Aix, ville ouverte aux saltimbanques, célébration du cinquantenaire

Aix, ville ouverte aux saltimbanques, célébration du cinquantenaire

 

©x

©x

A  Aix-en-Provence, Charles Nugue crée le Relais Culturel et avec Jean Digne, ils  voient bien que l’espace public peut aussi être un endroit pour les artistes, comme autrefois… Déjà, avant le festival d’Aurillac créé par Michel Crespin décédé et qui fêtera ses quarante-cinq ans cet été… En 72, le jeune Jean Digne, assez provocateur au meilleur sens du terme, ne doute de rien, surtout quand il a affaire à des créateurs et metteurs en scène, comme, entre autres, Jacques Livchine et Hervée  de Lafond.

 

Avec leur Théâtre de l’Unité, ils vont jouer L’Avare and co, d’après Molière en 72, à Aix-en-Provence et avant, ils font avec leurs acteurs, une parade sur le cours Mirabeau pour annoncer le spectacle. Succès immédiat auprès de gens qui n’allaient jamais dans une salle de théâtre. «Ils riaient bien fort à cette parade, dit Jacques Livchine. Jean Digne avait compris qu’un événement pouvait être inventé hors du théâtre… sur le cours Mirabeau. Et voilà comment est née en 73, Aix, ville ouverte aux saltimbanques et autres amuseurs, un des premiers théâtres de rue en Europe. » Molière qui a tellement navigué dans les villes du Midi aurait été heureux que la pièce française, la plus connue et la plus emblématique, ait donné naissance sous forme de parade, au théâtre de rue… juste trois siècles après sa création…

©x La Parade de L'Avare and co sur le cours Mirabeau

©x La Parade de L’Avare and co sur le cours Mirabeau (1972)

Tirant  aussi la leçon de mai 68, Jean Digne avait très vite senti, avec l’intuition qu’il a toujours eu,  ce que pourrait devenir le centre d’Aix et le cours Mirabeau, si des saltimbanques, musiciens, des cracheurs de feu, marionnettistes… petites troupes inconnues des institutions. Mais aussi des peintres et sculpteurs, avec des actions ou performances, ils allaient investir calmement cet espace public, avec le soutien de la municipalité aixoise.

© Philippe du Vignal

© Philippe du Vignal Aix en 74

Alors qu’à Paris, la police ne brillait pas par son intelligence et chassait sans aucune pitié des trottoirs, le moindre équilibriste ou jongleur  avec contrôle d’identité et amende à la clé (nous en avions été témoins). Grâce au ministre de l’Intérieur, le pathétique Raymond Marcellin, décoré de la Francisque puis résistant, qui obtint la dissolution en 68 de onze mouvements d’extrême gauche, et cinq plus tard, de la Ligue communiste et d’Ordre nouveau. Il durcit la politique d’immigration et fit aussi installer des micros dans les bureaux du Canard enchaîné et réprimer sans aucun état d’âme nombre de manifestations. Il gagna ainsi le surnom bien mérité  de « Raymond la matraque ». Et en 1971, toujours acharné, il poursuit en diffamation les éditions du Seuil et Denis Langlois, auteur des Dossiers noirs de la police française. Une autre époque ! Un autre monde où les politiques au pouvoir étaient intouchables.

©x

©x

Heureusement, il y avait aussi une autre vie à Aix-en-Provence, ses places et son cours Mirabeau où le café des Deux Garçons, construit en 1792! et à l’époque les hauts platanes, tous encore en vie, ses hôtels particuliers comme l’admirable, Maurel de Pontevès (1648) avec ses portes et ses Atlantes. Et bien sûr, les merveilleux platanes centenaires, alors tous existants et en bonne santé…  Aix était loin de Paris: le TGV n’existait pas encore,  sinon le Marcellin aurait bien trouvé une raison pour faire annuler l’opération… Bref,  de 73 à 76, aucune ville de France ne connut une telle effervescence. Trois jours durant, avec l’appui de la municipalité, elle était transformée en un bel espace populaire de liberté, de tolérance, et de création… 

Jean Digne a sur trois années, invité le Théâtre de l’Unité, l’architecte et sculpteur Xavier Juillot, Pierre-Alain Hubert artificier, Jean-Marie Binoche, acteur, Michel Crespin avec le Théâtracide, qui créa ensuite le festival d’Aurillac,  les frères Annezo, collectionneurs aixois de boîtes à musique, les Blaguebolle, clowns  marseillais, le cirque des Frères Gulliver, Jules Cordières et son Palais des Merveilles, Pascal Sanvic et ses marionnettes, Bartabas, les célèbres clowns italiens Colombaïoni, Bruno Schnebelin   avec sa compagnie Ilotopie, l’écrivain et metteur en scène Guénolé Azertiope, la chorégraphe Odile Duboc, Franck Herscher, Roland Roure et sa crèche animée. Philippe du Vignal, décrété par Jan Digne écrivain public puis écouteur public..  Tous à l’époque peu ou mal connus qui doivent beaucoup à Jean Digne  et qui ont répondu à l’appel de Jean-Pierre Marcos.

