Theatre of Dreams,chorégraphie et musique d’Hofesh Shechter

Theatre of Dreams, chorégraphie et musique d’Hofesh Shechter


Les jeunes danseurs de la compagnie Shechter II présentent au Théâtre des Abbesses, From England with Love découvert au Théâtre Château-Rouge à Annemasse (voir Le Théâtre du Blog) et nous avons eu aussi le plaisir d’assister à cette nouvelle création, une commande du Théâtre de la Ville.  Elle s’inscrit dans le cadre de Place au sport du 10 juin au 25 juillet où Hofesh Shechter, artiste associé, intervient dans plusieurs événements. À commencer par Les Conservatoires dansent Shechter où il transmet son art à cent soixante-deux apprentis danseurs parisiens.

© Tom Visser

© Tom Visser

Ce « Théâtre des rêves » apparait derrière une succession de rideaux qui s’ouvrent et se ferment, créant ainsi plusieurs plans sur toute l’ouverture et la profondeur de la scène. Tel l’Alice de Lewis Carroll, un homme en costume bleu se risque devant le rideau à l’avant-scène, l’entre-baille, puis franchit ce quatrième mur, happé par une meute de danseuses et danseurs, piétinant et oscillant, bras levés vers le ciel…
Sitôt apparus, sitôt disparus derrière les tentures mouvantes, mi-closes ou tirées en grand, les interprètes se groupent, se dispersent, tentent des duos, esquissent un solo : on les voit simultanément, l’un à cour, l’autre à jardin, tandis qu’une horde défile sauvagement au lointain. À peine avons-nous le temps de saisir les tableaux fugitifs naissant sous nos yeux,
au gré du ballet textile qui structure l’ensemble de la pièce.

Parfois assis et immobiles, le plus souvent debout, traversés d’oscillations sinueuses ou en transe, les treize artistes composent de brefs fragments qui se bousculent, se superposent, s’effacent comme autant d’images oniriques.  Certains convulsent au sol, foudroyés par quelque ennemi invisible. Le cauchemar est aux portes mais voilà les spectateurs invités à se lever, et à partager quelques pas avec les artistes sur une musique dansante. Après cet intermède, la troupe repart de plus belle.

Joyeuses farandoles ou terrifiantes traversées des ténèbres, luttes contre les forces obscures, marquent ce parcours d’une heure vingt. Lumières laiteuses ou aveuglantes, clairs-obscurs crépusculaires signés Tom Visser, rythment ce jeu de cache-cache aux  ambiances contrastées, soutenu par la musique d’Hofesh Shechter jouée par un orchestre. De rouge vêtus, Yaron Engler, Sabio Janiak et Alex Paton surgissent, trio endiablé, tantôt à cour, tantôt à jardin, selon les ouvertures et fermetures des rideaux.  

Le chorégraphe israélien, issu de la Batsheva Dance Company, a quitté son pays en 2002 pour s’installer en Angleterre. Aujourd’hui, à la tête de sa compagnie, il exporte aussi son style vers les grands ballets européens. Très tendance, ses créations qui portent le son et le mouvement à l’extrême, attirent les nouvelles générations qui se reconnaissent dans cette grammaire incandescente: marches syncopées sur quarts de pointe, poings tendus, bras levés, corps vrillés… « Mon travail, dit-il, consiste à trouver une forme qui embarque les danseurs et le public pour un voyage. L’idée, ici, était d’amplifier, aller au fond de l’excitation de la douceur et de l’enthousiasme. » La Hofesh Shechter Company s’engage à corps perdu dans cette plongée effrénée. A chaque spectateur, d’y projeter son propre ressenti.
Tristan Carter, Robinson Cassarino, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Cristel de Frankrijker, Mickaël Frappat, Natalia Gabrielczyk, Zakarius Harry, Alex Haskins, Yeji Kim, Keanah Faith Simin, Juliette Valerio et Chanel Vyent ont reçu les saluts enthousiastes du public. Le théâtre affiche complet mais une grande tournée attend cet inoubliable Theatre of Dreams.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 17 juillet, Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, place du Châtelet, Paris (Ier). T. : 01 42 74 22 77.

 Puis en tournée : Pays-Bas, Italie, France, Belgique, Corée, Luxembourg.

