78 ème Festival d’Avignon DÄMON El funeral de Bergman d’Angélica Liddell ( déconseillé aux moins de seize ans)

78 ème Festival d’Avignon:

Dämon El funeral de Bergman d’Angélica Liddell (en espagnol, sous-titrages en français et anglais , déconseillé aux moins de seize ans)

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Premier spectacle de ce festival, qui a lieu rituellement dans la Cour d’honneur. Cette année, une pièce de cette autrice et metteuse en scène espagnole que nous avions découverte il y a déjà quatorze ans quand elle y avait présentée La Casa de Fuerza. Et elle est ensuite venue régulièrement en Avignon.  Même force de provocation dans ses textes virulents et les images de corps humains. Elle n’hésite pas à mettre en scène son sexe nu, comme celui de ses interprètes ou figurants, jeunes ou vieux. Il y a deux ans, elle était revenue en Avignon avec Liebestod autour de Juan Belmont, le célèbre toréador (voir pour ces spectacles Le Théâtre du Blog).

Ici, sur ce très grand plateau rouge sang de plus de trente mètres d’ouverture, côté jardin trois fauteuils roulants noirs et côté cour, dix-huit, identiques et bien alignés. Devant le mur du fond, un urinoir avec, à côté, une robe blanche pendue, un w.c., un broc en fer émaillé, un bidet. Au centre, un autre bidet mais pliant avec serviette : le tout  aussi blanc que la soutane de ce pape âgé qui se promène et inspecte les lieux sans dire un mot.

© Ch. Raynaud  de Lage

© Ch. Raynaud de Lage

Puis Angélica Liddell entre, absolument nue sous une longue et légère robe aussi blanche. Elle commence par se laver le sexe, dos au public et prend un grand soin à s’essuyer puis va jeter l’eau du bidet sur le célèbre mur percé d’une quinzaine de fenêtres éclairées où nous verrons quelques ombres fantomatiques. Provocation d’une artiste du XXI ème siècle dans cette Cour emblématique d’un pouvoir catholique exclusivement masculin…
Une fois ce rituel mis en place, commence alors une performance exceptionnelle mais beaucoup trop longuette et surtout répétitive. Angélica Liddell, micro à la main et souvent en criant, règle ses comptes en citant mot pour mot, des extraits d’articles de nos collègues critiques qui ont dit (un peu) de mal de ses spectacles, entre autres: Philippe Lançon (Libération), Fabienne Darge (Le Monde) et Stéphane Capron (France-Inter) Armelle Héliot ((Le Figaro), eux présents… «Ou es-tu Stéphane? Où es-tu Armelle? Où es-tu Philippe? demande Angélica Liddell, face public. Le surtitrage s’affiche en phrases projetées sur le haut mur du Palais.
C’est un peu facile mais de bonne guerre et on peut être flatté de voir ses écrits projetés Cela va moins bien, et même pas du tout, quand elle s’en prend au nom même de Capron en rapprochant ce nom de famille du mot espagnol
cabrón: connard. Notre confrère  a porté plainte et a eu raison. Là, Angélica Liddell a sérieusement dérapé et ce n’est pas digne d’elle. Au fait,  comment dit-on: » Je vous prie de m’excuser en espagnol? »
Comme disait Louis Jouvet à un acteur: «Que vous soyez indifférent aux critiques peut-être, mais ne me dites pas que vous ne les lisez pas. » Visiblement, la grande créatrice espagnole, elle, les lit… Elle se prétend humiliée et précise, sur la musique des Pet Shop Boys, qu’Ingmar Bergman dont elle aime passionnément les films et l’homme (on le verra à la fin),  détestait aussi les critiques. Comme si elle avait besoin de se rassurer. Oui, mais que l’on sache,  il ne les insultait pas. Et elle a cette confidence: « Ingmar Bergman, c’est moi.»
Des propos rythmés par la remarquable et très forte bande-son d’Antonio Navaro (bruits d’hélicoptère, sirènes d’alarme, explosions… Et aussi par quelques phrases de la fameuse Toccata en ré mineur de Jean-Sébastien Bach emplissant merveilleusement la Cour d’honneur. Une musique qui lui parle profondément, comme celles de Gesualdo ou Monteverdi.
Et un poil rancunière (ce n’est même pas sûr: nous sommes au théâtre), elle semble n’en avoir pas fini avec les règlements de comptes et en remettra encore une couche à la toute fin quand s’affichera en  grands caractères, une phrase d’August Strindberg: « Prends garde à toi, connard. On se reverra à ma prochaine pièce. »
Entre temps, les insultes pleuvent dans cette  longue litanie, à la fois métaphysique et sexuelle où reviennent constamment les mots: bite, vagin, merde, érection… ou encore bander, arriver à bander… Un de ces formidables memento mori dont Angélica Liddell, en grande écrivaine, a toujours eu le secret: « Tout ce que vous faites, c’est par peur de la mort. » «Quand je mourrai, tu porteras mon cercueil jusqu’à ma tombe. » «Vous oubliez toujours les effets que cause la vue des parents de train de copuler. » « Ou : « Vous ne pensez qu’à baiser. , je pense à ce qui est après la mort ».

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Avec, en arrière-plan, toujours et encore, la détestation, puis l’amour/haine pour un père officier franquiste et pour sa mère, maintenant disparus. Une sorte de prière qui ne dit pas son nom, où elle convoque ses fantasmes sexuels et son obsession de sa mort à elle. Lucide, elle dit que, dans vingt ans, elle en aura, si elle est encore sur terre, soixante-dix sept et s’adresse à la salle : «Des critiques comme des spectateurs, nombre d’entre vous auront disparu !» Silence absolu dans le public.

Et elle fait aussi une déclaration d’amour à ce qui compte plus pour elle, que tous les petits tracas de la vie quotidienne: le théâtre (mais à Madrid, a-t-elle écrit, elle ne va jamais). Proche de Schiller qui «défend l’incompréhensible comme chemin de connaissance : «Le théâtre, le sacrifice poétique, est donc à rapprocher de l’incompréhensible et et non du compréhensible, ce qui nous mène à l’essence du sacrifice poétique : le MYSTERE. »  Ce sur quoi, elle insiste plusieurs fois dans son essai Le Sacrifice comme acte poétique.
Ici, elle se met nue pour enfiler la robe blanche pendue au mur du fond, puis remet celle qu’elle avait. Et elle nous dit avec des mots très durs ce que sont les affres de la vieillesse que connaissent bien les soignants des maisons de retraite: « Quand personne ne voudra plus passer une journée avec vous. «Quand vous serez à la merci de tous et de l’Etat.» « Vous ne savez pas que vous serez les prochains. » « Vous ne savez pas que la maladie est la chose le plus importante de votre histoire.»

