Malwida de Michel Mollard, mise en scène de François Michonneau

Malwida de Michel Mollard, mise en scène de François Michonneau

En 1889, chez son maître et mentor Gabriel Monod, Romain Rolland rencontre Malwida von Meysenbug (1816-1903)* qui avait cinquante ans de plus que lui. Cette aristocrate très émancipée défend avec ardeur la cause féministe , autrice des Mémoires d’une idéaliste. et a épousé les idéaux démocratiques de son temps. Et elle aura une grande influence sur des écrivains et compositeurs comme Jules Michelet, Richard Wagner, Franz Liszt, Frédéric Nietzsche, Lou Andreas-Salomé, André Suarès…

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Pendant quatorze ans, de 89 à sa mort, elle et l’écrivain Romain Rolland (1866-1944), grand musicologue et passionné de Beethoven, dramaturge (peu joué) et surtout auteur d’un roman-fleuve Jean-Christophe, publié de 1904 à 1912. Mais il a connu de nombreux échecs. Elle et lui vont s’écrire plus de mille cinq cents lettres. Grâce aussi à elle, il deviendra prix Nobel de littérature et lui rendra ainsi hommage: « L’ami qui vous comprend, vous crée. En ce sens, j’ai été créé par Malwida.» L’auteur de cette pièce veut fait revivre cette femme exceptionnelle et ce grand écrivain. Mais était-ce une si bonne idée d’en faire une pièce?

Sur la petite scène, un piano à queue en bois clair et quatre châssis peints à double face: l’un pour représenter les rayonnages de livres d’un bureau et l’autre pour suggérer un appartement à Venise : une porte, une porte-fenêtre, une cheminée et une petite commode.
Trois interprètes: un pianiste Ilyès Bouyenzar (Romain Rolland jeune) et Bérengère Dautun, Benoît Dugas, et la voix de Jean-Claude Drouot (Romain Rolland âgé). Le texte semble précis mais pas toujours clair!
La mise en scène, elle, reste très statique et la direction d’acteurs, aux abonnés absents. Bérangère Dautun qui a pourtant une sacrée expérience du théâtre et qui a tout joué (trente-cinq ans, sociétaire de la Comédie-Française!) s’adresse aux spectateurs du premier rang… et, sauf à de rares moments, on ne l’entend donc pas. Quant à Ilyès Bouyenzar, on l’écoute avec plaisir jouer du Bach mais dès qu’il parle, il ne semble pas être vraiment là !
Bref, pendant une heure quinze, on s’ennuie. Dommage ! Nous ne vous conseillerons donc pas ce spectacle.
*Mémoires d’une Idéaliste, préface de Gabriel Monod, traduction disponible sur Gallica


Philippe du Vignal

Spectacle vu le 15 septembre au Studio Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles, Paris (XVII ème).

 




Archive pour 17 septembre, 2024

L’Avare de Molière, mise en scène de Clément Poirée

L’Avare de Molière, mise en scène de Clément Poirée

Il y avait, avec l’invitation au spectacle, une liste d’objets à apporter si possible : tissus, vêtements, livres, magazines, casseroles, chaussures, gants… CD et DVD qui ne servent plus. Le but? Monter «un Avare aussi radin qu’Harpagon lui-même ». Le reste étant donné à La Petite Rockette, une association de ressourceries, avec restaurant anti-gaspilage, atelier-vélo participatif et friperie solidaire.

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Bon, après tout, pourquoi pas ? Six grandes étagères grillagées et de grands bacs reçoivent ces dons et servent aussi d’éléments scénographiques comme un escalier sur roues, muni d’un gros projecteur d’où Harpagon menacera sa famille. Bon!
Aucun autre décor et derrière ces grilles on peut voir la compositrice 
Stéphanie Gibert créer une musique à partir d’une casserole, d’un verre… ou l’habilleuse Émilie Lechevalier, préparer les costumes ou du moins ce qui en tient lieu. Les jeunes interprètes sont en slip, short et haut blancs. Seul Harpagon ( John Arnold) est habillé façon XVII ème siècle, en strict pourpoint noir.
On retrouve ici ce célèbre avare que tout jeune élève du primaire connait au moins de nom, avec au début, une interminable liste de dépenses. Ce veuf de soixante ans (
soit au moins dix de plus que maintenant!) se méfie de ses enfants qu’il n’aime guère, parce qu’ils sont jeunes : sa fille Élise est amoureuse de son intendant Valère et Cléante, lui, est fou de la jeune Marianne. Mais Harpagon la trouve à son goût et voudrait l’épouser… Grâce à un habile chantage sur une cassette pleine d’argent qui a été dérobée à Harpagon, Cléante pourra épouser Marianne…

