Adieu Dominique Dupuy

Adieu Dominique Dupuy


Ce danseur et chorégraphe français est mort ce mois-ci à quatre-vingt-treize ans, un an et demi après son épouse Françoise Dupuy qui l’a toujours accompagné dans son parcours. Il avait travaillé en France avec le chorégraphe allemand Jean Weidt (1904-1988) après la dernière guerre pour Cellule. Il  fonda sa première compagnie: Françoise et Dominique, puis les Ballets modernes de Paris, en 55  et créa le festival des Baux-de-Provence sept ans plus tard.. Puis il fut inspecteur de la danse au ministère de la Culture de 89 à 91.

©x

©x


On l’a oublié mais Dominique Dupuy a été, et avant tout le monde, le seul à accueillir dans son studio de danse à Paris, un chorégraphe américain alors inconnu… Merce Cunningham (1919-2009) qu’il fit programmer au Théâtre de l’Est Parisien.
Il a eu aussi une activité pédagogique intense et créa en 69 le centre de formation des Rencontres internationales de danse contemporaine et en
1995, le Mas de la danse à Fontvieille, lieu de résidence avec studios, etespace de recherche dont l’activité cessa en 2008. Il fit appel à de nombreux praticiens mais aussi à des critiques et historiens de la danse, comme Laurence Louppe dont il était proche.

Il créa, souvent influencé  par le cirque et le théâtre, de nombreux spectacles comme, entre autres  Ballum circus (1986), Solo-Solo (2010) et  plus récemment à Chaillot, Acte sans paroles 1 de Samuel Beckett (2013) qu’il admirait beaucoup.voir Théâtre du Blog. Il avait connu Jean Martin qui joua Lucky dans En attendant Godot à la création en 53 , mise en scène de Roger Blin et il nous offrit un petit livre où l’acteur raconte entre autres, son amitié avec Beckett.
Très soucieux de transmettre les éléments qui avaient été à l’origine de la danse contemporaine, il donna aussi de nombreuses conférences.
Sous l’influence de Jerome Andrews, Dominique Dupuy avait beaucoup réfléchi et théorisé sur ce pouvait être une «pratique circulaire du corps avec des échanges fonctionnels permanents», comme l’a bien analysé Laurence Louppe dans Poétique de la danse contemporaine
: «Parmi les phases de la respiration, il porte une attention particulière à l’expiration, non seulement par ce qu’elle nourrit la décharge d’un geste mais parce qu’elle touche à le sensation de l’air comme passage et donc à la perte : l’ai n’est pas un acquis, il est repris mais non conservé . Il est restitué, reperdu par le processus d’élimination et l’accent qu’on lui donne. (…) Car il y a, poursuit Dominique Dupuy, «dans l’essoufflement une passion interne, qu’il serait intéressant de provoquer volontairement.  (…) Enfin, l’expiration nous conduit au vide, au Mâ de la respiration. Ce moment de vide assumé n’a rien à voir avec le souffle coupé, le hors-d’haleine. C’est un instant de qui-vive, de suspension du temps, où l’on est dans l’attente de vivre un instant de plus. » 

Après avoir surtout vécu en Provence, il préféra revenir à Paris, d’abord dans une belle maison du XX ème puis à Saint-Germain-des-Prés où il est mort. Mal connu du grand public, il laissera le souvenir d’un artiste et d’un passeur intransigeant, peu enclin aux concessions mais curieux et très proche des arts plastiques comme du théâtre (il suivit les cours de Charles Dullin au Théâtre de l’Atelier). Cette véritable icône de la danse contemporaine en Europe et aux Etats-Unis aura eu une grande influence sur les jeunes danseurs et chorégraphes du XX ème siècle.

Philippe du Vignal

Ils sont partis. Françoise puis l’autre, Dominique son compagnon. Jusqu’au bout, ils ont inventé la danse contemporaine. Pour eux, dans un ordre profondément inscrit dans le corps de chacun, pour nous, élèves amateurs, un peu dans le désordre jusqu’à trouver la bonne respiration et le bon mouvement de la colonne vertébrale. Dominique pouvait passer une heure pour nous amener à bouger entre la quatrième et la cinquième vertèbre dorsale,  à prendre conscience de notre corps dansant, toujours dansant même dans l’immobilité.

