Montbéliard, capitale européenne de la Culture (suite)

 Un billet de Jacques Livchine : Montbéliard, capitale européenne de la Culture (suite)

Tout ça n’existait pas avant, on faisait comment  sans Facebook, me demande Edith, qui oublie sans arrêt le nom de sa pathologie qui ne requiert aucun soin; c’est ça l’avantage, puisque, d’Alsheimer, on ne guérit jamais. Moi qui aime beaucoup les philippiques ou autres billets d’humeur pimentés, j’ai été condamné au silence: il y a deux mois, on a supprimé unilatéralement  mon compte Facebook qui avait quatorze ans… Sans aucune explication.

Cela faisait suite à la polémique de l’ouverture de la capitale française de la Culture (voir Théâtre du Blog), quand en le tutoyant du haut de ses quatre-vingt ans. Hervée de Lafond, co-directrice avec moi du Théâtre de l’ Unité, aurait « malmené » le Premier Ministre.  Il ne s’en était point formalisé: les joutes oratoires futures qu’il va devoir livrer, s’annoncent beaucoup plus musclées, que ces sympathiques échanges avec une comédienne « fustigeuse » qui n’en était pas à son premier essai. Ce  pauvre Manuel Valls doit s’en souvenir et Pierre Moscovici avait été victime d’une brigade de jeunes femmes “vigipirate” qui l’avaient mis en slip. Michel Roccard avait subi l’épreuve du tapis rouge vivant, etc. Mais depuis le 16 mars, cela ne décolère pas à Montbéliard et mon compte aurait été signalé par des ennemis travaillant dans l’ombre, ensuite l’algorithme en a décidé ainsi.

 

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©A. Lepère

C’est dans l’air du temps ! L’humour et la plaisanterie ont mauvaise presse.  Donc, je reprends la parole mais c’est risqué: les élus de la majorité à Montbéliard ont fait paraître un billet dans le Journal municipal  avec des informations absolument fausses, du style : le Théâtre de l’Unité aurait été viré de Montbéliard en 2000 d’où une vengeance d’Hervée de Lafond… Oui, mais voilà: non seulement l’Unité n’a jamais été viré mais le sénateur- maire de Montbéliard, Louis Souvet, avait tout fait pour que nous restions. Et puis cela gêne certains : sentant venir la mort, il a demandé qu’une oraison funèbre soit prononcée par Hervée de Lafond… C’est triste de voir ces élus du peuple se fourvoyer à ce point et il faut bien préciser que le Théâtre de l’Unité est resté au pays de Montbéliard, à la demande du sous-préfet Bernard Fredin.

Ensuite est née une polémique sur le feu d’artifice réalisé par le Groupe F. : Hervée de Lafond a voulu qu’il y ait l’excellence pour cette cérémonie d’ouverture et que soit mis en valeur le Pays de Montbéliard. Marseille s’est offert ce même Groupe F, pour l’arrivée de la flamme olympique et on parle d’un coût d’un million d’euros… : à mettre en perspective avec ce que l’on pouvait se payer ici!
Chers élus, vous auriez dû remarquer que le feu était synchronisé avec l’hymne du Pays de Montbéliard qui durait quatre minutes et trente secondes. Un final somptueux et Gabriel Attal qui devait juste prononcer un discours et être là une dizaine de minutes, est resté jusqu’à la fin de la cérémonie, ce qui est en soi une vraie victoire.

Pendant ce temps à Calais où existe une Scène Nationale exemplaire: le Chanel,  nous avons droit au même genre de polémique, la municipalité associe le versement d’ une subvention de 645 000 €, au départ du directeur, Francis Peduzzi! Selon quels arguments ? Cette Scène Nationale affiche complet, organise des événements mémorables dans la ville avec Le Royal de Luxe, Zingaro, le groupe F, etc. Avec aussi, une brasserie, un restaurant et une librairie, le lieu est une véritable bulle d’oxygène dans une ville où la chasse aux migrants est un spécialité.
Souvent je me dis qu’il y a trois sortes d’artistes : les artistes en peluche qui flattent le pouvoir, les artistes domestiques et arrangeants, et ceux plus sauvages comme les saxifrages, ces plantes résistantes qui poussent entre les pavés.