Le texte est respecté mais la mise en scène de Clément Poirée, fondée au départ sur une sorte de performance-mettre tous les dons du public sur les étagères- ne fonctionne pas. On attendra en vain la suite… et le début est assez laborieux. Les acteurs déplacent sans arrêt étagères et projecteurs sur roulettes… Ce qui ne sert à rien et parasite le jeu, comme les allers et retours d’Harpagon dans la salle par une passerelle casse-gueule (il y a une petite rampe à franchir!), le rythme est souvent trop lent et la distribution inégale.
John Arnold arrive à rendre crédible son personnage, comme les jeunes acteurs qui jouent Elise et Cléante. Mais quelle sotte idée de les avoir mis en caleçons et slips blancs ! Le tout manque singulièrement de folie et d’une vision socio-politique dont Clément Poirée voulait sans doute imprégner la comédie la plus connue de Molière et la plus emblématique en France.
D’argent, on en parle en ce moment et tous les théâtres officiels et les compagnies ne négligent aucune petite économie. Au Théâtre de la Tempête, un clin d’œil à L’Avare ? Plus de programme distribué mais écrit sur un grand tableau noir dans le hall. 
Cette mise en scène se bonifiera sans doute avec le temps mais ne nous a pas paru vraiment convaincante.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 8 novembre, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes+ navette gratuite.

Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, adaptation et mise en scène de Roland Auzet

Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, libre adaptation et mise en scène de Roland Auzet 

Dans ce roman (2022), l’auteur essaye de montrer comment fonctionne la dictature d’un pays autour de Vladimir Poutine, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’avenir de la Russie mais aussi des Etats-Unis  et des pays occidentaux.. Ou comment un seul homme et toute son équipe de courtisans, soutenus par de puissants oligarques, sont arrivés à exercer un pouvoir exorbitant.
Ce « mage du Kremlin », dans le roman, Vadim Souranov, alias Vladislav Sourkov qui a été metteur en scène de théâtre et producteur d’émissions de télé-réalité et fut le conseiller politique et éminence grise de Vladimir Poutine: «  «Je ne connais pas très bien la politique, mais je sais ce qu’est un spectacle.» Il démissionnera plus tard, après être tombé en disgrâce.
Giuliano da Empoli connait bien ce domaine qui fascine le public: il a été, lui aussi,  conseiller politique, en particulier de Matteo Renzi: « Ce roman sur la Russie offre également une réflexion sur le pouvoir en général, son influence sur les hommes et l’importance de l’expérience qu’il leur procure.(…)  L’auteur
n’essaie pas de reproduire la réalité de façon mimétique, comme le ferait un peintre classique par exemple. (…) Poutine est très à son aise dans le maniement du chaos, comme d’ailleurs son conseiller Baranov, manipulateur qui sait nourrir l’ambiguïté. Adopter un comportement illisible et se montrer imprévisible, lorsqu’on se sent affaibli est la seule façon de faire peur. C’est la stratégie de Poutine -que l’on peut voir à l’œuvre aujourd’hui. Or, c’est une stratégie à laquelle l’Occident, épris d’ordre et de discipline, est mal préparé et équipé. D’où la grande difficulté d’établir des relations stables avec le président russe. »

 
 © O' Brien

© O’ Brien


Le roman qu’adapte ici Roland Auzet, est riche en dialogues précis et monologues, tous en général très écrits, ce qui ne veut pas dire forcément: oraux et théâtraux. Rien à faire: on a vu cela, depuis qu’il y a une dizaine d’années, les metteurs en scène se sont emparés des fictions romanesques. Ce n’est pas le même vocabulaire ni la même syntaxe. Ici, ces longues conversations, paroles juxtaposées, voire narrations et discours indirects
ne peuvent pas fonctionner.
Et dans toutes les mauvaises adaptations théâtrales des romans de Gustave Flaubert, George Sand, Marcel Proust, Honoré de Balzac…, on retrouve cette  même et inévitable carence.

