C’était là, exactement il y a trente-sept ans, Chalon, première édition, nous y étions!
Bon, ça va comme ça, j’en ai assez connu des Chalon, Aurillac, Sotteville-lès-Rouen, Amiens, Vieux-Condé… Et qu’est-ce qui me prend? Je retourne à Chalon et m’arrête à l’endroit précis où en 87, nous, Théâtre de l’Unité, jouions La Femme Chapiteau dans une ville à peu près déserte! Mais il y avait, je m’en souviens, la fille de Valéry Giscard d’Estaing qui allait à une fête du cheval.
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Une sociologie du public assez claire: en journées, des familles avec enfants et le soir, les jeunes avec leur appétit de vivre et découvrir. Toutes les jauges sont pleines! Enthousiasme et ovations debout à tous les coins de rue. Les spectateurs discutent partout. Il faut voir quoi? T’as vu quoi? Qui as-tu déglingué? Excusez-moi, je ne conseille rien, je ne suis pas du public…
Cinquante ans de théâtre de rue dans les jambes, j’ai assisté à plus de 2.000 spectacles! Formé à l’école brechtienne, je veux de l’épique, du puissant, du ravageur… et ne pas me fâcher avec Lucile, devenue madame Off à Chalon: il n’y a aucune raison. Tout ce que j’ai pu voir, tient la route. Je n’ai pas envie de faire des palmarès et suis admiratif: énergie, don de soi, invention permanente…
J’ai du mal à accepter l’indifférence des observateurs des politiques culturelles: ils ne comptent pas le public des arts de la rue dans leurs statistiques. Mais la vérité est bien là: 200.000 personnes à Chalon! Pas de billetterie, ou si peu, que cela ne compte pas. Ces arts de la rue méritent beaucoup plus d’attention, des médias: c’est scandaleux. Merci à Stéphanie Ruffier d’écrire sur ce festival dans L’Humanité mais il y a ici sur cinq jours, cent cinquante compagnies françaises et internationales et deux cents spectacles par jour! Comment juger à partir d’une douzaine?
La Comédie-Française ne représente pas notre pays à l’international mais les arts de la rue français exportés dans le monde entier, ont commencé à faire partie de l’histoire du théâtre! Indéniable! Avec un renouvellement des formes et du public: j’en suis persuadé et ne peux m’empêcher de citer La Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud: « Recevons les influx de vigueur et de tendresse réelle et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes. «
Quand je n’y crois plus, j’y crois encore…
Jacques Livchine, metteur en songes, pré-décédé.
Codirecteur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité, 9 allée de la Filature, Audincourt. T. : 03 81 34 49 20.