 


Archive pour 2 juillet, 2024

Appels d’urgence d’Agnès Marietta, mise en scène d’Heidi-Eva Clavier

Festival d’Avignon off

Appels d’urgence d’Agnès Marietta, mise en scène d’Heidi-Eva Clavier

C’est une reprise d’un spectacle créé l’an passé (voir Le Théâtre du Blog). Sur la petite scène, quelques socles avec un ordinateur pour régler quelques lumières et une console pour le son, le tout manié à vue par Coco Felgeirolles, et à cour, un peu en retrait, un écran de télévision. En bord de plateau et sur un des murs de la salle, une quinzaine de photos  de l’actrice, de la petite enfance à aujourd’hui. Et qu’elle invite à voir avant le spectacle.
Derrière, en filigrane, le spectre de ce qu’on appelle: les nouvelles technologies : « Il m’en a fallu du temps pour m’y faire (…)il m’a fallu plus de temps que la moyenne déjà la télé j’étais un peu snob à l’époque la télé pas question je disais à mon mari mon ex-mari pas question et on était d’accord j’ai tenu un certain temps les enfants râlaient et c’est lui mon mari qui a fini par craquer à cause de Roland Garros c’était très peu de temps avant qu’on se quitte il est revenu avec une télé énorme sans me demander mon avis alors que la veille, il m’avait dit : tu as raison, pas de télé, si les enfants s’ennuient ils n’ont qu’à lire comment on faisait nous on lisait et tiens Roland Garros (…)

©x

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« Le coup de la télé, bien sûr, c’était un détail mais de le voir enfermé avec les enfants les yeux rivés sur l’écran à regarder cette connerie de match pim pam pim pam .(…) Toujours est-il la télé est arrivée dans ma vie et on ne peut pas dire qu’elle l’ait altérée pas que je sache celle de mes enfants oui mon fils,  j’ai l’impression qu’à cette période, il s’est assis sur le canapé et qu’il ne s’est jamais relevé jamais dans la continuité il y a eu les jeux vidéo l’ordinateur, les jeux en ligne, le portable. »
Agnès Marietta a eu envie d’écrire pour Coco Felgeirolles sur comment en arrive-t-on à être la vieille ou le vieux de quelqu’un d’autre, surtout en ces temps de technologies qui changent en quelques années. Alors que Georges Perec a d’abord vécu dans un quartier du XXème à Paris, où il n’y avait pas encore l’électricité! Et encore moins le téléphone, la télévision, et bien sûr, l’ordinateur, les réseaux sociaux, les portables, etc. Et on est passé du disque 78 tours au 33 tours vite fait puis aux CD et DVD puis aux programmes dématérialisés, avant un retour en grâce limité des 33 tours et de la cassette audio…
C’était mieux avant? Pas sûr, mais plus lent et donc moins stressant. Dans une société  coupée en eux dont une France rurale vite sacrifiée sur l’autel de la toute puissante modernité, l’Etat français macronien ne jurant que par Internet, a quand même été obligé de rétro-pédaler (mais sans jamais l’avouer!) et de créer fissa des «hôtels numériques» (charmante formulation!) pour compenser la disparition de nombreux services dans la France profonde. LAMENTABLE!
Haro sur le papier, prière d’aller vous connecter aux services des Impôts, E.D.F., Chèques Emploi Service, Sécurité sociale, Caisses de retraite, agences bancaires, postales SNCF… Donc, via des écrans et un assistant, on aide (mais au minimum!) ces pauvres abrutis-jeunes ou moins jeunes- ne disposant pas ou ne sachant pas se servir d’un ordinateur et dont le téléphone portable ne fonctionne pas chez eux par manque d’antennes-relais correctement placées (exemples sur demande et que les sbires de Macron qui a réponse à tout, viennent constater:  » Oui, on peut poser la fibre mais il faudrait soixante poteaux… Alors pour deux maisons! Vive la République et vive la France?