Angélica Liddel parle longuement, prenant juste une fois le temps de boire une gorgée d’eau. Commencée en silence, cette performance d’actrice à laquelle personne ne peut rester insensible, est assez exceptionnelle.. Même si elle aurait sans doute gagné à donner plus de nuances à cette longue plainte quelquefois un peu monocorde.
Dans la deuxième partie, beaucoup plus visuelle, elle a convoqué ses acteurs habituels Ahimsa, Yuri Ananiev, Nicolas Chevallier, Guillaume Costanza, Electra Hallman, Elin Klinga, Borja López, Sindo Puche, Daniel Richard, Joel Valois et quelques-uns du Royal Dramatic Theatre Dramaten de Stockolm. Mais aussi dix-huit figurants, dont les Français Dominique et Jeanne Houdart, marionnettistes bien connus des années quatre-vingt. Ils ont tous un certain âge, ou sont très âgés, en pyjama blanc, rose ou blanc, parfaitement ridicules, parfaitement dignes aussi.
Et Angélica Liddell n’hésite pas à en montrer certains, entièrement nus , promenés par moment dans leurs fauteuils roulants et embrassés par de jeunes actrices suédoises aux longs cheveux blonds, elles aussi souvent nues. Puis arrive, porté par des jeunes hommes en noir, le cercueil d’Ingmar Bergman, une sorte de caisse en bois clair. Le réalisateur avait commandé pour son enterrement, une boîte comme celle du  Pape Jean-Paul II. Une femme en chasuble blanche officie : «Au nom du Père… Les acteurs, pantalon baissé laissant voir leur sexe et/ou leurs fesses se lancent des répliques du Songe d’Auguste Strindberg, une des pièces qu’il a mises en scène plusieurs fois.
Des images impressionnantes de vérité poétique comme toutes celles que la créatrice espagnole nous a montrées jusqu’ici. Et la metteuse en scène, maîtrise parfaitement le temps et l’espace, comme le jeu de ses quarante interprètes dont un petit garçon. Elle est là aussi maintenant en robe noire de deuil juste à côté du cercueil et d’une violoncelliste Même si la fin semble encore piétiner un peu, elle nous offre ici un spectacle d’une rare beauté (loin devant les images souvent faciles de Roméo Castellucci) et qui se clôt-ses interprètes ayant tous disparu- par la musique de Jean-Sébastien Bach plusieurs minutes dans le silence de la nuit avignonnaise, juste traversée par les vols de martinets… Il faut un singulier talent et une force d’écriture pour arriver à créer un tel spectacle, virulent au meilleur sens du terme. Même s’il y à à la fin avec quelques images assez conventionnelles qu’Angélica Liddell aurait pu nous épargner comme cette rose rouge sur le cercueil avec elle en longue robe de deuil noire assise à côté. «Triste destin que celui des gens, comme je les plains. » A la fin, sur le mur,  : « Elle s’en va et se tire une balle dans la tête. »
Sans doute loin des contrats artistiques bcbg que Marine Le Pen et Jordan Bardella voudraient nous imposer au titre du patrimoine. Mais de toute façon, Angélica Liddell a sans doute dit tout ce qu’ elle avait à dire. Ici elle appuie dans doute un peu trop sur la touche: provocation =Angélica Liddell: « «Vous voulez de vrais artistes ou vous voulez un putain de patrimoine?  »
Le public-mais pas tout le public-  l’a  ovationné debout, en particulier, de nombreux jeunes gens.
Dämon connaîtra sans doute comme les autres spectacles des jours difficiles: remplir la Cour d’honneur devient risqué et en ce soir de première, elle n’était pas pleine…
«Quand on connaît son théâtre, dit Tiago Rodrigues, il peut certes bousculer et troubler. Le rôle du festival est aussi de déranger et défendre la liberté d’expression que le monde intérieur et extérieur menace et remet en cause aujourd’hui.  » Une chose est sûre: Angélica Liddell  ne refera pas de sitôt une création au festival d’Avignon. Pouvez-vous y emmener votre vieille tata que vous soupçonnez de voter R.N.? Après tout, pourquoi pas?

Il y a quelques jours
, une boulangerie a été incendiée, après avoir été couverte d’injures à caractère raciste à Monfavet, un des quartiers d’Avignon. L’apprenti était africain… Quelle tristesse! Et on aurait aimé que les institutions soutiennent davantage cet artisan qui a tout perdu.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 5 juillet, Cour d’honneur, Palais des Papes.
A Barcelone du 19 au 21 juillet et à Madrid  (Espagne), du 13 au 21 septembre.
Du 26 septembre au 8 octobre à l’Odéon, Paris.

 


Archive pour juin, 2024

« Chez nous », une des expressions les plus répétées du Rassemblement National

« Chez nous »,  une des expressions les plus répétées du Rassemblement National

Cette formulation implique l’évidence en tant qu’obéissance et désignant la proximité, l’enracinement, la vie locale, « les voisins ». Gilles Deleuze affirme qu’une politique progressiste commence par l’attention au lointain.  Avec ses problèmes et ses attraits, il revient et se fait petit, ouvre le proche.
L’appel au « chez nous », proche de l’aboiement, implique un faux mouvement : plus on se lie aux racines, et plus l’espace public, mental, artistique se restreint. Cette réduction progressive va jusqu’à un point zéro dont on ne peut sortir et qui étrangle, englue, asphyxie. Comment penser, vivre dans un milieu étroit qui retire la sensation même de limite ?

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Le seul rebondissement du point zéro, c’est la guerre. François Mitterrand en 93 au Parlement européen déclarait: « Le nationalisme, c’est la guerre ». Mais une séquence précède le nationalisme: ce point zéro où s’effectue un nihilisme sans retour, un rétrécissement de l’espace vital de chacun.
Jordan Bardella, lui, réduit son habitat et éloigne les étrangers. Vu son programme, il ira vers une dissolution qui empêche de penser le néant. Dans Salo, Pier Paolo Pasolini exposait la fin du fascisme isolé dans une ville, limité à un lieu unique qui se réduisait, comme des murs se mouvant les uns vers les autres. Mais la fermeture est initiale et tout nationalisme opère une perte de lieu. La grandeur est ailleurs..