Pauline Bayle s’en était  très bien sortie dans Illusions perdues (voir Le Théâtre du Blog) grâce à un vrai travail dramaturgique. Ici, Roland Auzet a bien du mal à trouver un fil rouge et à donner une véritable couleur à ce livre dense et le personnage de Poutine, même remarquablement interprété par Andranic Manet, semble faible.
Cela commence bien mal avec une scénographie prétentieuse. Avant le début, ses interprètes sont là et discutent. L’un d’eux, Boris Berezovsky, très  riche propriétaire de journaux et  médias (Hervé Pierre) passe un balai à franges sur un sol en plastique noir.  Il y a aussi une table avec des verres et un flacon de vodka.
Côté jardin et côté cour, un gros canapé et deux fauteuils d’un blanc éclatant, se font face. Et un buste de Lénine. Sur le mur du fond, de grands miroirs reflétant les spectateurs, un procédé efficace il y a cinquante ans imposé par le Za Branou tchèque… mais que personne n’ose plus utiliser.

Mais aussi une lumière blanche aveuglante face public, insupportable, sans doute pour signifier la dictature de la vision ou quelque chose du même genre. Bref, une scénographie et des lumières faciles, et pas du bois dont on fait les flûtes.  S’affiche en grosses lettres noires, sur fond blanc des phrases « Cette histoire est inspirée de faits et de personnages réels, à qui nous avons prêté une vie privée et des propos imaginaires. Il s’agit néanmoins d’une véritable histoire russe. »Après quelques minutes où on voit les personnages se parler entre eux sans qu’on les entende-là aussi un vieux procédé- la pièce commence enfin: « Qu’est-ce que je peux vous dire de plus… dit alors une femme, visiblement proche de Poutine: «  La première fois que j’ai entendu parler de Vadim Baranov, c’est comme tout le monde. Par les médias. Quand on avait appris sa démission comme conseiller politique du Tsar. Il avait passé quinze ans à son service. C’est lui qui l’avait fait. C’est ce qu’on dit. » Apparaissent ensuite des personnages comme Berezovsky, en disgrâce depuis que Boris Elstine a disparu, et qui a tout fait pour installer au pouvoir ce Poutine, chef du F.S.B., l’ex K.G.B. efficace et redoutable police secrète. Un homme, dit-il, qui a « transformé la Russie en ce qu’elle a toujours été : une putain de prison ! » remarquablement joué par Andranic Manet  mais qu’on verra finalement peu. Dommage…
Il y a parfois de bons mais courts moments: comme le récit du naufrage du Koursk, le sous-marin nucléaire qui explosa mystérieusement avec 118 hommes en 2000, de la guerre en Tchétchénie, et de  l’invasion de l’Ukraine. Ou encore cette discussion entre Baranov (excellent Philippe Girard) et Limonov, un écrivain dissident qui sera pro-Poutine quand ce dernier annexera la Crimée et le Donbass.

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©Thomas O’Brien

Mais Roland Auzet nous inflige de nombreuses projections d’images non figuratives: lignes noires embrouillées ou plans rouges vif très grand format sur le mur du fond, qui n’ont rien à faire là. Inutiles, voire pléonastiques.
Elles parasitent même le jeu des acteurs! Comme ces bombardements d’immeubles ou de Prigogine, parlant dans un cimetière à l’abandon…
Tous ces clichés et artifices relèvent d’un vieux théâtre, même et surtout quand il est fabriqué par des metteurs en scène contemporains.


A la fin, deux jeunes rappeuses en pantalon et blouson noir, chantent en russe. Enfin un peu de vie… Il y a aussi un terroriste, lui aussi tout en noir, qui arrive par la salle et menace le public: il faut se pincer très fort pour y croire, même une seconde!

L’ensemble du spectacle est bien long (deux heures) voire confus! Et difficile parfois de se repérer dans les personnages pour ceux qui n’ont pas lu le roman, . Et pourquoi avoir fait dire de courtes répliques en russe, sur-titrées? Pour faire plus juste, plus authentique? Evidemment, cela sonne faux!
Dans tout cela, reste l’interprétation magistrale de Philippe Girard ( Le Mage) et d’Hervé Pierre en oligarque. Mais cela ne suffit pas! Le public qu’on sentait friand de connaître les coulisses du Kremlin et de la vie de Vladimir Poutine, a semblé déçu et a applaudi frileusement-on le comprend- un spectacle décevant et que vous pouvez vous épargner…

Philippe du Vignal
 Jusqu’au 3 novembre, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). 
 

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