Bunker, écriture et mise en scène du collectif Superamas

Festival d’Avignon off (suite et fin)

Bunker, écriture et mise en scène du collectif Superamas 

  »L’esprit de l’homme est ainsi fait, que le mensonge a cent fois plus d’emprise sur lui, que la vérité », écrivait Erasme dans son Éloge de la folie (1509). L’art du théâtre avec le faux et  la fiction parvient à nous transmettre une forme de vérité et une réalité auxquelles, pour la durée de la représentation et/où parfois au-delà, nous adhérons et croyons. Ce avec quoi joue brillamment, le collectif Superamas avec cette pièce créée l’an passé, au Manège de Maubeuge-Scène Nationale transfrontalière.

 

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Comme dans un théâtre documentaire, le public attentif, assiste à une interview en direct de l’actrice Pauline Paolini par le collectif Superamas. Invitée à une émission de télévision pour témoigner du parcours tragique et fatal de sa sœur jumelle, Emmanuelle. Atteinte d’un cancer du sein, elle finira par en mourir mais aurait-elle survécu si elle n’avait pas rencontré, Kurtz, un certain médecin suisse? Ou en choisissant les  traitements de la médecine traditionnelle?

La gémellité n’est pas le thème premier mais a son importance dans le fonctionnement de la tension dramatique et de la dramaturgie. Ce couple des jumelles, Pauline et Emmanuelle, s’impose comme venant en opposition avec autre couple : Emmanuelle, la  malade et ce Kurtz, manipulateur et escroc. Cette question de la gémellité est ici traitée avec discernement et finesse. Révélant de manière sensible et juste, ce rapport hors du commun, réel qui exclut dans le lien entre les jumeaux, toute forme de mensonge. Amour ou violence, pas d’entre-deux !

La construction du texte en deux parties étroitement liées, est subtile : le témoignage de la sœur d’Emmanuelle puis l’enquête menée sur la pratique et la personnalité du docteur Kurtz, la tension dramatique et le récit théâtral prennent une dimension encore plus riche, intense,  mais toujours aussi terrifiante et instructive !
Au départ, un thème grave et complexe qui nous concerne tous : la maladie, ici le cancer, encore trop souvent incurable.  Puis ce thème va se joindre à au complotisme et Bunker s’adresse donc à l’Humanité. L’existence du complot, certes ne date pas d’hier, mais il a, avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, pris une ampleur sans limite et de plus en plus dangereuse pour l’ensemble du monde. Intéressant d’observer ici le point commun partagé par le théâtre et le complotisme : l’utilisation du faux ! Le théâtre avec poésie et esthétique, le complotisme avec perversité et violence. 

Certains pensent qu’il s’agit d’une histoire vécue réellement.  Mais ici,  rien n’est vrai dans ce spectacle créé de toute pièce, excepté la mise en scène : les interventions en vidéo de spécialistes de la science, de la médecine, du complotisme, etc. Le public est fasciné par l’histoire qui devient sienne et réalise qu’elle pourrait lui arriver demain.
La catharsis fonctionne ici à merveille. En effet à partir d’un événement personnel : la perte d’un être cher, Superamas ouvre un univers et un regard critique sur la variation du mensonge: la manipulation, un procédé utilisé par le complotisme. A l’image d’une pieuvre aux huit tentacules, elle agit et emploie diverses méthodes selon l’objectif à atteindre et la/les personne(s) à convaincre.
Le spectacle alterne interviews en direct sur le plateau, adresses au public, vidéos, reconstitutions de scènes authentiques, confessions intimes. Il met aussi en avant la fragilité du pouvoir de la raison, et comment l’émotion peut nous conduire aux pires décisions dans notre existence.

 La pièce est d’une actualité brûlante d’un point de vue intime mais aussi socio-politique. Avec l’enquête menée sur le docteur Kurtz, un naturopathe auto-proclamé et au discours pseudo-médical, sans oublier un arrière -plan idéologique et ses objectifs terrifiants, elle éclaire notre esprit sur les mécanismes inimaginables du complotisme et les extrémistes politiques de tout bord. La mise en scène, le jeu d’une incroyable sensibilité et le titre métaphorique de la pièce si bien trouvé, font de ce spectacle un moment théâtral exceptionnel et précieux. Comme nous le rappelle Superamas : « Bunker souvre à une réflexion plus large sur la crédulité contemporaine et les dangers qu’elle fait peser sur nos sociétés démocratiques. « A ne pas manquer !

 Elisabeth Naud 

 Spectacle vu au 11 Théâtre, 11, boulevard Raspail, Avignon.

Du 11 au 14 mars, Maison du Théâtre d’Amiens ( Somme).