Le Théâtre « cite » des mondes lointains. Dans Shakespeare, la Nature se déplace (la forêt mouvante  du Songe d’une nuit d’été) et chez Anton Tchekhov, il y a un va-et-vient entre une vie locale et un autre espace lointain, espéré (Moscou dans La Cerisaie). Et chez Brecht, l’effet de distanciation (en allemand: verfremdungseffekt), un détachement par rapport à quelque chose et une sorte d’étrangeté à soi-même. Et  les personnages beckettiens vivent, eux, dans un lieu indéterminé, jamais nommé…

 Bernard Rémy

Le Poids des fourmis de David Paquet, mise en scène de Philippe Cyr (tout public, dès treize ans)


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Poids des fourmis de David Paquet, mise en scène de Philippe Cyr (tout public, dès treize ans)
Que faire lorsque les menaces semblent nous dépasser, dans un monde qui marche sur la tête? À cette question, répond un texte à l’humour ravageur dans une mise en scène sur fond de système scolaire en crise. 
Le directeur du collège annonce «la semaine du futur », comme on lancerait une campagne pour Coca-Cola, dans un décor style club Med. Affalé sur une chaise longue, bermuda et chemise hawaïenne, il propose aux élèves des élections. Seront-elles l’occasion pour Jeanne et Olivier de changer le cours des choses? La jeune fille est en colère: non seulement la cantine offre des lasagnes sans fromage, les cours dispensent du bourrage de crâne mais une publicité dans les toilettes vante shampoings et produits de beauté : «Fuck you ! Je suis déjà belle.», s’écrie l’adolescente en vandalisant le panneau. Espérant désamorcer sa révolte par le canal de la «démocratie», le chef d’établissement lui propose de se faire élire au conseil étudiant. 
© Yanik MacDonald

© Yanik MacDonald

Olivier, lui, ne se remet pas d’un cauchemar: on lui offrait «la Terre morte» en cadeau d’anniversaire. Que faire quand la planète brûle et que le système capitaliste attise l’incendie ? Les adultes ne proposent aucune solution à son « éco-anxiété »,  sauf une libraire farfelue qui lui recommande l’Encyclopédie du savoir inutile. Il y trouve matière pour se présenter lui aussi aux élections. Jeanne en pasionaria et Olivier en doux rêveur s’affrontent à grand renfort de discours. Mais ils seront coiffés au poteau par une troisième candidate qui promet des pizzas gratuites à tous… 

Elections, trahisons, tel est l’amer constat. Reste que nos deux héros auront ouvert les yeux et s’allient pour aller plus loin. Car l’union fait la force. «Le Poids des fourmis est un appel à la solidarité. L’entraide, c’est contagieux et ça mobilise. Réunir les petits, c’est devenir des poids lourds, conclut David Paquet. » L’auteur québécois n’y va pas par quatre chemins et dans ce texte destiné aux collégiens et lycéens, il se pose en lanceur d’alerte et prône l’indignation: «Si l’on pense à Rosa Parks, Martin Luther King Jr., Emma Gonzalez ou Greta Thunberg, c’est ce désir d’avoir un impact sur la société qui est au cœur du Poids des fourmis. »

Philippe Cyr s’empare de ce brûlot pour en faire une comédie acide, poussée jusqu’à l’outrance. Les acteurs jouent le jeu à fond, dans un décor des plus kitch et nous enchantent avec les accents chantants de la Belle Province. Les adultes, en costume de plage de mauvais goût, vivent dans une prospérité illusoire, sous un ciel d’incendie dans un îlot; autour, flotte une marée noire prête à les engloutir. Gaétan Nadeau est irrésistible en directeur flemmard, rusé et en patron crapuleux. Nathalie Claude fait la paire en poussant la caricature d’une mère écervelée ou d’une candidate vulgaire façon Donald Trump. Face à ces guignolades, Élisabeth Smith (Jeanne) a des élans de sincérité à la Greta Thunberg et un culot monstre, tandis que Gabriel Szabo (Olivier) compose un personnage timide et lunaire. 

Le rire est au rendez vous, grinçant parfois, mais nécessaire. «Comment résister ?» était l’objet de la commande passée à David Paquet par le Théâtre Bluff, producteur de ce spectacle.L’écrivain et le metteur en scène y répondent par un réjouissant pamphlet. «Avec Le Poids des fourmis, dit l’auteur, je ne creuse pas un sillon : je mitraille l’horizon.» A voir avec, ou sans enfant. 

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 24 juin en avant-première au Théâtre Paris-Villette, Paris (XIX ème )

 Du 4 au 21 juillet à 10 h, La Patinoire, festival d’Avignon off.  Navette à 9 h 45 au Théâtre de la Manufacture, 2 rue des Écoles, (durée 2 heures trajet en navette inclus). 

 

Stadium de Mohamed El Khati

Stadium de Mohamed El Khatib

Bien avant que la décision irresponsable du président de la République ne plonge la France dans le chaos et la haine, Emmanuel Demarcy-Mota et ses collaborateurs ont eu l’idée de programmer un week-end de fête autour du spectacle vivant et du sport. Dans ce nouveau contexte actuel, Stadium, créé en 2017 (voir Théâtre du Blog), prend encore plus de sens. La pièce s’avère porteuse d’une funeste prémonition.
Christine Friedel écrivait: « L’auteur a recueilli les souvenirs encore proches sur la mine à Lewarde qui a fermé dans les années 90, est devenue aujourd’hui Centre Historique Minier, et le témoignage de l’un des derniers maires communistes de la région. Le séisme politique est encore présent, creusé par l’effondrement industriel: il y eut l’espoir avec la gauche de 2012,  et le basculement en 2017 vers le Front National avec toute la puissance déferlante entraînée par la déception ».

 ©Nadège Le Lezec

©Nadège Le Lezec

Ce qui s’est produit au niveau local, risque maintenant d’arriver au niveau national ! La Gazette de la Place éditée par le Théâtre de la Ville a beau annoncer ce week-end festif sous le titre L’amour est sur la place, expression empruntée à Roland Barthes, mais l’atmosphère à Paris dans la perspective des élections est lourde.
Programmer Stadium le soir de la fête de la musique et au même moment qu’un match de l’Euro 2024 avec l’équipe de France, était aussi un pari risqué. Pourtant les gradins (six cent cinquante places) sont pleins.

