L’Os à Moelle, d’après l’hebdomadaire L’0s à moelle de Pierre Dac, conception et mise en scène d’Anne-Marie Lazarini

L’Os à Moelle, d’après l’hebdomadaire L’Os à moelle de Pierre Dac, conception et mise en scène d’Anne-Marie Lazarini  

Ici, aucun micro H. F. , aucun fumigène, aucune lumière stroboscopique comme dans tant de spectacles médiocres! Mais en une heure, un cabaret brillantissime déjà  très rodé à Paris, est aussi bien mis en scène, qu’intelligent et bourré d’humour, avec textes courts, chroniques, billets, maximes, recettes de cuisine, éditos politiques, fausses petites annonces… Le tout, des plus savoureux et parfumé au non-sens. Pierre Dac, était un fin connaisseur de la langue française: « Si les points de suspension pouvaient parler, ils pourraient en dire des choses et des choses.» Et il  était devenu maître en jeux sur les mots, avec souvent une couleur philosophique, comme le fameux: « « L’avenir, c’est du passé en préparation.» Ou cette maxime bien connue: « Rien de ce qui est fini n’est jamais complètement achevé, tant que ce qui est commencé, n’est jamais totalement terminé. « 

Ici, le texte du spectacle est tiré des pages de cet «organe officiel des loufoques» que Pierre Dac réussit à créer malgré des temps difficiles. L’Os à Moelle devint très vite un hebdomadaire en quatre pages mythique et les cent mille premiers exemplaires sont vendus le jour même de sa parution.Il paraîtra régulièrement du 13 mai 1938 au 7 juin 1940 où, vu les circonstances, il se saborda. André Isaac, dit Pierre Dac (1893-1975) qui avait sans cesse attaqué Hitler avec une virulence exemplaire, dut quitter Paris au plus vite: l’armée allemande commença à envahir la capitale. Quelques jours avant, était paru le dernier numéro, le 7 juin mais sur deux pages au lieu de quatre. Pierre Dac, on l’a oublié, qui fut aussi une figure de la Résistance avec ses interventions sur Radio Londres, rejoindra l’Angleterre en 43. «Ce qui m’est arrivé, est parfaitement logique, dira-t-il après la guerre, toujours avec le même humour incisif. Il est bien connu que l’os à moelle se décompose au contact du vert de gris.» ( la couleur des uniformes nazis)

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Dans ce spectacle, est cité un texte de Pierre Dac dans l’émission Les Français parlent aux Français à Radio Londres. Attaqué à propos des ses origines juives par Philippe Henriot, . Ce sale type déclara à Radio-Paris:v«Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon, peut bien connaître de la France ? (… ) La France, qu’est-ce que cela peut bien signifier pour lui ? » Pierre Dac lui répliqua le lendemain avec un papier magnifique et plein d’émotion. Repris ici par Anne-Marie Lazarini: «Si, d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse (…) c’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par un obus allemand, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses nom, prénom et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : « Mort pour la France à l’âge de vingt-huit ans. » Voilà, Monsieur Henriot, je le répète, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription. Elle sera ainsi libellée : Philippe Henriot, mort pour Hitler, fusillé par les Français. Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien, si vous le pouvez.»  Il sera abattu par la Résistance le 11 mai 44 et peu de temps avant que Georges Mandel lui, soit tué par la milice, sans aucun doute en représailles, comme treize juifs près de Lyon, sur ordre de Paul Touvier ! Soit quarante huit jours, après ce texte prémonitoire de Pierre Dac. L’ Histoire a parfois de curieuses coïncidences, même si cet assassinat avait sans doute été programmé depuis longtemps par la Résistance. 

Parsemé de quelques chansons d’époque, cet Os à moelle est impeccablement mis en scène avec une grande précision,  sans aucune rupture de rythme et avec fluidité (pas incompatible!) par Anne-Marie Lazarini et joué avec une diction et une gestuelle tout aussi impeccables par Emmanuelle Galabru, Michel Ouimet  et Cédric Colas. L’ensemble tient d’un florilège avec des maximes frappées au coin du non-sens et du loufoque absolu, souvent devenues culte comme : “Ce n’est pas, parce qu’en hiver, on dit: « fermez la porte, il fait froid dehors », qu’il fait moins froid dehors, quand la porte est fermée.” “Auteur dramatique échangerait pièce en quatre actes contre trois pièces et une cuisine.” “Souffrant d’insomnie, j’échangerais un matelas de plumes contre un sommeil de plomb.” «Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui, plutôt qu’un jour où il fait beau. » “Directeur pompes funèbres cherche personnel ayant le sens de l’humour, connaissant particulièrement la mise en boîte.”  « Pour les daltoniens, le homard est rouge quand il est cru, et devient vert quand il est cuit.”