 

 

 
 
 
 
 
 

Archive pour 30 juillet, 2024

Bunker, écriture et mise en scène du collectif Superamas

Festival d’Avignon off (suite et fin)

Bunker, écriture et mise en scène du collectif Superamas 

  »L’esprit de l’homme est ainsi fait, que le mensonge a cent fois plus d’emprise sur lui, que la vérité », écrivait Erasme dans son Éloge de la folie (1509). L’art du théâtre avec le faux et  la fiction parvient à nous transmettre une forme de vérité et une réalité auxquelles, pour la durée de la représentation et/où parfois au-delà, nous adhérons et croyons. Ce avec quoi joue brillamment, le collectif Superamas avec cette pièce créée l’an passé, au Manège de Maubeuge-Scène Nationale transfrontalière.

 

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Comme dans un théâtre documentaire, le public attentif, assiste à une interview en direct de l’actrice Pauline Paolini par le collectif Superamas. Invitée à une émission de télévision pour témoigner du parcours tragique et fatal de sa sœur jumelle, Emmanuelle. Atteinte d’un cancer du sein, elle finira par en mourir mais aurait-elle survécu si elle n’avait pas rencontré, Kurtz, un certain médecin suisse? Ou en choisissant les  traitements de la médecine traditionnelle?

La gémellité n’est pas le thème premier mais a son importance dans le fonctionnement de la tension dramatique et de la dramaturgie. Ce couple des jumelles, Pauline et Emmanuelle, s’impose comme venant en opposition avec autre couple : Emmanuelle, la  malade et ce Kurtz, manipulateur et escroc. Cette question de la gémellité est ici traitée avec discernement et finesse. Révélant de manière sensible et juste, ce rapport hors du commun, réel qui exclut dans le lien entre les jumeaux, toute forme de mensonge. Amour ou violence, pas d’entre-deux !

La construction du texte en deux parties étroitement liées, est subtile : le témoignage de la sœur d’Emmanuelle puis l’enquête menée sur la pratique et la personnalité du docteur Kurtz, la tension dramatique et le récit théâtral prennent une dimension encore plus riche, intense,  mais toujours aussi terrifiante et instructive !
Au départ, un thème grave et complexe qui nous concerne tous : la maladie, ici le cancer, encore trop souvent incurable.  Puis ce thème va se joindre à au complotisme et Bunker s’adresse donc à l’Humanité. L’existence du complot, certes ne date pas d’hier, mais il a, avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, pris une ampleur sans limite et de plus en plus dangereuse pour l’ensemble du monde. Intéressant d’observer ici le point commun partagé par le théâtre et le complotisme : l’utilisation du faux ! Le théâtre avec poésie et esthétique, le complotisme avec perversité et violence. 

Certains pensent qu’il s’agit d’une histoire vécue réellement.  Mais ici,  rien n’est vrai dans ce spectacle créé de toute pièce, excepté la mise en scène : les interventions en vidéo de spécialistes de la science, de la médecine, du complotisme, etc. Le public est fasciné par l’histoire qui devient sienne et réalise qu’elle pourrait lui arriver demain.
La catharsis fonctionne ici à merveille. En effet à partir d’un événement personnel : la perte d’un être cher, Superamas ouvre un univers et un regard critique sur la variation du mensonge: la manipulation, un procédé utilisé par le complotisme. A l’image d’une pieuvre aux huit tentacules, elle agit et emploie diverses méthodes selon l’objectif à atteindre et la/les personne(s) à convaincre.
Le spectacle alterne interviews en direct sur le plateau, adresses au public, vidéos, reconstitutions de scènes authentiques, confessions intimes. Il met aussi en avant la fragilité du pouvoir de la raison, et comment l’émotion peut nous conduire aux pires décisions dans notre existence.

 La pièce est d’une actualité brûlante d’un point de vue intime mais aussi socio-politique. Avec l’enquête menée sur le docteur Kurtz, un naturopathe auto-proclamé et au discours pseudo-médical, sans oublier un arrière -plan idéologique et ses objectifs terrifiants, elle éclaire notre esprit sur les mécanismes inimaginables du complotisme et les extrémistes politiques de tout bord. La mise en scène, le jeu d’une incroyable sensibilité et le titre métaphorique de la pièce si bien trouvé, font de ce spectacle un moment théâtral exceptionnel et précieux. Comme nous le rappelle Superamas : « Bunker souvre à une réflexion plus large sur la crédulité contemporaine et les dangers qu’elle fait peser sur nos sociétés démocratiques. « A ne pas manquer !

 Elisabeth Naud 

 Spectacle vu au 11 Théâtre, 11, boulevard Raspail, Avignon.

Du 11 au 14 mars, Maison du Théâtre d’Amiens ( Somme).

 

 

 
 
 
 
 
 

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