Les interprètes, habitants et supporters du Racing Club de Lens, nous racontent sur scène où, à travers des témoignages vidéo, leurs vies, leurs déceptions et leurs amours pour cette équipe, seul cœur battant d’une région sinistrée. La magie de la vérité, portée par ce théâtre documentaire, s’est produite mais l’amertume et la crainte de l’avenir planent comme un aigle noir au-dessus de nos têtes. Des phrases écrites à l’époque prennent un sens cruel : «Le public est versatile, il faut qu’il change. », dit Christophe Dugarry (vainqueur de la coupe du monde en 1998). « On n´attend rien de l’actuel gouvernement, ni du prochain», peut-on lire sur une banderole déployée par ces acteurs-supporters, vedettes d’une soirée paradoxale. Les témoignages poignants se succèdent.

Nous garderons longtemps en mémoire une des questions de Jonathan, président des Red Tigers, un club de supporters, à Mohamed El Khatib : «On nous dit toujours qu’il faut qu’on regarde l’Art, mais est-ce que l’Art nous regarde ? Tu vois, le Louvre-Lens, il est juste à côté du stade Bollaert; est-ce que l’Art consiste à nous ramener des œuvres d’art qui moisissent dans des caves à Paris pour nous les montrer? Tu peux m’expliquer pourquoi les seuls Lensois qui travaillent au Louvre-Lens, ils travaillent à la sécurité, ou bien au nettoyage? On est trop cons, nous, pour travailler dans un centre d’art ? T’as déjà vu une œuvre d’art renverser un pouvoir ? » Tout était dit mais les gouvernants, et nous-mêmes, ne les avons pas écoutés.

Grand moment du spectacle: le Nisi Dominus de Vivaldi retentit.  Un air que la mère de Georges écoutait en boucle. Décédée en 97, elle a cousu durant trois ans un très grand drapeau de supporter du R.C. Lens. A chaque match, Georges que l’on nomme  « Monsieur Drapeau», continue de le balancer, en hommage à sa mère avec la musique de Vivaldi dans la tête…
Il nous fait ainsi partager ce moment unique. Il sera difficile d’oublier ces femmes et ces hommes en tenue rouge et jaune qui nous invitent au final à danser avec eux et à devenir l’espace d’une soirée ,de vrais supporters de l’équipe de Lens.

 Jean Couturier

Spectacle vu  place du Châtelet le 21 juin. Programmation Théâtre de la Ville, Paris, dans le cadre des Olympiades Culturelles. T. : 01 42 74 22 77

Rassemblement National : Attention danger!

Rassemblement National : Attention danger!

 

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©x La Marianne de Jean-Léopold Morice (1883)  place de la République à Paris

La dissolution de l’Assemblée Nationale par le président de la République nous conduit au bord du précipice. Et l’extrême-droite aux portes du pouvoir n’est plus de l’ordre du fantasme. Malgré ses tentatives de dédiabolisation, l’A.D.N. raciste, xénophobe, homophobe, transphobe du Rassemblement National demeure. Derrière le vernis social de son discours, sa politique sera destructrice pour le pays, pour le monde du travail.  Et le champ culturel ne sera pas épargné. 

L’entreprise de démolition du Service public de la Culture a déjà commencé. Dans les mairies d’extrême-droite mais aussi dans les municipalités de droite comme au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), ou en région Rhône-Alpes. 
Renvoyer dos-à-dos Rassemblement national et Front populaire, c’est jouer avec le feu et mettre en péril notre démocratie. Le R.N. rêve d’une culture asservie et docile. D’une culture fossilisée. Son modèle : du pain et des jeux, des « son et lumière » pour divertir le peuple.  Rassemblons-nous pour empêcher le pire. Quels que soient les résultats le 7 juillet au soir, nous devons rester unis pour défendre l’essentiel.

Le comité du syndicat Professionnel de la critique de Théâtre, Musique et Danse.

Printemps des Comédiens 2024 (suite et fin)

Printemps des Comédiens 2024 (suite et fin)

 Ce festival fait une place à la relève artistique, avec les projets de jeunes compagnies de Montpellier et alentour et avec aussi un « warm up« ,  et des spectacles de sortie de l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique montpelliéraine. Celle-ci bénéficie de lieux comme la maison Louis Jouvet, située dans un grand édifice du XVII ème siècle au cœur de la ville, avec trois salles de 150, 80 et 60 places et deux autres, moyennes, et enfin d’un studio de cinéma avec caméras et tables de montage numérique.
Le Hangar Théâtre accueille les spectacles de l’Ecole et les créations de compagnies en résidence. Les élèves de troisième année y ont joué trois pièces par jour, sous la houlette de leurs professeurs : Georges Lavaudant, Katia Ferreira et Gildas Milin. Un marathon théâtral de dix heures pour Marwan Ajili, Léopold Bertheau, Clara Bertholle, Célia Farenc, Juliette Jeanmougin, Clara Lambert, Paul Larue, Coline Le Bellec, Tristan Leroy, Eloïse Marcenac, Nicolas Mares, Hugo Serre, Colin Sinoussi et Lauretta Tréfeu. Ce sont des spectacles très aboutis, prêts à aller en tournée, si l’occasion se présentait.

Le Malheur indifférent, d’après Peter Handke, traduction d’Anne Gaudu, adaptation et mise en scène de Georges Lavaudant

© C. Lambert

© C. Lambert

Dans ce roman publié en 1972, l’auteur raconte la vie de sa mère qui vient de se suicider à cinquante-et-un ans. Sidéré par cet acte, il analyse froidement le destin d’une femme qui, malgré sa soif d’instruction, a dû renoncer à ses ambitions, pour faire un mariage sans amour. Elle a traversé la guerre sous les bombes à Berlin, puis a vécu la division de l’Allemagne, avant de retourner dans son village natal où elle sombrera dans une grave dépression. Le même coin perdu de Haute-Autriche où se situe aussi la pièce Par les villages, écrite quelques années plus tard (voir Théâtre du blog) .Georges Lavaudant fait de ce récit autobiographique, un diptyque aux chapitres contrastés.

