June Events 2024 (Suite)
June Events 2024 (Suite)
Shido, d’Aliféyini Mohamed-Lil’C
Cette soirée Outre-Mer nous a fait découvrir ces artistes venus de Mayotte et des Caraïbes. Le chorégraphe crée son premier solo,conçu en empathie avec son frère, autiste et qui ne parle pas. Le titre en shimahorais, langue parlée à Mayotte, signifie : miroir. Il envisage son propre corps comme un laboratoire pour exprimer les émotions fraternelles: «Je suis celui qui n’est pas malade mais qui souffre.» Sa performance, très physique tient d’un parcours jalonné de cailloux, comme des étapes émotionnelles traversées, d’îles et archipels explorés, à la rencontre de son frère.
Accompagné par des musiques de jazz et des airs traditionnels d’Ulrich Wolters, il se laisse porter, torse nu athlétique, par des énergies, retenues, ou plus expansives, guidé par les pierres qu’il rassemble. Ses gestes se font répétitifs ou soudain explosifs, comme saisis par la transe. Ce solo, encore un peu fragile, a été réalisé, sous le regard extérieur du danseur et chorégraphe Djodjo Kazadi. Une performance prometteuse… Le jeune artiste travaille à Mayotte avec la fabrique artistique Royaume des fleurs et il mène des ateliers de danse et expression corporelle en milieu hospitalier et à Mlézi Maoré Pôle Handicap.
Tropique du Képone, chorégraphie et interprétation de Myriam Soulanges et Marlène Myrtil
Sous des lumières intenses, deux étranges personnages, le crâne surdimensionné à la manière des extraterrestres de MarsAttaque de Tim Burton, semblent paresser sur leur transat, en dégustant une boisson bleue. Ambiance de plage… Des voix off à la radio ou des témoignages ,parlent de pollution, maladie, sol contaminé… Nous sommes en 2722, sous les Tropiques. Tout y est devenu bleu sous l’effet képon, nom commercial du chlorodécone : «Un insecticide organochloré utilisé dans les Antilles françaises de 1972 à 1993. »
Après avoir enquêté auprès d’un collectif d’ouvriers agricoles empoisonnés par le képone en Martinique, les danseuses-chorégraphes dénoncent ce scandale sous forme d’une uchronie déjantée. Porté par une dynamique de colère, le duo se projette dans des créatures monstrueuses, génétiquement modifiées, bleu toxique. Elles s’en donnent à cœur joie dans l’étrange et construisent une danse extravagante, parfois une peu décousue, entre ethnique et cabaret.
Avec cette pièce de cinquante minutes, elles affirment une esthétique afro-futuriste. Inspirée de la science-fiction et née dans les années soixante aux Etats-Unis chez les Afro-descendants, parmi les mouvements de contestation. Elle s’inscrit dans la mouvance du Américains le compositeur Sun Ra et le peintre Jean-Michel Basquiat. Ces cyborgs de Tropique du Képone sont plutôt sympathiques, et un rien provocatrices, plutôt amusantes. Puisant dans les veines de l’humour et de l’insolite, elles affichent un corps rebelle et une indomptable fierté noire.
Ces chorégraphes signent ici leur deuxième collaboration de lanceuses d’alerte-la première, Principe de précaution (2014), est toujours en tournée. Et Myriam Soulanges développe en Guadeloupe des projets avec son association Back Art Diffusion, en s’inspirant de son expérience et de témoignages sur les différentes formes d’oppression. Marlène Myrtil, elle, réalise en Martinique, avec sa compagnie Kaméléonite, des pièces traitant du patrimoine, de l’environnement et des fractures dans la société post-coloniale.
Mireille Davidovici
Shido, le 4 juin Les Rencontres à l’échelle, Marseille.
Tropique du Képone le 8 juin, Théâtre de l’Aire Libre, Saint-Jacques de la Lande (Ile-et-Vilaine).
Et du 10 au 14 juillet, Festival d’Avignon, Chapelle du Verbe Incarné-TOMA.