L’Epreuve, adaptation librement inspirée et mise en scène de Robin Ormond

L’Epreuve, adaptation librement inspirée de Marivaux et mise en scène de Robin Ormond
A l’origine, un travail de fin d’année des jeunes académiciens de la Comédie-Française et créé au Studio, en juin l’année dernière. Depuis 2009, la célèbre Maison de Molière accueille chaque saison sept jeunes diplômés des grandes écoles supérieures d’art qui bénéficient ainsi d’un complément de formation: sélection sur audition puis entretien avec l’administrateur général. Et depuis 2015, un metteur ou une metteuse en scène-dramaturge, un auteur ou une autrice-dramaturge ou une scénographe, un costumier ou une costumière, un concepteur ou une conceptrice-son. Sélection sur dossier, puis entretien avec l’administrateur général et le directeur en charge de leur spécialité. Une sorte de stage de onze mois: ils sont immergés dans la vie, la réalité et les techniques d’un grand théâtre. Comme l’étaient déjà les élèves de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot sous la direction d’Antoine Vitez et celle de Jérôme Savary, bien avant la mise en place de cette Académie. Curieusement, très peu de ces jeunes interprètes deviennent pensionnaires de la Comédie-Française…

Comment on se fait avoir sur le titre et l’auteur mentionné: Marivaux… Ici, « une adaptation librement inspirée ». En fait, ici, cela se passe dans la cave d’un immeuble parisien où deux filles et trois garçons se retrouvent chaque week-end pour participer à un jeu qu’ils organisent et dont ils déterminent les règles à chaque fois. « Un soir, l’un d’eux a invité une inconnue. Désarçonné, le groupe est pris au piège d’une partie qui lui échappe et où risque de se révéler une histoire commune que la plupart préférerait oublier. « 

©x

©x

Le texte est donc « librement inspiré » de L’Épreuve (1740). Mais il y a, comme une tromperie sur la marchandise si on se réfère à Marivaux et quand, dans L’Officiel des spectacles, on lit la mention: théâtre classique, là cela ne va plus du tout… Sanda Bourenane, Vincent Breton, Olivier Debbasch, Yasmine Haller et Alexandre Manbon font ce qu’ils peuvent (l’une joue Angélique, un autre Lucidor, son amoureux).
Rien à voir ou si peu, avec les personnages de L’Epreuve ou de La Dispute du célèbre dramaturge, auxquelles fait référence Robin Ormond. Sa « pièce » est parsemée de références philosophiques, entre autres: Claude Lévi-Strauss, et de citations: Alfred de Musset, etc.
« On y trouvera, dit Robin Ormond, des lambeaux de répliques ou même d’articles écrits par Marivaux dans Le Spectateur français ou Le Cabinet du philosophe, de bribes de ses romans, des chutes de mon mentor Simon Stone qui m’a fait plonger dans la réécriture radicale d’œuvres théâtrales, de citations de Malebranche, de Simone Weil, Paul Tomas Anderson. » En tout cas, ce texte assez prétentieux et qui se voudrait à la pointe de la théâtralité contemporaine, est difficilement compréhensible et ennuyeux, même pendant une heure vingt…
Le jeune auteur, dit-il, a volé, vandalisé les autres et il se justifie à bon compte, en disant que Marivaux a volé Lope de Vega pour son Heureux Stratagème! Quant à la mise en scène, elle est truffée de stéréotypes: arrivée d’acteurs par la salle, voix off ponctuant les scènes, fond sonore permanent avec coups sourds de batterie électronique, tulle devant le plateau, sous-éclairage, micros H.F. (cela n’a jamais sauvé une direction d’acteurs médiocre et une diction souvent approximative!), mini-jupe et cuissardes, robe longue pailletée avec très hauts talons de drag-queen, caleçons et marcels blancs en guise de costumes… Cela fait quand même bien trop de choses approximatives!