La première partie, très visuelle, reconstitue les années de jeunesse de sa mère dans le Berlin de l’avant-guerre, des années folles jusqu’au nazisme, en une suite de courtes séquences. Un rideau argenté s’ouvre sur une scène de music-hall où les comédiens font des numéros de cabaret chant, danse, acrobatie. Des éléments de décor figurent différents lieux (bar, bal, chambres…). Le metteur en scène laisse ainsi s’épanouir les multiples talents des jeunes comédiens. Il y insère une séquence de la comédie musicale Cabaret, et une interview de l’écrivain-représenté par une petite marionnette manipulée par le personnage de la journaliste. On y sent aussi l’influence des Beatles et de Wim Wenders.

Dans la seconde partie, retour au texte de Peter Handke : une narration à la première personne du singulier, dans la prose froide et factuelle d’un journal intime. L’écrivain décrit la triste fin de sa mère, inéluctable car déterminée par son appartenance sociale et par le contexte historique et géographique: «Naître femme dans ces conditions, écrit-il, c’est directement la mort. » Chaque interprète prend en charge un fragment de ce Malheur indifférent, en y injectant sa propre sensibilité. Un exercice qui met en avant la personnalité de ces interprètes en herbe. Le spectacle, composé avec intelligence dans une esthétique qui rappelle les grandes heures de Georges Lavaudant, montre que ces jeunes gens sont désormais armés pour se lancer dans leur vie d’artiste.

Tristesse animal noir d’Anja Hilling, traduction de Silvia Berutti Ronelt, mise en scène de Katia Ferreira

 La pièce, inspirée d’un fait divers, prend la forme d’un récit où alternent didascalies et dialogues. Six quadras urbains arrivent un soir d’été caniculaire dans une forêt pour s’offrir un barbecue. L’écriture, telle une caméra embarquée, capte, par le menu, la forêt desséchée, ses bruissements, couleurs et odeurs, le contenu du minibus et le déballage du pique-nique.
Ou les conversations révélant les liens amicaux ou familiaux entre les protagonistes, leurs impressions intimes, leurs échanges acidulés comme leurs désirs, exacerbés par l’alcool et leur émerveillement devant la Nature.

Ils parlent de la célèbre maison sur la cascade de Franck Lloyd Wright, ou citent Walden de Thoreau… Et s’endorment à la belle étoile, bercés par Always on my mind d’Elvis Presley que fredonne le chanteur de la bande. Au deuxième acte, cette comédie de mœurs vire à la tragédie. Le feu couve tel «un animal silencieux.»  « Au début, on le savoure. » Puis: « On se sent comme un œuf dans un tourbillon de phosphore . » Cris, peur, panique, chaleur, sueur, douleur et soif…  C’est le sauve-qui-peut. Dans une épopée hallucinée écrite au plus près des sensations, fouillant les corps comme le font les flammes. Les comédiens s’en emparent et transportent le spectateur dans le  «giron du feu».

Au troisième acte, on compte les victimes, on enterre les morts (bêtes et humains) et soigne les plaies qui ne se refermeront pas. Les vies partent en lambeaux, comme la peau des brûlés… Le désespoir de l’homme est insondable face à la Nature qui «est bien plus simple» et prend ici sa revanche. La metteuse en scène, sortie aussi de l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier, a hérité le goût de l’image du metteur en scène Cyril Teste, avec qui elle joue régulièrement  et  elle rend la forêt présente par des mouvements de caméra, effets de lumières et sons: un univers bruissant de mille-pattes, scarabées, écureuils, martres, chevreuils…

© Clara Lambert

© Clara Lambert

Katia Ferreira dirige au plus près les jeunes artistes dans tous les registres de jeu que leur offre l’écriture et ils s’y prêtent avec habileté. Les six protagonistes sont rejoints, dans la deuxième partie, par la troupe et forment un chœur tragique. Le spectacle finit avec un gros plan sur chaque personnage : mort, blessé, et à jamais traumatisé par la catastrophe. Jeux en direct, et devant la caméra, se conjuguent pour donner à ce puzzle textuel la forme d’un cauchemar à la David Lynch. Plus qu’un exercice de sortie d’école, Tristesse animal noir est un spectacle à part entière qui mériterait de poursuivre sa route.

Warm up#10

Rendez-vous est donné pour voir les prémisses de créations à venir et que Le Printemps des comédiens suivra sur un an. Aujourd’hui, cinq compagnies viennent montrer leurs projets, sous forme d’une présentation en vingt minutes pour chacune. Un exercice obligé quand on cherche des producteurs..

Fils de, par la compagnie La Barak

Cette « meute artistique » : ainsi se nomment ces jeunes gens sortis du cours Florent à Montpellier, souhaite mettre en scène le procès des frères Karamazov : qui, des quatre fils, a tué le père ? Un tribunal populaire car il appartiendra au public de juger in fine. Le fond est russe, mais la forme, américaine, emprunte au feuilleton policier.
A travers Dostoïevski, Matthieu Dandreau et Romain Ruiz qui a écrit le texte- veulent mettre en scène la crise de sens de leur génération, à la lumière de celle de leurs aînés. La compagnie s’est déjà frotté avec succès aux Démons du même auteur mais le spectacle, malgré un accueil chaleureux, n’avait pu être suffisamment exploité à cause du Covid. Un projet à suivre.

Virginia par la compagnie Casquettes

Jess Avril,également issue de l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier, va, pour le premier spectacle de sa compagnie, reconstituer les dernières heures de Virginia Woolf, avant qu’elle ne mette fin à ses jours. Son enquête la mènera à explorer son œuvre,, en particulier, Une Chambre à soi. Jess Avril envisage d’écrire et mettre en scène ce solo pour une actrice.

Tragédie Démocratie par le Groupe O

La démocratie est malade. La compagnie fondée par Lara Marcou et Marc Vittecoq en 2016 propose, avec ce quatrième spectacle, de revenir à la Grèce de Platon et de Socrate, berceau du théâtre, pour creuser la notion de « gouvernement par le peuple». La pièce s’écrira au plateau avec six comédiens.

L’Ombre, autopsie d’un corps technique par le collectif S.N.L.R. (Surtout ne lâchez rien)

« Qu’est-ce que les techniciens racontent à propos des artistes ?» Ce solo, interprété par Manon Petitpretz, questionnera la condition des ouvriers du théâtre et pourquoi certains choisissent l’ombre des coulisses, plutôt que la lumière du plateau.

