Georgia, d’après le roman d’Howard Fast, adaptation et codirection artistique de Frédéric Fort, mise en scène et codirection artistique d’ Evelyne Fagnen et Christophe Patty

Georgia, d’après Sylvia, roman d’Howard Fast, adaptation et codirection artistique de Frédéric Fort, mise en scène et codirection artistique d’Evelyne Fagnen et Christophe Patty (à partir de douze ans)

Howard Fast (1914-2003) est surtout connu comme auteur de Spartacus  et scénariste américain a aussi écrit des romans policiers dont Georgia sous le pseudonyme d’E.V. Cunningham. Grand ami de Dashiell Hammett, il figurera sur la longue liste noire des artistes et écrivains écartés par le maccarthysme.
Le roman qui fut adapté au cinéma sous le titre L’Enquête par Gordon Douglas en 1965, retrace l’existence d’une jeune fille à travers les témoignages de quelque vingt hommes et femmes dans les années soixante aux Etats-Unis. Howard Fast sait créer des personnages qui s’affrontent dans une société où les rapports entre les deux sexes sont parfois violents. Le détective privé chargé de l’enquête n’en sortira pas indemne mais nous ne vous dévoilerons pas l’intrigue, de toute façon, assez compliquée…

© Moyen

© Benoît Moyen

Première image très second degré: le rideau central s’ouvre, laissant apparaître un écran de trois mètres sur deux. Il y a ainsi quatre petites scènes sur la grande. Alan Mackkin tape à la machine en fumant une cigarette. Sur le bureau, son chapeau et son flacon de whisky. En voix off : «Je m’appelle Alan Macklin, Mack pour les intimes. Mais à vrai dire, je n’ai pas beaucoup d’intimes.» Le détective apparaît et précise: «Un mètre soixante dix-huit. Quatre-vingts kilos. Essentiellement du muscle. Je ne suis pas plus laid, ni mieux qu’un autre. Quoique les femmes me trouvent plutôt séduisant. Ce qui fait que je ne comprends pas grand-chose aux femmes. »
Et sur une musique de George Adams, il poursuit : «J’ai été assez patriote pour m’enrôler trois jours après Pearl Harbor, sous les ordres du général Harry Sallis. Quand on m’a rendu à la vie civile, je me suis inscrit à l’Université. Tout en travaillant à mi-temps à l’usine, pour payer mes études. J’en suis sorti, muni d’un diplôme d’Histoire ancienne. Mention : «excellent ». Je pourrais donc enseigner dans un établissement quelconque. Mais la vie vous réserve de satanées surprises. Et ainsi, je me retrouve détective privé. »

Et cet Alain Macklin devra réussir à découvrir le passé de cette Georgia malgré les quelques indices qu’il a a récoltés. «Notre troisième et dernier volet de cette trilogie de Kamishibai vivant, dit Frédéric Fort, s’attardera cette fois sur le polar américain et son iconographie au cinéma. Les images de notre histoire étant ainsi des dioramas, enrichis quelquefois de projections animées. Comme une suite de miniatures mouvantes, rehaussées par une bande-son: bruitages et musiques de jazz, be-bop… Charles Mingus, George Adams, Don Pullen et Dannie Richmond viendront compléter l’ambiance d’une enquête qui prend des aspects de «road-movie » dans les Etats-Unis des années soixante.»

© Benoît Moyen

© Benoît Moyen

Cette relation musique/théâtre est ici remarquable. Et sont projetées les aquarelles très réussies de François Boucqillustrateur et dessinateur de bandes dessinées, représentant avec beaucoup d’humour et de finesse, les lieux où se passent les épisodes de cette saga: un bureau, un jardin, un bar, une prison avec devant, bien réels, une table, une chaise, une bibliothèque, un banc de square, un paravent …Les ouvertures et fermetures de rideau permettant aux acteurs d’aller d’un lieu à l’autre, après chaque petite séquence. Le détective lui, passant du rôle de narrateur à son personnage. Il y a juste ici ce qu’il faut de mise à distance pour ne pas parler de distanciation… Les costumes de Sylvie Berthou, les masques de Loïc Nebreda, comme les images animées de L’Oeil du Baobab sont aussi exemplaires d’intelligence scénique.

La qualité de Georgia tient beaucoup à la gestuelle et au jeu masqué : il y a ici une curieuse relation entre l’image projetée et l’expression de ces pantins au corps et au visage grotesques et caricaturaux: cela induit une rare poésie et donne au spectacle une remarquable unité.
La compagnie Annibal et ses éléphants s’est fait comme une spécialité, une mise en abyme de situations et Georgia en est un bon exemple. La direction d’acteurs est très précise (mention spéciale à Thomas Bacon-Lorent (le détective) mais le spectacle, encore brut de décoffrage, souffre d’un nombre de séquences  un peu élevé, ce qui finit par être lassant. Et Evelyne Fagnen aurait pu nous épargner ces micros H.F. , la plaie du théâtre contemporain.
A ces réserves près, en une heure et quelque, ce vrai faux-vrai polar est séduisant, et un public comme celui d’Avignon serait sans doute heureux de le découvrir, loin des grandes machines coûteuses. Avis à son directeur, Tiego Rodrigues… N’ayons pas peur des mots: Georgia a toutes les qualités d’un bon théâtre populaire. Par les temps qui courent, c’est une bonne nouvelle…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 13 juin à l’Avant-Seine, Théâtre de Colombes (Hauts-de-Seine).
Actuellement en tournée.

 

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