Journées du Matrimoine au Théâtre du Peuple de Bussang

Journées du Matrimoine au Théâtre du Peuple de Bussang

 Avec Julie Delille, première femme nommée à sa tête, le Théâtre du Peuple -célèbre patrimoine du théâtre- met en lumière les femmes artistes en ces journées du Matrimoine.
Cette manifestation, imaginée en 2015 par l’association H/F Île-de-France fait écho aux Journées du Patrimoine, pour faire émerger « l’héritage des mères » et rendre visibles leurs œuvres (voir le Théâtre du blog). Elle se déroule cette année dans onze régions de France, jusqu’à la Réunion, et en Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Italie…).
Avec le Théâtre du Peuple à Bussang, la région Grand Est rejoint désormais ce mouvement visant à donner plus de visibilité aux créatrices, en particulier celles que l’Histoire a effacées.
Entre hommes et femmes, l’inégalité reste flagrante sur le front intellectuel et artistique. Selon les statistiques* : 63% d’étudiantes dans les écoles d’art mais 45% des actives en moyenne dans les professions culturelles, 20% en moyenne des œuvres programmées créées par des femmes et 16% des opéras mis en scène par des femmes …

 

Tombe de Tante Camm et Maurice Pottecher © M Davidovici

Tombe de Tante Camm et Maurice Pottecher © M Davidovici

La saison d’été où nous avons découvert avec plaisir la première création de Julie Delille à Bussang, Le Conte d’hiver (voir Le Théâtre du Blog), se clôt sur ce week-end de découvertes au féminin. La metteuse en scène les envisage en cohérence avec l’utopie proposée par Maurice Pottecher, un homme en avance sur son temps. Ce patron humaniste, écrivain et son épouse, ont pensé ce théâtre comme lieu de transmission entre artistes et population, en rassemblant sur scène amateurs et professionnels.
« Par l’art » et « Pour l’humanité » sont les devises inscrites au fronton de la scène qui s’ouvre à chaque représentation sur les collines boisées, comme regardant vers l’avenir. Cette utopie perdure grâce à l‘association en charge du lieu et aux directeurs artistiques successifs nommés à la tête d’une équipe permanente. Et aussi grâce à la fidélité d’un public diversifié : 30. 000 spectateurs cet été.

 

© M . Davidovici

© M . Davidovici

« Cet héritage est une manière de penser le monde très juste par rapport à ce qu’on traverse » dit Julie Delille. Celle qui joua avec grande sensibilité Méline, l’enfant sauvage de Je suis la bête (voir le Théâtre du blog) se met à l’écoute de ce lieu, où Fagus, le plus vieux hêtre de la forêt, règne sur le théâtre de bois, plus jeune que lui. Elle consacrera la saison prochaine à la célébration de ses cent trente ans.
Les artistes associés Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi s’attellent à la tâche et naîtra un feuilleton théâtral autour de son histoire. Un épisode sera réservé à Camille de Saint-Maurice, alias Tante Camm.
La grande comédienne, épouse de Maurice Pottecher et cofondatrice du Théâtre du Peuple, formera des générations d’artistes amateurs et professionnels
jusqu’à sa mort en 1957. À découvrir aux prochaines Journées du Matrimoine.

 


Une promenade poétique dans la nature

Cette année, Les Journées du Matrimoine ont commencé par une marche à travers champs, ponctuée de lectures : amateurs et professionnels se sont partagé des textes de leur choix : George Sand, Virginia Woolf ou Marceline Desbordes-Valmore entraient en résonance avec Christiane Singer (Seul ce qui brûle), Lune Vuillemin (Border la bête), Maylis de Kérangal (Réparer le vivants)… Une bonne mise en jambe pour la suite.