Nostalgie du réconfort par le ES3-Théâtre

A partir d’interviews de membres de sa famille, à qui il a posé quatre-vingt questions – toujours les mêmes- Mathieu Dandreau écrit et interprètera un seul en scène. Un portait de groupe de personnages, issus de milieux ouvriers et paysans, auquel il mêlera ses « souvenirs de jeune homo d’Auvergne ».

Mireille Davidovici

Du 30 mai au 21 juin, Le Printemps des comédiens, Cité du Théâtre, Domaine d’Ô, Montpellier (Hérault) T. : 04 67 63 66 67.
Printempsdescomediens.com

Birgit Kabarett,conception, écriture et mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot

Birgit Kabarett, conception, écriture et mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot

«Depuis le début de notre collaboration et la fondation du Birgit Ensemble, disent les créatrices, la musique occupe une place à part entière dans la dramaturgie de nos spectacles qui sont par nature polymorphes, polyphoniques et pluridisciplinaires. Par ailleurs, la forme du cabaret nous séduit par la proximité et la convivialité qu’elle induit dans le rapport aux spectateurs. » (…) Nous créerons une forme musicale évolutive qui s’ajustera, à chaque nouveau rendez-vous, au gré de l’actualité française et européenne.
 Un poil prétentieux… Mais le mieux était d’ y aller voir. Inspiré entre autres par Bertolt Brecht, ce cabaret est en fait un spectacle de chansons en solo ou en chœur, sketches avec pancartes indiquant le nom de chaque politique européen. Défilent entre autres, jouées par cinq actrices et chanteuses: Eléonore Arnaud, Pauline Deshons, Anna Fournier, Morgane Nairaud, Marie Sambourg, des femmes et hommes politiques comme Angela Merkel, Ursula Von Der Leyen mais aussi français: entre autres, Emmanuel Macron, Rachida Dati, Eric Ciotti, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Olivier Faure, Raphaël Glucksmann, Gabriel Attal, Jordan Bardella, Anne Hidalgo, Rachida Dati, Amélie Oudea-Castera, au besoin coiffées de perruques (assez réussies). 

Les chansons du compositeur Grégoire Letouvet et du parolier Romain Maron font référence à l’actualité. Impossible cette année, d’échapper aux élections européennes et surtout législatives, et bien sûr, à la préparation des Jeux Olympiques à Paris. Cela commence assez bien : Grégoire Letouvet au piano et au synthé, Alexandre Perrot à la contrebasse, jouent le très fameux Hymne à la joie de la IXème Symphonie de Beethoven, emblème musical de l’Europe. Julie Bertin et Jade Herbulot sont déjà là avec leurs amies, boa bleu-blanc-rouge autour du cou. Elles accueillent avc gentillesse le public.Et ensuite  jouent les maîtressses de cérémonie devant  un haut pupitre où il y a de grosses fausses bougies
Personne n’est épargné, les hommes sont au minimum ridicules, comme Gabriel Attal à l perruque noire et Jordan Bardella avec une perruque blonde. Il se vantent chacun d’être les plus suivis sur Tiktok. Les femmes, elles, ne sortent pas non plus indemnes de ce jeu de massacre. Mention spéciale aux actrices-chanteuses qui interprètent une Rachida Dati, assez méprisante derrière ses lunettes et qui s’empêtre dans ses contradictions: «Je suis opportuniste mais pas traître. » Amélie Oudéa-Castera, consternante, gigote toute le temps et oublie qu’elle n’est plus du tout ministre de l’Education Nationale… Et Anne Hidalgo,  bavarde mais n’arrive pas à tenir ses promesses.

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Et, vers la fin, il y a un jeu  où les spectateurs doivent trouver de quel politique, il s’agit, à partir de citations, ou de quoi il-ou elle- parle mais juste en mimant.  Celui qui a le plus de points gagne une bouteille de vin blanc et un passe navigo (plein ou vide, on ne le saura pas). C’est mis en scène au cordeau, et parfois drôle. Oui, mais il faudrait revoir la balance de l’accompagnement musical au piano et à la contrebasse et les chansons… qu’on entend mal. Pourquoi les chanteuses actrices crient-elle souvent dans leur micro? Et les textes sans doute écrits il y a quelques jours, devraient être plus virulents et sarcastiques. Ici, tout est gentillet, sauf à de rares moments. Cela tient aussi beaucoup à une dramaturgie médiocre (on se demande ce que Jade Herbulot et Julie Bertin ont pu apprendre au Conservatoire National) et le spectacle du Birgitt Ensemble, assez conventionnel, accuse nettement ses faiblesses. Le public, lui, semblait partagé. 
Un cabaret exige aussi, pour être efficace, d’être construit avec le plus grande rigueur. Conseil de vieux critique à  ces metteuses en scène: prendre un  train pour Montbéliard et aller voir un des ces kapouchniks mensuels,  très populaires du Théâtre de l’Unité à Audincourt.  y verront comment, avec un éclairage sommaire, seulement quelques accessoires, une bande d’acteurs réussissent, en une seule journée à créer un cabaret savoureux pour le présenter un soir. Ils  établissent une véritable complicité avec le public. Malgré un inconfort évident, la salle est à chaque fois complète. Les spectateurs d’Audincourt donnent ce qu’ils peuvent à la sortie.
Il y a sans doute du travail mais ce spectacle vraiment trop inégal, manque de rythme et traîne en longueur avec un faux rappel. Et on peut se demander comment ce Birgitt Ensemble a pu arriver au Théâtre du Rond-Point…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 24 juin, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris ( VIII ème).

Au regard des élections législatives les 30 Juin et 7 juillet …

Au regard des élections législatives les 30 juin et 7 juillet

Au nom du Perdita Ensemble et à titre personnel, ces quelques mots: le Rassemblement National est aux portes du pouvoir et les résultats de sa possible victoire seront désastreuses pour les populations minorisées, si souvent instrumentalisées, si rarement écoutées et prises pour cible par le R.N. sans scrupule.

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Des conséquences désastreuses pour toutes les avancées: les droits LGBTQIA+, l’urgence écologique et sociale, les droits des femmes, les services publics en déclin: Education, Santé, Culture etc. Désastreuses aussi, bien sûr, pour les laissés pour compte de l’ultra-libéralisme: ils ne croient plus en ce système et se font manipuler par le R.N. Mais il n’y a pas qu’eux à voter pour ce parti. Dans le petit village où ma mère vit une partie de l’année, il n’y a ni précarité, ni misère, ni insécurité. Mais il y a eu 46,4 % de votes R.N. et 8,3 % pour Reconquête. Le revenu par habitant est au-dessus de la moyenne nationale et chacun vit dans des maisons anciennes, ou récemment construites.