©x

©x Franççoise Dupuy

Françoise Dupuy aussi: qu’est-ce qu’être debout, sinon agir encore et encore, se grandir, encore et encore, tiré par la verticale ?
Dans la troupe, Delphine Rybinski (qui exerce toujours), nous apprenait, sans le dire, que tout est danse : l’exercice d’échauffement, les étirements sont déjà de la danse.  Partant du milieu du corps, inspirer, souffler… provoque, construit, dessine le mouvement.

J’ai suivi leurs ateliers pendant neuf ans, entre trente et quarante ans. J’ai pu reprendre la danse vers soixante ans, rassurant mes «vieilles» collègues de trente-neuf ans. Et ce n’est pas fini… Cette danse-là, comme le yoga ou d’autres disciplines corporelles, vous accompagne toute la vie, vous porte, vous équilibre. Merci tous les jours, à Françoise et Dominique.

Christine Friedel



Album de Françoise et Dominique Dupuy, et
Poétique de la danse contemporaine de Laurence Louppe.

 


Archive pour 28 mai, 2024

Festival A Vif à Vire Fille de , texte et jeu Leïla Anis, mise en scène et scénographie de Justine Bachelet

Festival A Vif à Vire

Fille de, texte et jeu Leïla Anis, mise en scène et scénographie de Justine Bachelet

L’autrice et comédienne raconte comment, à quinze ans, elle a dû quitter le Burundi pour atterrir dans une petite ville française. Un voyage plein d’embûches qui la mènera jusqu’à la scène. Justine Bachelet a  fait appel à un dispositif scénique de théâtre d’objets, ce qui permet à la narratrice de trouver la bonne distance, avec la part autobiographique de son récit. Elle revient minutieusement, heure par heure, au jour J où sa mère, Française, plie bagage et l’embarque, elle et son petit frère (qui ne s’en remettra jamais), loin du père, de l’autre mère“, et de la sœur ainée….

(c)Geoffrey Posada Serguier

(c) Geoffrey Posada Serguier

Justine Bachelet (nommée dans la catégorie révélation féminine aux Molières 2024, pour son jeu dans d’Après la répétition/Persona d’Ivo van Hove) a dirigé Laïla Anis avec une précision horlogère. De petites figurines conçues par Cécile Paysant incarnent les fugitifs : l’actrice leur prête sa voix et les entasse dans une voiture miniature qui les emmènera vers l’inconnu…Des pancartes suspendues progressivement à un portique, rythment les épisodes avec autant de questions qui jalonnent son chemin :“Quoi? Pourquoi je pars? Qu’est-ce que je quitte? 9 juin 1999 minuit Trou noir Est-ce que j’ai peur de me souvenir?”

Ce trou noir, Laïla Anis le comblera quatorze ans plus tard quand elle sera devenue comédienne et écrira Fille de. Elle y raconte sa difficile adaptation, la folie du petit frère, l’incompréhension de la sœur ainée, l’ire du père. Puis la progressive métamorphose de la petite émigrée timide, en étudiante assidue, puis en actrice accomplie.

©Geoffrey Posada Serguier

©Geoffrey Posada Serguier

Le récit vivant, fait de détails imagés, interroge l’exil au féminin et les stéréotypes de genre. L’écriture syncopée et à fleur de peau, dit la brutalité du déracinement. Le public est happé par le phrasé de la comédienne: «6 octobre 1999 Premier jour vers l’oubli Matin Sud France Sale solitude Froid Quinze ans et demi Mal de ventre Parking d’un lycée de province Fébrile Avance ! Tiens fermement ton sac à dos et avance ! Le groupe est à cinquante mètres de toi Nuage de fumée au-dessus de leurs têtes coiffées à la mode Pétards au bec, accoudés à leurs scooters, tu regardes leurs dialogues muets Tout sonne juste dans leur bouche Tu donnerais tout pour paraître «juste» ici ».
Conçu pour être joué dans des centres sociaux, lieux associatifs, écoles… Fille de touche au plus près les jeunes gens dont certains ont vécu le même traumatisme. C’est aussi une leçon de vie pour les autres. Avis aux programmateurs…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 22 mai au lycée Jean Mermoz à Vire ( Calvados).

 Du 21 au 28 mai, Festival A Vif,  au Préau-Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados). T. : 02 31 66 16 00.

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...