© Ph. du Vignal

© Ph. du Vignal La boutique de l’écrivain public en 1973

« Pas de reconstitution historique ni même carnaval, disait Jean Digne, en mai 74. » Jean-Pierre Marcos, ancien directeur du Pôle Régional des Arts du cirque d’Amiens, a suivi le même principe pour lui rendre, avec une belle maestria cet hommage, autant qu’à cet événement rare, maintenant bien connu en Europe mais aussi au Japon et en Corée. Il y avait Michiko Tanaka, directrice d’un centre artistique et qui avait fait le voyage depuis là-bas et  aussi Hee Kyung Lee, critique et chercheuse coréenne qui vit et travaille à Lyon.

© Ph. du Vignal Ratapuce

© Ph. du Vignal   Ratapuce 1974

De nombreux amis de Jean Digne, Ratapuce (ci-dessous) à l’époque, acrobate et flûtiste du Palais des Merveilles de Jules Cordières cracheur de feu,  Catherine Tasca, ancienne ministre de la Culture, Bartabas,  Jean-Louis Courcoult,  le fondateur et directeur du Royal de Luxe, Edith Rappoport, Jacques Livchine et Hervée de Lafond, directeurs du Théâtre de l’Unité et bien sûr, Philippe du Vignal qui aurait dû reprendre ses fonctions d’écrivain public comme il y a cinquante ans… Mais la pluie en décida autrement. Manquait aussi, et c’était bien triste, Jean Digne très malade dans un E.P.H.A.D. à Paris; nous le verrons pourtant trente secondes à côté de sa fille Rebecca, avec une beau sourire, sur le portable de Jean-Pierre Marcos…

 
© Ph. du Vignal

© Ph. du Vignal Aix en 1974

Il y eut d’abord la projection de plusieurs courts-métrages consacrés à Aix ville ouverte aux saltimbanques, dont l’un, remarquable de 55 minutes: Jean Digne, la culture du Hors de d’Aïcha Ouattara, où elle met bien en valeur une démarche à la fois personnelle et artistique, loin des institutions. Avec une audace et une étonnante faculté de mettre à l’aise un interlocuteur ou une interlocutrice encore inconnus de lui quelques minutes avant… Il préférait toujours mettre l’accent sur l’artistique, et savait déléguer les problèmes d’intendance qui ne l’intéressaient guère… Puis il y eut une promenade des amis de Jean Digne sur le cours Mirabeau,  avec la fanfare Fiera Bras, des musiciens qui avaient joué avec Blaguebolle, le cirque Gulliver et le Théâtre de l’Olivier, devant la statue, œuvre de François Truphème (1820–1888), sculpteur aixois et titrée: Arts et Sciences, à l’entrée du cours Mirabeau. Rapatapuce/Caroline Simmonds se joignit à eux à la  flûte… Puis Fiera Bras s’en alla jouer dans les rues et sur les places d’Aix.

© Jean-Pierre Marcos

© Jean-Pierre Marcos

Plus loin sur le cours Mirabeau, la compagnie Ilotopie avait installé ses Grandes oreilles de couleur où on pouvait se lover pour entendre la voix de Jean Digne: bien vu et singulièrement émouvant. Comme si le temps s’était arrêté… Et, non loin de la place de l’Hôtel de Ville, La Bulle de Jean ou la Pensée enveloppée, une installation de gros tubes en polystyrène gonflés de Xavier Juillot.  Brigitte  Burdin et Gilles Rhodes avec leur petit théâtre à manivelle déroulant des images, racontèrent L’Histoire rocambolesque du Capitaine Thomas Sankara qui prit le pouvoir  au Burkina Faso. Président, il voulut faire évoluer son pays, notamment en faisant planter des arbres dans le désert et en donnant un pouvoir réel au peuple. Mais il mourut assassiné par un de des amis.

©x

©x Brigitte Burdin et Gilles Rhodes

Enfin Pierre-Alain Hubert, magicien et artificier, offrit son Chapeau Volcan comme gâteau d’anniversaire et Jean-Luc Courcoult prononça un petit discours en l’honneur de Jean Digne. Simple et loin de toute prétention, cet hommage, bien préparé, est dû à tout un travail en amont de Jean-Pierre Marcos, qu’il faut encore remercier.

Philippe du Vignal

Remerciements chaleureux à Catherine Dechavannes et Philippe Gauthier.

Cette célébration a eu lieu le 17 mai à Aix-en-Provence  ( Bouches-du-Rhône).
©x

© Philippe du Vignal  Ratapuce


Comment ça commença
, de Floriane Gaber, éditions Ici et là (2009)

Aix, ville ouverte aux saltimbanques de Philippe du Vignal dans Autrement, La Fête, cette hantise. Dossiers trimestriels 7/76.

Que sont les irruptions devenues de Nathalie Bentolila, entretien avec Jean Digne, Rue, Art, Théâtre, Cassandre, Hors les Murs/Parc de la Villette, octobre 1997.

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...