L’Avare de Molière, mise en scène de Clément Poirée
L’Avare de Molière, mise en scène de Clément Poirée
Il y avait, avec l’invitation au spectacle, une liste d’objets à apporter si possible : tissus, vêtements, livres, magazines, casseroles, chaussures, gants… CD et DVD qui ne servent plus. Le but? Monter «un Avare aussi radin qu’Harpagon lui-même ». Le reste étant donné à La Petite Rockette, une association de ressourceries, avec restaurant anti-gaspilage, atelier-vélo participatif et friperie solidaire.
Bon, après tout, pourquoi pas ? Six grandes étagères grillagées et de grands bacs reçoivent ces dons et servent aussi d’éléments scénographiques comme un escalier sur roues, muni d’un gros projecteur d’où Harpagon menacera sa famille. Bon!
Aucun autre décor et derrière ces grilles on peut voir la compositrice Stéphanie Gibert créer une musique à partir d’une casserole, d’un verre… ou l’habilleuse Émilie Lechevalier, préparer les costumes ou du moins ce qui en tient lieu. Les jeunes interprètes sont en slip, short et haut blancs. Seul Harpagon ( John Arnold) est habillé façon XVII ème siècle, en strict pourpoint noir.
On retrouve ici ce célèbre avare que tout jeune élève du primaire connait au moins de nom, avec au début, une interminable liste de dépenses. Ce veuf de soixante ans (soit au moins dix de plus que maintenant!) se méfie de ses enfants qu’il n’aime guère, parce qu’ils sont jeunes : sa fille Élise est amoureuse de son intendant Valère et Cléante, lui, est fou de la jeune Marianne. Mais Harpagon la trouve à son goût et voudrait l’épouser… Grâce à un habile chantage sur une cassette pleine d’argent qui a été dérobée à Harpagon, Cléante pourra épouser Marianne…
Le texte est respecté mais la mise en scène de Clément Poirée, fondée au départ sur une sorte de performance-mettre tous les dons du public sur les étagères- ne fonctionne pas. On attendra en vain la suite… et le début est assez laborieux. Les acteurs déplacent sans arrêt étagères et projecteurs sur roulettes… Ce qui ne sert à rien et parasite le jeu, comme les allers et retours d’Harpagon dans la salle par une passerelle casse-gueule (il y a une petite rampe à franchir!), le rythme est souvent trop lent et la distribution inégale.
John Arnold arrive à rendre crédible son personnage, comme les jeunes acteurs qui jouent Elise et Cléante. Mais quelle sotte idée de les avoir mis en caleçons et slips blancs ! Le tout manque singulièrement de folie et d’une vision socio-politique dont Clément Poirée voulait sans doute imprégner la comédie la plus connue de Molière et la plus emblématique en France.
D’argent, on en parle en ce moment et tous les théâtres officiels et les compagnies ne négligent aucune petite économie. Au Théâtre de la Tempête, un clin d’œil à L’Avare ? Plus de programme distribué mais écrit sur un grand tableau noir dans le hall. Cette mise en scène se bonifiera sans doute avec le temps mais ne nous a pas paru vraiment convaincante.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 8 novembre, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes+ navette gratuite.