premier mouvement : dans un village, des jeunes s’ennuient, sans réponses à leurs questions existentielles. Ella part à la conquête de sa propre vérité, guidée par un corbeau qui lui donne la clef du ventre de la terre et par un vieil homme qui la catapulte vingt ans plus tard à la rencontre de son moi adulte et de sa vieille mère dans un asile de vieux. Episode qui donne lieu a un drôle et émouvant numéro de commedia dell’arte où ces jeunes excellent…

Dans la seconde partie, place aux jeunes banlieusards : la fiction les entraîne à l’assaut d’une montagne surgie à la suite d’un cataclysme. Une ascension en vue de retrouver Ella, disparue sous les décombres, mais qui les mènera vers leurs propres racines et leur culture ancestrale oubliée… La fiction d’Ella est devenue la leur. La troupe évolue avec aisance dans une scénographie dépouillée où quelques accessoires, amenés et enlevés à vue, suffisent à planter l’action. Les lumières franches de Léandre Gans et la musique électronique d’Hippolyte Leblanc accompagnent les interprètes qui entrent, ensemble et individuellement, dans la fabrication de ce théâtre artisanal où l’on joue à : «on dirait que ». Un grand drap bleu agité représente une rivière; un vieux cadre et un manche à balai deviennent les accessoires d’un tournage de film, avec travelling au ralenti et gros plan sur une séquence  et dans les entrailles de la terre, une «servante» de scène éclaire un corbeau et un vieux magicien…

 Cette double traversée épique pose les enjeux du passage à l’âge adulte, figuré par une descente aux enfers, suivie d’une série de métamorphoses conduisant vers la lumière et la connaissance de soi. Les récits croisés s’appuient sur les interrogations des jeunes comédiens: face au monde troublé où ils vivent, comment trouver sa place? Simon Falguières les a entendus et les met sur la bonne piste : «C’est, dit-il, pour ces aventures-là, qu’on fait du théâtre. »  Gageons qu’il ne s’arrêtera pas là et la compagnie K envisage une deuxième forme du Cœur de la terre, plus légère, pour aller en tournée…

 Mireille Davidovici

 Du 21 au 28 mai, Festival À Vif au Préau-Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados) T. : 02 31 66 16 00.  

 Le 25 mai, Moulin de l’Hydre Saint-Pierre, Entremont (Orne) .

Le 8 juin, Théâtre Nanterre-Amandiers, Nanterre ( Hauts-de-Seine).

 

 

 

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