Les populations minorisées y sont pratiquement inexistantes mais j’ai été témoin de mails infâmes et racistes que s’envoient entre eux ces «Français de souche ». Ainsi, par effet d’entre soi, à cause de désinformations délirantes, un village se retrouve gangréné par le mal du racisme et du fascisme. Cette même gangrène se diffuse à l’échelle nationale, aujourd’hui dans les médias appartenant à des hommes aux richesses indécentes et dont certains ont clairement manifesté leur attirance pour l’extrême droite. À coup de Touche pas à mon poste, C News, B F M T V et nivellement par le bas…

Le gouvernement a aussi sa part de responsabilité: loi sur l’immigration, réformes impopulaires, protection des plus riches. Il y a urgence. Le Nouveau Front Populaire vient d’être créé par les diverses forces de gauche et est aujourd’hui le seul à pouvoir contrer le R.N. Le peuple français a dû voter trois fois pour faire barrage: en 2002, 2017 et 2022.  Des citoyens de gauche ont voté à droite contre leurs idées. Aujourd’hui, il n’y a qu’un sursaut de lucidité pour nous sortir de cette nouvelle menace, après la dissolution de l’Assemblée Nationale. Quelles que soient vos principes, rancœurs contre des figures de ce Nouveau Front Populaire ou de tel parti, nous devons faire bloc. Je n’appartiens à aucun mais je me vois comme un démocrate de gauche: ces mots ont autant de valeur l’un que l’autre. La République Française a aussi une valeur avec : Liberté. Égalité. Fraternité mais il n’y a aucun de ces termes dans les textes sur la « préférence nationale » revendiquée par le R.N. !

Rejoignez-nous et faites à nouveau barrage aux élections législatives les 30 Juin et 7 juillet. Le programme est disponible en ligne en cliquant  ici.  Nous y adhérons avec enthousiasme: il ne s’agit pas d’un compromis mais bien de ce qu’un collectif aux avis différents, peut produire en intelligence. Même si vous n’êtes pas d’accord, c’est tout à fait entendable. « Faire front » ne signifie pas adhérer. J’avais voté au deuxième tour, d’abord pour Jacques Chirac, puis, pour Emmanuel Macron. Prenez le temps de mettre ne parrallèle le programme ci-dessus, et celui du R.N. Pensez aux générations à venir et, bien sûr, choisissez en conséquence.

Pour le Perdita Ensemble, Gérard Watkins, auteur et metteur en scène

Re Chicchinella ( Le Roi Poule), d’après un conte de Giambattista Basile, mise en scène d’Emma Dante, (en dialecte napolitain, surtitré en français)

Re Chicchinella (Le Roi Poule) , d’après un conte de Giambattista Basile, mise en scène d’Emma Dante (en dialecte napolitain, surtitré en français)

L’artiste sicilienne s’est distinguée sur la scène internationale avec une vingtaine de spectacles hauts en couleurs, dans le style truculent et provocateur des farce italiennes, mâtiné de baroque sophistiqué. Entre autres, au festival d’Avignon 2014  avec Les Sœurs Macaluso (Le Sorelle Macaluso), puis Bestie di scena. Après La  Scortecata (2023), une curieuse fable fantastique et érotique (voir Théâtre du blog), elle poursuit ici son exploration des contes de Giambattista Basile (ca.1566-1632).
Bien avant Charles Perrault, puis les frères Grimm, l’auteur napolitain avait recueilli dans les tavernes à  Naples, en Toscane et Sicile, des récits populaires que l’on retrouve dans les versions plus connues de Cendrillon, Le Chat botté, Peau d’âne, Blanche-Neige, etc. Le Conte des contes ou le Divertissement des petits enfants (Lo Cunto de li cunti overo lo Trattenemiento de peccerille), qu’il signe d’un anagramme: Gian Alesio Abbattutis vers 1625. Il fut publié entre 1634 et 1636, à Naples après sa mort.

© Masiar Pasquali

© Masiar Pasquali


Rien d’édulcoré dans ces histoires écrites dans la langue locale, avec des personnages grotesques, des situations comiques, parfois scabreuses, voire scatologiques. Le recueil, également connu sous le nom de Il Pentamerone (en référence au Décaméron de Boccace et à LHeptaméron de Marguerite de Navarre), s’articule autour de dix conteuses narrant chacune cinq histoires, pendant cinq jours. Et enchâssées dans un «récit-cadre» initial et ponctuées de proverbes et maximes populaires. Il faudra attendre 1925 et la traduction en italien de Benedetto Croce pour que soit vraiment diffusée en Italie, puis au-delà, l’œuvre de celui qu’Italo Calvino qualifiait de «Shakespeare napolitain difforme, obsédé par tout ce qui est effroyable, n’ayant jamais son compte de sorcières et ogres, fasciné par les images alambiquées et grotesques, où la vulgarité se mêle au sublime. »
L’adaptation d’Emma Dante, librement inspirée de La Papara (L’Oie), ne prend pas en compte, comme chez Omar Porras, l’emboîtement des récits du Conte des Contes (voir Théâtre du blog). Elle entre de plain-pied dans cette histoire burlesque, avec une première image étrange: des comédiens, à genoux, masque de poule sur le visage, prient devant un tissu noir étalé en corolle sur le plateau. En émerge, comme un diable sortant de sa boîte, le roi, torse nu. Deux serviteurs s’affairent à sa toilette, avec un zèle grotesque. Sa Majesté est mal en point, et sous sa longue jupe, se cache la cause de son martyre : une poule logée dans son postérieur, depuis qu’au retour de la chasse, pris de colique, il s’est torché avec les plumes du volatile qu’il croyait mort.
Au chaud dans ce nid douillet et bien vivant, le gallinacée pond chaque jour un œuf d’or… Pour se débarrasser de son hôte, le roi se prive de nourriture, au grand dam de ses courtisans pour qui l’oiseau est source infinie de richesse. Ils ont beau faire ripaille devant le monarque affamé, il ne cédera pas à la tentation. Quand les médecins s’en mêlent comme chez Molière, c’est pour tuer le malade. Reste la poule aux œufs d’or qui prend sa place sur le trône.