Il y a aussi pour situer les choses, quelques courts rappels bienvenus des événements qui appartiennent malheureusement à l’Histoire de France et les acteurs distribuent de petites cartes (copie conforme d’une petite annonce parue dans L’Os à moelle): AVIS IMPORTANT Recherchons mort ou vif: Le dénommé Adolf Taille 1cm 47 Cheveux bruns avec mèche sur le front. Tend toujours la main comme pour voir s’il pleut. Signe spécial, le seul le rapprochant un peu d’un être humain: moustaches à la Charlot. Bonne récompense. « 

D’un loufoque absolu (le public rit sans arrêt ce qui est rare dans le spectacle contemporain), cet Os à moelle est  aussi empreint d’une émotion certaine, quand on entend l’énoncé des dates historiques et que les acteurs entonnent doucement le célèbre Chant des partisans: Ami, entends-tu...  cet hymne de la Résistance dont la musique, composée en 41 sur un texte russe par la Française Anna Marly, émigrée russe qui, l’année précédente, était partie pour Londres. La mélodie, d’abord seulement sifflée, devient, le 17 mai 1943, l’indicatif de l’émission de la France libre diffusée par la B.B.C. Les paroles en français furent écrites aussi en  mai 1943  par Maurice Druon et son oncle Joseph Kessel: sa compagne, Germaine Sablon  créa la même année ce Champ des Partisans.

Le spectacle, vu la situation actuelle, et même si comparaison n’est pas raison, sonne aussi comme une piqûre de rappel, à la veille du second tour des législatives… Allez absolument voir ce petit bijou  (sans aucun doute un des meilleurs, sinon le meilleur  du off) .Vous ne le regretterez pas, mais attention, la salle pas très grande est très pleine; donc réservez. 

Philippe du Vignal

Théâtre du Petit Chien,  76 rue Guillaume Puy,  Avignon à 16 h jusqu’au 21 juillet. T. : 04 84  51 07 48.


Archive pour 7 juillet, 2024

L’Os à Moelle, d’après l’hebdomadaire L’0s à moelle de Pierre Dac, conception et mise en scène d’Anne-Marie Lazarini

L’Os à Moelle, d’après l’hebdomadaire L’Os à moelle de Pierre Dac, conception et mise en scène d’Anne-Marie Lazarini  

Ici, aucun micro H. F. , aucun fumigène, aucune lumière stroboscopique comme dans tant de spectacles médiocres! Mais en une heure, un cabaret brillantissime déjà  très rodé à Paris, est aussi bien mis en scène, qu’intelligent et bourré d’humour, avec textes courts, chroniques, billets, maximes, recettes de cuisine, éditos politiques, fausses petites annonces… Le tout, des plus savoureux et parfumé au non-sens. Pierre Dac, était un fin connaisseur de la langue française: « Si les points de suspension pouvaient parler, ils pourraient en dire des choses et des choses.» Et il  était devenu maître en jeux sur les mots, avec souvent une couleur philosophique, comme le fameux: « « L’avenir, c’est du passé en préparation.» Ou cette maxime bien connue: « Rien de ce qui est fini n’est jamais complètement achevé, tant que ce qui est commencé, n’est jamais totalement terminé. « 

Ici, le texte du spectacle est tiré des pages de cet «organe officiel des loufoques» que Pierre Dac réussit à créer malgré des temps difficiles. L’Os à Moelle devint très vite un hebdomadaire en quatre pages mythique et les cent mille premiers exemplaires sont vendus le jour même de sa parution.Il paraîtra régulièrement du 13 mai 1938 au 7 juin 1940 où, vu les circonstances, il se saborda. André Isaac, dit Pierre Dac (1893-1975) qui avait sans cesse attaqué Hitler avec une virulence exemplaire, dut quitter Paris au plus vite: l’armée allemande commença à envahir la capitale. Quelques jours avant, était paru le dernier numéro, le 7 juin mais sur deux pages au lieu de quatre. Pierre Dac, on l’a oublié, qui fut aussi une figure de la Résistance avec ses interventions sur Radio Londres, rejoindra l’Angleterre en 43. «Ce qui m’est arrivé, est parfaitement logique, dira-t-il après la guerre, toujours avec le même humour incisif. Il est bien connu que l’os à moelle se décompose au contact du vert de gris.» ( la couleur des uniformes nazis)