Appels d’urgence est née d’un travail de tricotage féminin à base d’interviews de la comédienne fait par l’autrice et la metteuse en scène entre fiction et réalité. Avec en filigrane, le portrait de madame Waller, la prof de français-latin de Coco Felgeirolles dans les années soixante. « Une femme brillante, atypique, intransigeante avec une grande aura sur les élèves. »
Un monologue sans prétention et solidement écrit, où Coco Felgeirolles dirigée face public par Heidi-Eva Clavier qui sait bien faire. »Au fil de la pièce, dit la metteuse en scène, elle remonte le fil de sa vie à l’aune des nouvelles technologies, des difficultés, embûches ou soutiens qu’elles lui ont donné et lui donnent encore. La toile d’araignée des réseaux sociaux, qui permet de façonner sa vie, en fonction de celui qui va la recevoir. Qui permet une certaine ubiquité : être ici et ailleurs en même temps, mais aussi être là et pas là en même temps.( …) Ce qu’elle cherche, son enquête, son but, c’est comment réussir à avoir un rapport vrai, simple. »
Dit simplement, ce monologue maintenant très bien rodé nous parle en une heure de cette débauche de technologies, celles entre autres assez  prétentieuses qui encombrent en ce moment les plateaux de théâtre… Ici, quelques projecteurs et quelques musiques, c’est tout. Mais une belle actrice qui nous raconte à son rythme et avec  humour, cette difficile adaptation des humains, au monde d’aujourd’hui.

 Philippe du Vignal

 Jusqu’au 21  juillet ( jours impairs) Arthéphile, 7 rue Bourg Neuf, Avignon.

Festival d’Avignon off : C’est mort (ou presque), texte de Charles Pennequin, spectacle musical mis en scène de Joachim Latarjet et Sylvain Maurice

Festival d’Avignon off :

 C’est mort (ou presque), texte de Charles Pennequin, spectacle musical mis en scène de Joachim Latarjet et Sylvain Maurice

 Dans le R.E.R., en allant quotidiennement à son travail d’informaticien, le gendarme Charles Pennequin est devenu poète. Joachim Latarjet et Sylvain Maurice se sont emparés de l’univers de cet artiste des mots et nous offrent un spectacle poétique et instrumental exceptionnel. Les sons, bruitages, textures données à la voix de Joachim Latarjet et la création musicale : jazz, swap rock ou électro-pop, accompagnent le dire poétique. Ces écritures : l’une sonore, l’autre textuelle, s’unissent et donnent vie aux textes envoûtants, graves et mélancoliques de Charles Pennequin. Elles créent un ballet esthétique et théâtral des plus réussis, et jubilatoire.

 

©Mickael Zumstein

©Mickael Zumstein

L’artiste arrive, s’assied sur un tabouret et la performance est lancée. Parole à la mort? À la vie? Le son d’un battement de cœur ouvre le spectacle, puis Joachim Latarjet saisit le micro et lance: « Plus, c’est vivant, plus, ça se redit… » Ici, «Le poète se regarde comme quand on contemple longtemps un cercueil et qu’on imagine quelqu’un dedans. » Pensées sans espoir, radicales souvent mais aussi d’un humour sans pareil, elles acquièrent sous cette forme orchestrale, une fascinante théâtralité. Le texte poétique, le rythme des mots, leur agencement avec la musique et la subtile création lumière laissent surgir aux yeux des spectateurs de véritables tableaux.
Des moments d’épiphanie, tout en ruptures/reprises dramatiques et orchestrales, nous éblouissent. Tout est là pour mettre à vif notre imagination et l’émotion est à son comble! La langue de Charles Pennequin rayonne à travers l’interprétation stupéfiante de Joachim Latarjet. Sur scène, les instruments disposés autour du performeur deviennent eux-mêmes comme par magie, personnages de cette interpellation à la mort ! La parole poétique est mise en scène, avec une exigence esthétique et technique remarquable.  Guitare électrique, tuba, basse, baglama, trombone à coulisse, looper, clavier… Et pour la voix, plusieurs micros, radio, fragments de concert, etc. font corps avec le performeur-musicien…

«Je n’ai pas, dit Charles Pennequin, les mots pour me taire. » Cette phrase bien connue reflète la sensibilité, le tempérament de cet artiste passionné et révolté, amoureux du langage et de son pouvoir de transfiguration du réel.
Mise en scène par Sylvain Maurice et jouée par Joachim Latarjet, sa façon notamment de précipiter le dire et le dionysiaque, s’harmonise avec l’apollinien et fait jaillir l’extase auprès du public. Le tragique de la mort devient ici un véritable cri à la vie! Cette performance musicale et théâtrale d’une rare beauté nous offre un souffle poétique puissant, face à la brutalité du monde et de l’existence. Et elle met le public en activité réflexive et dans un état d’émotion profonde.

 Elisabeth Naud

Théâtre du Train bleu, 40 rue Paul Sain., Avignon. T. : 04 90 82 39 06. Du  2 au 21 juillet, à 18 h 40.

Pamphlet contre la mort est édité aux éditions P.O.L.

 

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