Davide Mazzella interprète avec talent cette altesse de pacotille au titre ronflant: «Roi Charles III d’Anjou, roi de Sicile et de Naples, prince de Giuglina, comte d’Orléans et de Maràns, vicomte d’Avignon et de Forcalquier.» La famille d’Anjou régnait encore sur le sud de l’Italie à l’époque de Giambattista Basile et autour de lui, caquète une basse-cour de comédiens danseurs des deux sexes. Ni hommes ni femmes, ou les deux à la fois, dans des tenues de strip-teaseuses avec faux culs rebondis, ils s’égayent sur des airs d’opéra ou des mélodies populaires.

 

© Masia Pasquali

© Masia Pasquali

Emma Dante qui signe aussi décor et costumes, imprime une élégance sophistiquée à cette farce paillarde au langage cru. Le jeu très corporel des acteurs emprunte au théâtre de tréteaux et à la pantomime : le roi grimace, gonfle le ventre, gesticule à l’envi…
La reine, elle, revêche, aux allures d’oiseau déplumé et la princesse, pas si oie blanche qu’on le croit, se mêlent à ce poulailler frénétique. On retrouve dans cette verve populaire, les personnages d’un Federico Fellini ou du Decameron de Pier-Paolo Pasolini. Il n’y a ni pudeur ni vergogne dans cette ronde triviale où l’auteur se moque vertement des grands de ce monde. Le roi lâche des plumes quand il essaye de déféquer et c’est au forceps qu’il accouchera du volatile.

Emma Dante, tout en forçant le trait, évite l’obscène et garde une part du merveilleux du conte. On peut juste regretter de ne pas saisir, malgré le surtitrage, toutes les nuances du napolitain. Et la morale de cette histoire de «cul»? L’argent, n’a pas d’odeur et l’or encore moins… Cela vaut encore aujourd’hui.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 18 juin au Printemps des Comédiens qui se poursuit à la Cité du Théâtre, Domaine d’Ô, Montpellier (Hérault). T. : 04 67 63 66 67. Printempsdescomediens.com

 Du 9 au 13 octobre, Célestins-Théâtre de Lyon; du 15 au 18 octobre, Comédie de Genève (Suisse).

En Italie: le 5 novembre, Potenza; du 7 au 17 novembre, Teatro, Naples.

Le 5 décembre, Teatro Nuovo Giovanni, Udine; du 6 au 8 décembre, Teatro Stabile, Venise; du 19 au 22 décembre, Teatro Rossini, Pesaro.

Du 7 au 29 janvier, Théâtre de la Colline, Paris (XX ème).

En Italie, les 1er et 2 février, Teatro Kismet, Bari; les 6 et 7 février, Reggio Emilia; du 13 au 16 février, Teatro Metastasio, Prato; le 18 février, Teatro Gallini, Rimini.

Du 8 au 13 avril, Teatro Carignano, Turin (Italie).

 

Un Songe de Mathieu Buscatto, mise en scène de Carine Montag

Un Songe de Mathieu Buscatto, mise en scène de Carine Montaga

C’est l’histoire d’Ernest Cucchero qui fit un rêve. Ce dramaturge (Mathieu Buscatto) n’a rien publié depuis dix ans et aucune de ses pièces n’est plus jouée. Cela commence par une scène où il arrive à l’entrée d’un musée d’art contemporain. Il demande à la secrétaire qui est aussi à l’accueil (Chloé Renaud) de voir le directeur. Elle lui explique que c’est impossible et qu’il doit absolument prendre rendez-vous. Il lui précise que c’est très urgent et que les œuvres du peintre actuellement exposées sont nulles et doivent être retirées au plus vite des cimaises. Le ton monte mais ils arrivent enfin à se parler. ( Sinon, il n’y urait plus  pièce!). Elle lui dit que son amoureux est mort. Lui précise que sa femme est aussi décédée.

 

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©Guy Chappellier

Puis cela se passe dans le bureau d’Ernest Cucchero. Comme en sens contraire, cette fois, une  certaine  Sarah Bellagio (la même actrice Chloé Renaud) frappe à sa porte. Elle lui dit qu’elle a vingt-cinq ans et qu’étudiante, elle veut faire un master sur son œuvre. Cela tombe bien, lui a rêvé d’elle et accepte finalement de la recevoir. Ils parlent beaucoup et visiblement, elle sait beaucoup de choses de sa vie passée quand il vivait avec une femme et était très ami avec Saïd qui allait être l’amant de cette femme. Sarah le persuade d’écrire sur cette période de son existence qu’elle trouve très intéressante. Mais lui hésite et on va découvrir qu’elle est peut-être sa fille; enfin tout est fait pour que le public ne sache pas trop où se situe la vérité ou le rêve…

« Lorsque j’ai lu cette pièce, dit Carine Montag, j’ai découvert un thriller haletant, psychologique, traité d’une manière totalement originale. Ces histoires qui s’entrecroisent, ces rêves étranges et prémonitoires, ces personnages forts et touchants. (…) On nage totalement sur le fil subtil qui relie comédie et tragédie.  Le spectateur découvre au début de l’acte II qu’il vient de vivre un premier rêve, mais il est, comme Ernest, persuadé d’être désormais dans la réalité. Ce n’est qu’à la fin de la pièce qu’il comprendra qu’il s’agissait d’un rêve dans un rêve. » 
Bon, mais cette piécette en une heure quinze où on ne voit pas bien la relation entre les deux actes, n’a rien d’un « thriller haletant et psychologique » comme dit la metteuse en scène. Il n’y a rien ici de bien original et il manque une écriture véritablement théâtrale.
Cela dit, Matthieu Buscatto qui joue Ernest Zucchero et Chloé Renaud dans deux rôles, ont un jeu clair et précis et, bien dirigés, sont crédibles. Mais nous n’avons pas été convaincus par ce dialogue et cette histoire d’une vie passée avec fantômes qui ressurgissent grâce à un coup de baguette magique… justement à un moment où un auteur voudrait se remettre à écrire. Même sur fond de sauce imaginé il y a un siècle par Luigi Pirandello, ces deux personnages restent en quête d’auteur! Enfin, les spectateurs du off à Avignon, souvent généreux, y trouveront sans doute leur compte…

Philippe du Vignal

 Spectacle vu en avant-première le 19 juin, au Théâtre de Belleville, Paris (XX ème)

Festival d’Avignon off, du 3 au 21 juillet, à 13 h 20, Théâtre des Corps Saints, 76 place des Corps Saints

 

 

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