Rêche,chorégraphie de Myriam Gourfink

Rêche, chorégraphie de Myriam Gourfink


Au Panthéon, lieu chargé de mémoire, dans une partie consacrée aux soldats de la Grande Guerre, sept danseuses et danseurs vont, une heure et quart durant, fasciner le public. Sous la haute coupole, ils viennent, l’un après l’autre, s’allonger sur le sol de marbre.
Leurs corps enchevêtrés, telles des sculptures de monuments aux morts, font écho aux bas-reliefs de la grande stèle voisine, dédiée «aux héros inconnus, aux martyrs ignorés, morts pour la France».

Sur les côtés de l’aire de jeu, deux œuvres d’Anselm Kieffer évoquant les massacres passés. Mais rien de sinistre dans Rêche. La pièce, contrairement à son titre, est empreinte de douceur. Les interprètes en costume immaculé s’animeront peu à peu avec une lenteur spectrale et cet amas de corps, mu par un souffle commun, se métamorphosera imperceptiblement au gré des postures, chacun prenant appui sur son prochain.

© Patrick Berger

© Patrick Berger

Dans l’imposante verticalité de l’architecture, ces gisants semblent des vermisseaux aspirant à sortir de leur rigidité cadavérique. Membres levés vers le haut, buste se convulsant au ralenti, dans un ondoiement microscopique perpétuel, cet assemblage humain mouvant ne perd jamais de son tropisme vers la lumière. On est loin d’une danse macabre.L’art de Myriam Gourfink est fondé sur les techniques respiratoires du yoga et sur une connaissance approfondie du mouvement des muscles et fascias, ce réseau de membranes enveloppant les organes.
Le prisme de la lenteur est, pour la chorégraphe, un moyen «d’arriver à un endroit de circulation qui rassemble tout le reste du corps, comme une grande toile d’araignée». Une approche exigeant concentration et maîtrise physique chez les danseurs.

Leur gestuelle arachnéenne est soutenue par la musique vibrante du compositeur Kaspar T. Toeplitz. Sa basse électrique émet un bourdonnement continu et Didier Casamitjana tire des sons caverneux de gongs et d’un tambour chamanique tendu d’un morceau de peau de yourte. Pour Baudelaire, «les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs » mais ils sont ici du côté des vivants et suscitent une émotion recueillie dans le public. Le Panthéon n’est pas un cimetière mais un endroit de l’esprit où l’on honore des hommes et femmes de courage.
La douceur de Rêche s’inscrit à contre-courant du langage guerrier. «Il me semble dit Myriam Gourfink, qu’aujourd’hui, chercher la tendresse est un effort à renouveler tous les jours.» Après cette première mondiale, la pièce ira en tournée, donc ne la manquez pas.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 28 septembre, au Panthéon, Centre des monuments nationaux, place du Panthéon, Paris (Vème). Dans le cadre de l’Atelier de Paris. T. : 01 41 74 17 07 et du Festival d’Automne à Paris 

 Les 5 et 6 novembre, Théâtre du Beauvaisis-Scène nationale, Beauvais (Oise).

 

 

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