La Veuve rusée de Carlo Goldoni, adaptation et mise en scène de Giancarlo Marinelli
La Veuve rusée de Carlo Goldoni, adaptation et mise en scène de Giancarlo Marinelli
Dans ses Mémoires écrits en français en 1787, le célèbre auteur évoque son existence mouvementée entre la société vénitienne du XVIII ème siècle et Paris où il fréquente la cour de Louis XV et de Louis XVI. Observateur avisé des mœurs européennes, il écrit cette pièce en 1748 à Venise.
Une jeune veuve (Caterina Murino), espiègle et charmante, accompagnée d’une malicieuse servante, (excellente Sarah Biasini) est courtisée par quatre séducteurs : un Anglais, un Français, un Espagnol et un Italien. Chacun avec ses façons à lui de l’attirer. Après une première rencontre avec ces petits coqs, elle leur dit : “Je ne cherche pas la beauté mais la bonté et la fidélité.”
Arlequin, lui, est chargé de transmettre à la belle, leurs messages et cadeaux mais, comme Puck dans Le Songe d’une nuit d’été, il mélange leurs expéditeurs, d’où une série d’imbroglios et la pièce bascule alors dans une douce bouffonnerie. Arlequin (belle prestation de Tom Leeb) improvise des explications surréalistes pour corriger ses erreurs. Vincent Deniard, Vincent Desagnat, Thierry Harcourt et Pierre Rochefort sont, eux aussi, justes et crédibles.
Cette pièce est faite pour une troupe et ce collectif d’artistes s’entend à merveille. C’est toujours un pari risqué dans le théâtre privé, de faire une création avec de nombreux personnages. Et on aimerait qu’il y ait plus de rythme, plus de folie pour goûter pleinement à cette comédie légère.
Carlo Goldoni dépeint avec cruauté les travers spécifiques liés au pays de chaque séducteur : l’Italien est jaloux, le Français égocentrique (il offre un portrait de lui ! ), l’Espagnol uniquement préoccupé par sa lignée, (il lui donne un arbre généalogique ) et l’Anglais, excentrique. Seul, l’Italien semble avoir un sentiment authentique pour elle!
Avec cette pièce en trois actes, Carlo Goldoni donne vie pour la première fois à des personnages de la commedia cell’arte. Mais difficile de comprendre l’intervention de l’oncle de cette veuve, sous la figure de Pantalon, ici en voix off ( Jean Reno ) et qui apparaît comme « le Commandeur », gardien de la moralité.
La mise en scène est très cinématographique, avec des projections d’images réussies évoquant la Cité des Doges et la scénographe Fabiana Di Marco s’est intelligemment adaptée au petit plateau de ce théâtre parisien historique.
Les superbes costumes ont été fabriqués dans l’atelier vénitien de Stephano Nicolao. Un florilège de musiques un peu convenues accompagne cette création qui ira plus tard en Italie avec une équipe de comédiens de ce pays, dont Sarah Biasini et Caterina Murino. Le metteur en scène nous invite ici à un voyage dans le temps, peut-être un peu trop sage! Mais agréable à l’œil et à l’oreille. Un solide travail d’artisan du théâtre : allez découvrir cette pièce rarement jouée.
Jean Couturier
Théâtre des Bouffes-Parisiens, rue Monsigny, Paris (II ème) T. : 01 86 47 72 43.