Cap au pire, de Samuel Beckett, traduction d’Edith Fournier, mise en scène de Jacques Osinski

Cap au pire, de Samuel Beckett, traduction d’Edith Fournier, mise en scène de Jacques Osinski

 Nous retrouvons avec plaisir Denis Lavant dans cette performance hors-norme, reprise cet automne au théâtre 14. Athlète de la langue, il nous attire dans une vertigineuse descente aux enfers du verbe : «Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. »

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L’acteur dit jusqu’à plus soif comment: « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal »». Il donne corps à un texte ardu, sans jamais en perdre le fil, immobile sur un rectangle de lumière,avec  dans le dos, un tulle derrière lequel apparaissent et disparaissent de minuscules luminaires, loupiotes têtues dans la pénombre ambiante. La mise en scène suit à la lettre les indications de l’auteur, interprétées ici à la virgule, au hiatus près, tout en faisant surgir un humour latent.

Cap au pire, avant-dernière nouvelle de Samuel Beckett, parue en anglais en 1983, sous le titre Worstward Ho-worst : pire- un jeu de mots à partir de l’expression maritime westward ho ! (cap à l’ouest).
La traduction d’Édith Fournier (1991) restitue avec bonheur cette langue avare en vocabulaire qui suit le cheminement d’une pensée en marche vers la catastrophe, dans un style syncopé, avec peu de phrases complètes, des adverbes souvent seuls, quelques verbes, la plupart à l’infinitif.

Dans ce texte quasi-métaphysique – on pense à Parménide- rien à quoi se raccrocher, sinon la concrétude des mots portés par l’acteur et, ça et là, des espaces où se meuvent de mystérieux personnages voués à la disparition. Et pourtant, nous restons suspendus pendant une heure et demi à la performance de Denis Lavant. Il fouille avec acharnement dans cette histoire d’aller au pire, à la limite, jusqu’à l’effacement même d’une parole, d’une œuvre, d’une existence. Une histoire qui, cependant, n’en finit pas de finir.
Et s’ouvre, comme elle se ferme, page 62, sur le mot 
: encore. «Assez. Soudain assez. Soudain tout loin. Nul mouvement et soudain tout loin. Tout moindre. Trois épingles. Un trou d’épingle. Dans l’obscurissime pénombre. À des vastitudes de distance. Aux limites du vide illimité. D’où pas plus loin. Mieux plus mal pas plus loin. Plus mèche moins. Plus mèche pire. Plus mèche néant. Plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore». Denis Lavant nous éclaire ici plus que tout commentaire philosophique… à condition de se laisser porter par son phrasé acrobatique.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 19 octobre, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier Paris (XIV ème). T. : 01 45 45 49 77.

 

 

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