Ces jeunes interprètes, mal dirigés, méritent sûrement mieux et il faudrait les revoir dans un vrai travail qui tient la route. Mais pas chez Robin Ormond: « Peut-être que tout cela réussira durant quelques instants ou échouera pour la durée entière du spectacle et je m’en réjouis. » (sic). Bref, tant pis pour le public… qui n’a pas spécialement goûté cette libération « de l’aveuglante immédiateté du patrimoine et de son autorité prédéterminée. » (sic: on se croirait chez Les Femmes Savantes!). Que Robin Ormond essaye de voir un enregistrement, ou au moins des extraits, de La Dispute, magistralement mise en scène de Patrice Chéreau et il découvrira ce qu’est une écriture claire et encore très actuelle d’un certain… Marivaux, un des auteurs les plus joués à la Comédie-Française. Allez, une dernière pour la route: « Cette pièce est pour moi un essai, dit-il, une épreuve aussi. » Là, au moins, c’est une réussite indéniable: une épreuve aussi pour le public et le spectacle a été mollement applaudi!
Reste à comprendre pourquoi Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, a programmé cette « pièce », créée l’année dernière. L’avait-il lue? Même question à Frédéric Biessy, directeur de la Scala. Bref, il serait grand temps, si on aime les œuvres du répertoire comme le prétend Robin Ormond et si veut en faire quelque chose de contemporain, d’avoir un peu plus d’humilité. Ce ne serait pas un luxe.

Philippe du Vignal  

Jusqu’au 29 décembre, La Scala, 13 boulevard de Sébastopol, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.


Archive pour 1 octobre, 2024

Festival d’Automne Sur tes traces, conçue et réalisée par Gurshad Shaheman et Dany Boudreault

Festival d’Automne

Sur tes traces, conçue et réalisé par Gurshad Shaheman et Dany Boudreault

 Le premier est  né et a vécu, enfant en Iran mais est en France depuis 90: « « Dans la ville où je suis né, Téhéran, j’étais déjà un intrus. » Et  le second, lui vit près du lac Saint-Jean au Québec où le premier est allé le voir.  Ils ont décidé de travailler ensemble et de s’offrir réciproquement la clé d’accès à leurs archives personnelles (notes, carnets de voyage, interviews, etc.)  Le spectacle est donc aussi le récit de cette rencontre entre ces artistes.

©x

©x

Sur la scène, un beau dispositif scénographique, presque hyperréaliste avec, côté jardin, une salle à manger ou bureau, derrière une petite cuisine et  côté cour une chambre avec un grand lit. Dans le fond  une grande baie vitrée avec vue d’en haut sur un paysage urbain. Côté cour une chambre avec un grand lit. Le tout fermé  par un tulle transparent.
A l’entrée, on nous munit d’un casque audio avec de deux canaux  pour entendre l’une ou l’autre de leur voix, en alternance. Chacun trouve un écho à ses amants, à ses amis mais aussi à ses préoccupations politiques concernant son pays d’origine.

Malheureusement, un seul canal de notre casque fonctionnait, celui de Dany Boudraut et le texte, assez répétitif, devenait vite lassant et comme cette performance durait deux heures, l’ennui s’est  vite installé.  D’autant plus que la mise en scène est assez statique et que le texte entendu avait été visiblement enregistré-comment apprendre un tel monologue  quand il est aussi long-ers la fin, une fois le tulle enlevé, on voyait que les mouvements des lèvres de Dany Boudreault ne correspond pas à la prononciation du texte…
Cette quête identitaire sous forme de performance avec la mise en scène de deux textes en simultané, aurait pu être intéressante mais là, encore une fois, si l’espace était bien assumé, le temps ne l’était pas du tout… Et qu’il s’agisse de théâtre classique, moderne ou  très contemporain, quand les deux ne sont pas au rendez-vous, cela reste décevant et souvent ennuyeux… Dommage.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 4 octobre, Théâtre de la Bastille, 76 Rue de la Roquette, Paris ( XI ème). T. : 01 43 57 42 14.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...