 

Annie Ernaux par Laurence Cordier

Dans la soirée, le bar du théâtre a accueilli une plongée dans l’œuvre de la Prix Nobel de littérature 2022. Laurence Cordier qui avait réalisé en 2016 Le Quat’sous, un montage pour trois comédiennes à partir des Armoires vides, Une femme et La Honte, nous lit une version resserrée de son spectacle. Cette écriture auto-socio-biographique, selon les termes d’Annie Ernaux, apparaît à l’oral, précise et ciselée, à la surprise du public venu nombreux. Une prose travaillée au couteau entre rage et tendresse. Cette lecture sensible et incisive par Laurence Cordier laisse augurer de la qualité de sa prochaine mise en scène, en répétition au Théâtre du Peuple : Antigone d’après Sophocle, présenté comme une «performance orale », dans la traduction claire d’Irène Bonnaud et Malika Hammou.

 

© Mireille Davidovici

© Mireille Davidovici

Mary Sidney alias Shakespeare adaptation et mise en scène d’Aurore Evain, d’après l’essai de Robin P. William

Qui a écrit Shakespeare ? Telle est la question. Universitaire et femme de théâtre, initiatrice des Journées du Matrimoine, Aurore Evain s’est passionnée pour les recherches de Robin P. William. Selon l’Américaine, Mary Sidney serait l’autrice cachée des pièces de Shakespeare. À partir du livre Sweet Swan of Avon : Did a Woman Wrote Shakespeare ? ( Doux cygne d’Avon : une femme a-t-elle écrit Shakespeare ?) qu’elle a adapté et publié **, Aurore Evain réalise une conférence théâtralisée avec la comédienne Fanny Zeller.
Elles se livrent à une enquête historique, pleine de bruit et de fureur. Nous voilà catapultés dans les coulisses du théâtre élisabéthain, avec les énigmes qui entourent le grand auteur. Fils de gantier, autodidacte, comédien et propriétaire de plusieurs théâtres, homme d’affaires plutôt douteux, il n’a laissé aucune archive, aucun brouillon de ses pièces…
Et aucun de ses contemporains ne le mentionne comme écrivain, à l’exception de Ben Jonson dans la préface d’une édition posthume- et encore, on le verra, de manière ambigüe. En revanche, Mary Sidney Herbert, comtesse de Pembroke, de haute noblesse et brillante lettrée, multilingue, poétesse et traductrice, semble remplir toutes les cases en faveur de l’hypothèse de Robin P. William. Elle a côtoyé de près la cour royale, est apparentée avec nombre de personnages des pièces historiques attribuées à Shakespeare et aurait lancé la mode de ce genre en traduisant en langue anglaise
Marc-Antoine de Robert Garnier en 1578. Quant aux Sonnets de William Shakespeare, ne seraient-ils pas l’œuvre de son frère Philip ?

Dans son édition savante, truffée de preuves, croisant les sources, établissant nombre de coïncidences, Aurore Evain ne manque pas d’humour. Dans ce même esprit, elle a conçu un spectacle de deux heures, établissant une belle complicité entre la scène et le public. Il faut découvrir cette enquête qui, même si le doute persistait, reste un beau« femmage» à une grande dame du temps jadis.

 

Mireille Davidovici

 

Spectacle joué les 14 et 15 septembre, Journées du Matrimoine,Théâtre du Peuple, 40 rue du Théâtre, Bussang (Vosges). T. : 03 29 61 50 48.

 Antigone mise en scène de Laurence Cordier : 11-16 novembre, La Manufacture Nancy (Lorraine) ; les 21 et 22 novembre, Château d’Eu (Seine-Maritime) ; les 28 et 29 novembre, L’Azimut, Antony/ Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine)

Le 3 décembre, Théâtre de Chartres (Eure-et-Loir) ; le 5 décembre, Maison de la Culture de Bourges (Cher) ; les 4 et 5 février, Gallia, Saintes (Charente-Maritime)


Mary Sidney alias Shakespeare
 d’Aurore Evain : le 19 février, Glob Théâtre, Bordeaux (Gironde), Festival Cultivons notre matrimoine du 11 au 21 février.

 

*Source : Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication – 2023, chiffres actualisés par HF en 2023.

 ** Le livre d’Aurore Evain est publié auxéditions Talents Hauts (2024)

 

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