Sorcières,(titre provisoire) de Penda Diouf, mise en scène de Lucie Berelowitsch
Sorcières,(titre provisoire) de Penda Diouf, mise en scène de Lucie Berelowitsch
Lucie Berelowitsch, directrice du Préau-Centre Dramatique National de Normandie-Vire, a souhaité à son arrivée en 2019, travailler en lien avec la réalité des terroirs environnants. Sorcières prend sa source dans une envie d’y explorer les phénomènes paranormaux et pratiques occultes, à la suite de l’ethnologue tunisienne Jeanne Favret-Saada. Dans les années soixante-dix, celle-ci avait mené une enquête remarquable et remarquée sur la sorcellerie paysanne dans le bocage mayennais et publie La Sorcellerie dans le bocage, dans Les Mots, la mort, les sorts et Corps pour Corps, coécrit avec Josée Contreras.
À son tour, Penda Diouf a battu la campagne autour de Vire, à la recherche de pratiques et pensées magiques et e a construit cette pièce à partir de la démarche de Jeanne Favret-Saada et de témoignages recueillis. Grâce à de petites annonces, ouïe-dire, bouche à oreille, l’autrice a pu rencontrer des hommes et femmes rebouteux, coupeurs de feu, exorcistes mais aussi des personnes se disant envoutées.
Elle a aussi écouté des histoires et légendes transmises d’une génération à l’autre. Cette riche matière lui a permis d’alimenter Sorcières,(titre provisoire). Dans son texte-son titre est un clin d’œil à Sorcières, le livre-culte de Mona Chollet-ellene se réclame pas ouvertement du mouvement féministe des « witches ». Elle convoque des figures de sorcières mais il y a aussi d’autres personnages féminins.
Sonia vient de s’installer à la campagne dans la maison d’une grand-tante. Une nuit d’orage, une femme étrange s’invite, suite à une mystérieuse panne de voiture… Après cette visite insolite, Sonia entend des voix et bruits inquiétants. Les voisins racontent que la maison est hantée. Avec l’aide de son amie Jeanne, Sonia va remonter à la source de ces rumeurs. Tout commence donc par une situation banale mais des phénomènes anormaux dans et autour de la maison, exercent une emprise sur Sonia, jusqu’à l’envahir, voire la posséder.
Jeanne essaye d’exorciser les fantasmes de son amie et de comprendre son comportement incongru. Mais elle sera, elle aussi, happée par l’histoire de cette énigmatique aïeule, objet de toutes les rumeurs du voisinage et victime d’un procès en sorcellerie. La scénographie de François Fauvel et Valentine Lê contribue à créer une atmosphère d’étrangeté, avec l’ouverture progressive des entrailles de la maison au décor un peu vieillot, sur un paysage fantasmagorique.
Sonia Bonny fait de Sonia, un personnage impressionnable, un peu médium et Clara Lama-Schmit incarne une enquêtrice rationnelle à l’image de Jeanne Favret-Saada et de l’autrice elle-même. Natalka Halanevych donne à ses différents rôles une touche d’inquiétante étrangeté propre à son groupe Les Dakh Daughters, installé à Vire en 2.022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Sous la houlette de Lucie Berelowitsch, ces actrices créent un univers insolite, proche du cinéma de genre, mais sans emphase, ni pléthore d’effets spéciaux. La mise en scène, sobre et précise, accompagnée par une équipe artistique en phase avec le projet, donne du relief à l’écriture de Panda Diouf qui ne nous a pas entièrement convaincue, surtout dans la dernière partie. Mais, en ce soir de première, le public a été gagné par le jeu des comédiennes et l’atmosphère du théâtre où sont exposés des objets de sorcellerie et une grande tapisserie sur ce thème réalisée par les habitants des environs.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 1er octobre, au Préau-Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados). T. : 02 31 66 16 00.
Le 18 octobre, Théâtre des Halles, Tessy-Bocage (Manche).
Le 14 novembre,Théâtre municipal de Domfront en Poiraie (Orne) et le 28 novembre, La Halle ô Grains, Bayeux (Calvados).
Les 21 et 22 janvier, Théâtre du Point du jour, Lyon (Vème) ; le 28 janvier, Par le Bocage, Barenton (Manche).
Le 4 février, Théâtre de l’Arsenal, Val-de-Reuil (Eure).
Les 27 et 28 février, Les Franciscaines, Deauville (Calvados).