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Dans ce spectacle, est cité un texte de Pierre Dac dans l’émission Les Français parlent aux Français à Radio Londres. Attaqué à propos des ses origines juives par Philippe Henriot, . Ce sale type déclara à Radio-Paris:v«Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon, peut bien connaître de la France ? (… ) La France, qu’est-ce que cela peut bien signifier pour lui ? » Pierre Dac lui répliqua le lendemain avec un papier magnifique et plein d’émotion. Repris ici par Anne-Marie Lazarini: «Si, d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse (…) c’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par un obus allemand, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses nom, prénom et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : « Mort pour la France à l’âge de vingt-huit ans. » Voilà, Monsieur Henriot, je le répète, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription. Elle sera ainsi libellée : Philippe Henriot, mort pour Hitler, fusillé par les Français. Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien, si vous le pouvez.»  Il sera abattu par la Résistance le 11 mai 44 et peu de temps avant que Georges Mandel lui, soit tué par la milice, sans aucun doute en représailles, comme treize juifs près de Lyon, sur ordre de Paul Touvier ! Soit quarante huit jours, après ce texte prémonitoire de Pierre Dac. L’ Histoire a parfois de curieuses coïncidences, même si cet assassinat avait sans doute été programmé depuis longtemps par la Résistance. 

Parsemé de quelques chansons d’époque, cet Os à moelle est impeccablement mis en scène avec une grande précision,  sans aucune rupture de rythme et avec fluidité (pas incompatible!) par Anne-Marie Lazarini et joué avec une diction et une gestuelle tout aussi impeccables par Emmanuelle Galabru, Michel Ouimet  et Cédric Colas. L’ensemble tient d’un florilège avec des maximes frappées au coin du non-sens et du loufoque absolu, souvent devenues culte comme : “Ce n’est pas, parce qu’en hiver, on dit: « fermez la porte, il fait froid dehors », qu’il fait moins froid dehors, quand la porte est fermée.” “Auteur dramatique échangerait pièce en quatre actes contre trois pièces et une cuisine.” “Souffrant d’insomnie, j’échangerais un matelas de plumes contre un sommeil de plomb.” «Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui, plutôt qu’un jour où il fait beau. » “Directeur pompes funèbres cherche personnel ayant le sens de l’humour, connaissant particulièrement la mise en boîte.”  « Pour les daltoniens, le homard est rouge quand il est cru, et devient vert quand il est cuit.”

Il y a aussi pour situer les choses, quelques courts rappels bienvenus des événements qui appartiennent malheureusement à l’Histoire de France et les acteurs distribuent de petites cartes (copie conforme d’une petite annonce parue dans L’Os à moelle): AVIS IMPORTANT Recherchons mort ou vif: Le dénommé Adolf Taille 1cm 47 Cheveux bruns avec mèche sur le front. Tend toujours la main comme pour voir s’il pleut. Signe spécial, le seul le rapprochant un peu d’un être humain: moustaches à la Charlot. Bonne récompense. « 

D’un loufoque absolu (le public rit sans arrêt ce qui est rare dans le spectacle contemporain), cet Os à moelle est  aussi empreint d’une émotion certaine, quand on entend l’énoncé des dates historiques et que les acteurs entonnent doucement le célèbre Chant des partisans: Ami, entends-tu...  cet hymne de la Résistance dont la musique, composée en 41 sur un texte russe par la Française Anna Marly, émigrée russe qui, l’année précédente, était partie pour Londres. La mélodie, d’abord seulement sifflée, devient, le 17 mai 1943, l’indicatif de l’émission de la France libre diffusée par la B.B.C. Les paroles en français furent écrites aussi en  mai 1943  par Maurice Druon et son oncle Joseph Kessel: sa compagne, Germaine Sablon  créa la même année ce Champ des Partisans.

Le spectacle, vu la situation actuelle, et même si comparaison n’est pas raison, sonne aussi comme une piqûre de rappel, à la veille du second tour des législatives… Allez absolument voir ce petit bijou  (sans aucun doute un des meilleurs, sinon le meilleur  du off) .Vous ne le regretterez pas, mais attention, la salle pas très grande est très pleine; donc réservez. 

Philippe du Vignal

Théâtre du Petit Chien,  76 rue Guillaume Puy,  Avignon à 16 h jusqu’au 21 juillet. T. : 04 84  51 07 48.

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