Hervée de Lafond avec le Théâtre de l’Unité depuis cinquante ans, et malgré son âge, ne se laisse pas manipuler et revendique une totale indépendance d’esprit et un humanisme sans faille. Cela ne plait pas à tout le monde mais nous ne sommes pas -encore- en Iran ou en Russie.Résistance : le plus beau mot de la langue française…

Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond du Théâtre de l’Unité

 

 


Archive pour 25 mai, 2024

Théâtre en Mai à Dijon L’Abécédaire acrobatique (et ses variations), d’après le documentaire de Claire Parnet, conception et mise en scène d’Aline Reviriaud

Théâtre en Mai à Dijon

L’Abécédaire acrobatique (et ses variations), d’après le documentaire de Claire Parnet,  conception et mise en scène d’Aline Reviriaud

Un espace de jeu de six mètres par six, quelques chaises et objets, quatre projecteurs sur pied à chaque angle. C’est tout mais avec deux acrobates et un comédien, Aline Reviriaud a voulu « faire théâtre » selon l’expression d’Antoine Vitez, de la pensée de Gilles Deleuze. A partir de ce monumental Abécédaire, huit heures d’entretien filmées où il a décliné l’alphabet pour aborder vingt-cinq thèmes avec, entre autres: A comme Animal, D comme Désir, R comme Résistance… «C’est aussi cela, dit la metteuse en scène, qui m’a amenée à choisir l’incarnation plurielle de corps bougés par l’acrobatie, face aux mots de l’entretien. Comme si une acrobatie pouvait faire silence sur une parole salie par la prise de pouvoir du sujet et ainsi ne laisser s’exprimer que l’os de la pensée de Deleuze dans chaque mot. Rendre accessible la pensée par l’expérience immédiate et physique du corps. Il se souciait de réinventer un style à la philosophie pour plus d’accessibilité. Je vois la possibilité de partager la philosophie par un autre médium. »

Et comment passe-t-on de la philo à l’état pur, à un spectacle dans une salle devant quelque deux cent spectateurs ? Cet Abécédaire est à la fois aussi bien réalisé que joyeux et poétique : le danseur de hip-hop Mathieu Desseigne, l’acrobate et jongleur Leonardo Ferreira et le comédien Anthony Devaux font des numéros d’équilibre, des portés et quelques manipulation d’objets,tout en disant le texte,avec une excellente diction, ce qui esr-t devenu rare.

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Ici, il y a une grande proximité avec le public assis sur des bancs au même niveau et le spectacle qui est là devant nous, tient d’une performance en arts plastiques donc d’un micro-événement,  où les corps sont physiquement très présents ; la pensée, l’acrobatie et la parole sont très liés, grâce au jeu de ce trio d’acteurs- circassiens Et cette forme d’abécédaire est une forme souple loin d’un dialogue théâtral figé: impossible d’échapper aux mouvements de ces corps  et à la « libération d’une puissance de vie ». Comment résister à un texte truffé de pépites comme : « R– Résistance Créer, c’est résister. (…) La philosophie, elle, empêche la bêtise d’être aussi grande qu’elle serait s’il n’y avait pas de philosophie.  C’est sa splendeur. »

Comme l’a bien analysé Jean-Frédéric Chevallierle philosophe a plusieurs fois réfléchi à ce qui pouvait se passer entre des acteurs, un public et un texte à porter. Comme entre autres,  dans Un Manifeste de moins  qui accompagne un texte de Carmelo Bene et dans une post-face à des pièces brèves de Samuel Beckett. Et il y a une parenté évidente entre cet Abécédaire porté à la scène par Aline Reviriaud et les notions chères à Gilles Deleuze : mouvement, différence, répétition, minoration, variation… Dans L’Anti-Oedipe co-écrit avec Félix Guattari, il ne mâchait déjà pas ses mots : « Merde à tout votre théâtre mortifère, [(..) ça sent mauvais chez vous. Ça sent la grande mort et le petit moi. » Mais ici, bien entendu ce n’est pas le cas…

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Presque vingt ans après sa mort, Gilles Deleuze nous invite donc aussi aujourd’hui à penser le théâtre. «La terminologie qu’il propose, dit Jean-Frédéric Chevallier nous donne non seulement de mieux mesurer l’écart entre « représenter » et « présenter » – de se départir des rigidités qu’entretient le premier verbe –, mais surtout de saisir et de jouir des enjeux qu’ouvre le second verbe. Comment penser le théâtre sans le « re » du représenter ? Comment voir dans le théâtre un art du présenter ? » Ce qui fait la force de ce spectacle simple mais hautement réjouissant: Aline Reviriaud nous invite à penser «par-delà la représentation», comme disait déjà le philosophe dans Francis Bacon, Logique de la sensation. Et nous quittons la  Minoterie, vraiment heureux d’être un peu moins sot et en même temps d’avoir participé  à ce moment jubilatoire où se conjuguent la force des mots et celles ces corps. Que demande le peuple? Si cet Abécédaire acrobatique passe près de chez vous, n’hésitez pas.

 

Philippe du Vignal

*Il faut relire les incontournables Cinéma 1 : L’Image-mouvement (1983) et Cinéma 2 : L’Image-temps (1985) cet essai de classification des images et des signes  éclaire aussi par bien des côtés le théâtre contemporain, surtout depuis l’arrivée de la vidéo sur les scènes. 

Le spectacle a été joué les 17, 18 et 19 mai à La Minoterie, Festival Théâtre en mai, Dijon (Côte-d’Or). Et 31 août après-midi, au festival Les Rencontres inattendues, cour de l’Evêché, Tournai (Belgique).

 

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