Cartomagie de Dani DaOrtiz
Cartomagie de Dani DaOrtiz
Rares sont les artistes qui ont une réelle conscience de la psychologie et qui travaillent pour, et avec les spectateurs. Et ici, cela prend tout son sens : l’Espagnol Dani DaOrtiz fait partie du top cinq des meilleurs magiciens et cartomanes du monde. Il a découvert la prestidigitation à quatre ans avec une boîte de magie que lui avait offert son père. Mais aussi et surtout, grâce aux émissions de télévision de Juan Tamariz que sa famille regardait toutes les semaines: il était fasciné par cette figure à la fois excentrique et charismatique.
À douze ans, au Cercle magique de Séville, il fait la connaissance de Mario el Mago qui devient son mentor et qui l’initie à l’escapologie, au mentalisme, à la micromagie… Mais les cartes le fascinent davantage. Il en perfectionne la technique et la philosophie avec des maîtres comme Juan Escolano, Mago Migue, Juan Tamariz, Arturo de Ascanio, Pepe Carroll et Lennart Green. Il a été profondément influencé par l’école espagnole dirigée par le patriarche Juan Tamariz dont il reprend les théories sur la psychologie, l’émotion et l’expérience des spectateurs pour les transcender.
Dani DaOrtiz est un artiste passionné et il aime partager son travail: il trouve même essentiel de transmettre ses concepts. Très apprécié pour son côté accessible en dehors de ses représentations, il retrouve ses nombreux amis-qu’il considère comme sa famille- pour discuter. Très sollicité par des corporations magiques et pour des galas publics, il voyage dans le monde entier. Motivé, il improvise souvent et s’adapte aux différentes cultures : cela lui permet de créer des routines incroyablement fortes et vivantes qui fascinent aussi bien les profanes, que ses confrères.
Il est l’auteur d’un grand nombre de publications DVD, livres…. et édite aussi depuis 2007, El Manuscrito, un magazine qui a pour but de créer un héritage durable avec des articles, théories, techniques et études approfondies sur des personnalités comme J.N Hofzinser, J.E Robert-Houdin, Fred Kaps, Larry Jennings… Il collabore aussi avec de nombreux magiciens du monde entier, Christian Engblom, Miguel Angel Gea, Paul Wilson, Roberto Giobbi, Rafael Benatar, Helder Guimarães, Lennert Green, Juan Tamariz, Yann Frisch…
Son art est direct, frais, drôle et puissant et il n’hésite pas à prendre des risques pour obtenir l’effet souhaité. Ses méthodes non conventionnelles font beaucoup appel à une apparente improvisation et il dit souvent qu’il ne sait pas ce qu’il fait mais qu’il sait ce qu’il doit faire : nuance.
Dani DaOrtiz aime aussi travailler à la table comme avec un groupe d’amis qui auraient une conversation ensemble dans un travail d’équipe . Cette connivence et cette volonté de bienveillance sont essentielles. Et il teste les éléments de son spectacle au fur et à mesure qu’ils se produisent, en s’appuyant sur l’interaction avec le public pour mieux le tromper.
Grâce à son sourire et son écoute, il sait créer un sentiment de confiance et relâchement psychologique pour faire des miracles : le public passe donc toujours un moment inoubliable et retient avant tout la personnalité de Dani DaOrtiz, plus que ses tours. Mais il ne triche pas et veut faire ressentir sa joie et sa passion à partager son art en toute simplicité et directement, sans interpréter un personnage qui ne lui ressemblerait pas.
Il a un style très différent de celui de nombreux confrères qui se prennent souvent pour des êtres supérieurs et il se met au même niveau que son public. Son leitmotiv : « Je ne sais pas ce que je vais faire, et comment ça marche. » Gestuelle et vocabulaire sont savamment travaillés et il ponctue ses routines de tics verbaux, bruitages (bruits de bouche), rires nerveux et il accentue chaque climax du mot : Tadaa ! Le public ne peut pas décrocher, comme s’il avait aimanté son regard, grâce à ses formidables effets.
L’un de ses plus grands atouts : une attitude nonchalante et détachée. Il a l’air si peu entraîné, si emprunté, que ses tours en deviennent plus étonnants. Quand il dit qu’il s’en fiche, qu’il ne sait pas ce qu’il va faire, qu’il improvise, touche les cartes sur le bout des doigts sans manipulation apparente, le public a soudain l’impression que cette carte, le numéro ou la pile qu’il choisit, n’a aucune importance!
Cela rend les choses beaucoup plus faciles pour lui et il arrive à faire ce qu’il veut.. Mais tout compte chez Dani DaOrtiz : très méthodique, il conçoit ses spectacles pour créer un grand sentiment de chaos, tout en orchestrant chaque instant : la façon dont les chaises sont disposées, jusqu’à la manière dont il laisse tomber les cartes sur le tapis, ou « accidentellement » au sol.
Juste une table et un écran en avant-scène pour accueillir ce personnage haut en couleurs. Dani DaOrtiz rejoint quatre spectateurs qui vont l’assister pendant la représentation. Ses paroles sont traduites de l’anglais par Gaëtan Bloom. Il annonce que « tout ce qui va se passer, il ne sait pas comment ça marche ! », spectateur de sa propre magie qui le dépasse. A un rythme effréné mais avec un débit de parole constant, des injonctions et une participation très active et physique de ses partenaires, Dani DaOrtiz nous offre un grand moment de spectacle et nous subjugue par des effets impossibles et dévastateurs. la construction des routines qui semblent improvisées,est toujours d’une grande intelligence pour mieux cueillir le public, avec des procédés psychologiques à retardement.
Les tours s’enchaînent sans temps mort : difficile de les identifier avec précision, tellement elles sont mêlées. Dani DaOrtiz propose aussi une séquence de magie à « la carte» pendant dix minutes, adressée aux nombreux magiciens présents dans la salle. Chacun est libre de lancer un thème et il l’exécute. Il reprend ensuite le cours de ses « improvisations », jusqu’à la fin du spectacle. Ovation debout pour ce fabuleux magicien.
Sébastien Bazou
Spectacle vu le 15 juin à la Maison de la Magie Robert-Houdin, Blois ( Loir-et-Cher).